Des coûts de production au prix de vente : combien ça coûte un livre numérique ?

Par Lalibraire

Qu'est-ce qui fait trembler les acteurs de la chaîne du livre ? La question du coût du livre numérique bien sûr.

L'étude (téléchargeable sur leur site) réalisée par le MOTif (observatoire du livre et de l'écrit en Ile-de-France) démontre que numériser un livre demande des investissements techniques comme humains aux éditeurs qui souhaitent dématérialiser leurs ouvrages, mais explique également qu'ils peuvent s'en passer dans un premier temps en sous-traitant cette tâche. Car il suffira à l'éditeur de ne vendre qu'une centaine d'exemplaires pour que sa commercialisation soit rentable, à l'inverse du livre papier, et ce quelque soit le format de numérisation choisi (XML, Epub). L'éditeur a donc tout à gagner en numérisant ses ouvrages. Il augmente sa marge bénéficiaire, peut disposer de nouveaux canaux de commercialisation comme les télécommunications, et proposer une amélioration de la rémunération de l'auteur. Le véritable investissement pour l'éditeur est dans l'enrichissement du livre numérique, en ajoutant du contenu multimédia, des liens hypertextes, des supports images et vidéos à cette nouvelle édition. Grâce à ces données supplémentaires l'oeuvre numérique se distinguera de l'oeuvre papier, tout en devenant attractive et complémentaire, pour exemple cette version d'Alice au pays des merveilles proposer sur l'ibookstore Apple.

L'étude du MOTIF en s'intéressant seulement aux coûts de production, évite la question fondamentale du prix de vente du livre. Pour ses calculs, elle se base toutefois sur une moyenne de prix de vente située entre 13 à 15 euros, ce qui est inférieur au prix d'une nouveauté papier, située entre 15 et 25 euros. Le rapport Albanel sur le livre numérique préconise un prix qui ne puisse être en deçà de 50% du prix de vente du livre papier à sa première commercialisation. Ce rapport répète ceux de ses prédécesseurs, en défendant à son tour un passage de la TVA, de 19,60 à 5,50, et en soutenant la Loi Lang, dite loi du prix unique du livre ( et en s'acharnant à vouloir appeler le livre numérique, livre homothétique ).

Dans son article «livre numérique : du prix unique au prix perpétuel», Hubert Guillaud met le doigt sur le nœud du problème. Il soutient le maintien de la loi Lang du prix unique du livre, et croit bon de laisser le soin à l'éditeur et non au revendeur, de fixer le prix de vente du livre papier comme du numérique. Seulement le prix d'un livre papier est dégressif. Un livre à 20 euros, perd plus de 50% de sa valeur d'achat en passant en livre de poche, et encore moins lorsqu'il est revendu d'occasion. Hubert Guillaud craint, à raison, que le prix du livre numérique soit fixé une fois pour toute sans jamais être remis en cause par son éditeur. Il constate d'ailleurs que le prix des premiers livres numériques parus il y a une année n'ont pas diminués.

Si le coût de fabrication d'un livre numérique se précise, le débat reste ouvert sur la fixation du prix de vente du livre numérique. L'éditeur peut donc se rassurer et lancer les rotatives numériques. Par contre le libraire ne sait pas encore la part du gâteau qui va lui être attribuée ni comment rester l'interlocuteur privilégié du lecteur, face à l'avalanche de plateformes de vente Apple ou Google qui ne vont pas tarder à dominer ce marché naissant. Le libraire indépendant réagit à son tour en se fédérant autour de son portail en construction, 1001libraires.com.

Et le lecteur dans tout ça me direz-vous? Il s'en tamponne ! L'étude IPSOS sur les publics du livre numérique, qui précéda le salon du livre de Paris, révèle que la moitié des français ne savent même pas que le livre numérique existe, et seulement 5% des français lisent des ouvrages dématérialisés. Sur cette proportion, 5% utilisent des ebooks (ce qui représente 0,25% des français) contre 64% leur ordinateur ! Pour le lecteur le prix d'un livre numérique et son support de lecture seront les éléments déterminants de sa conversion à ce nouveau mode de lecture. En attendant le livre de poche reste une fois de plus le meilleur compromis entre le prix et le format.

Profitons de ce temps pour préparer intelligemment cette révolution du livre, tant que le lecteur n'est pas dans la tourmente.

(Retrouvez tous l'actualité du numérique dans la rubrique iPoche)