"51. Depuis le 1er décembre 2009, date à laquelle le traité de Lisbonne est entré en vigueur, il convient de prendre en considération plusieurs dispositions de droit social primaire touchant au cadre des libertés. Notamment, le détachement de travailleurs, dans la mesure où il peut moduler l’intensité de la libre prestation de services, doit être interprété à la lumière des dispositions sociales introduites par ledit traité. En effet, l’article 9 TFUE a prévu une clause transversale de protection sociale qui oblige les institutions à prendre en compte «les exigences liées à la promotion d’un niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion sociale ainsi qu’à un niveau élevé d’éducation, de formation et de protection de la santé humaine». Cette exigence est formulée après avoir déclaré, à l’article 3, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne, que la construction du marché intérieur est matérialisée par des politiques fondées sur «une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social".
52. Ce mandat social trouve un reflet encore plus clair dans l’article 31 de la charte des droits fondamentaux, texte qui fait maintenant partie du droit primaire de l’Union, qui proclame que «[t]out travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité». Parmi ces conditions, il est prévu une garantie relative à la durée, aux périodes de repos et aux congés payés, qui illustrent, mais non de manière exhaustive, un cadre minimal de protection en faveur du travailleur.
53. L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne exige que, si les conditions de travail constituent une raison impérieuse d’intérêt général justifiant une dérogation à la libre prestation de services, elles doivent cesser d’être interprétées de manière restrictive. Dans la mesure où la protection du travailleur intervient comme facteur méritant la protection des traités eux‑mêmes, on ne se trouve pas devant une simple dérogation à une liberté, ni encore moins devant une exception non écrite découlant de la jurisprudence. Le nouveau cadre de droit primaire, dans la mesure où il impose nécessairement un degré élevé de protection sociale, permet aux États membres, en vue de garantir un certain niveau de protection sociale, de limiter une liberté, et de le faire sans que le droit de l’Union ne le considère comme quelque chose d’extraordinaire, et donc méritant une analyse restrictive. Cette thèse, qui trouve son fondement dans les nouvelles dispositions des traités qui viennent d’être cités, se concrétise en pratique par l’application du principe de proportionnalité".