BE Etats-Unis 196 >> 19/02/2010
L’accroissement de la population mondiale et les changements climatiques constituent aujourd’hui deux contraintes fortes pour la production agricole. En effet, d’après les estimations, la population mondiale s’élèverait à plus de 9 milliards d’individus en 2050. Cette situation nécessiterait, d’après la FAO (Food and Agriculture Organization), une augmentation de la production alimentaire mondiale de 70%.
Dans ce contexte, de nombreuses études et recherches sont menées sur d’éventuelles solutions technologiques pour augmenter la production agricole mondiale. La FAO a également pris position dans un rapport sur les politiques en matière d’agriculture et de changement climatique, publié pour le Sommet de Copenhague du 7 décembre 2009 en présentant les pratiques culturales qui capturent et stockent le carbone dans les sols comme une solution prometteuse pour la production agricole.
Du côté académique, une équipe de chercheurs de l’université de Californie (UC Davis) et une équipe de l’université du Missouri ont récemment publié les résultats de leurs études sur les changements technologiques à apporter à l’agriculture pour répondre aux besoins alimentaires de la population mondiale. L’équipe de chercheurs de l’UC Davis a publié les conclusions de ses études dans une édition spéciale du magazine Science « Food Security » du 12 février avec un article intitulé « Radically Rethinking Agriculture for the 21st Century ». Les auteurs de cet article sont, entre autres, Nina Federoff, conseillère pour la Science et la Technologie auprès du Secrétaire d’Etat Hillary Clinton, Pamela Ronald, pathologiste en sciences du végétal et d’autres scientifiques des secteurs publics et privés. Ces chercheurs pointent du doigt le fait que les impacts du changement climatique sur l’agriculture sont déjà notables comme en témoigne cet évènement survenu en Europe à l’été 2003 : une température supérieure aux normales de saison de seulement 3,5°C entraînant notamment une diminution des rendements des graines et des fruits de l’ordre de 20 à 36%.
- une réévaluation des aspects règlementaires limitant l’usage des OGMs ;
- une mise en place au sein d’une seule Agence, l’USDA, de plateformes permettant d’évaluer l’innocuité de ces OGMs (stabilité génétique, toxicité, potentiel allergène, impacts sur des organismes non ciblés…) ;
- le développement de nouveaux systèmes agricoles et d’aquaculture afin d’augmenter durablement la productivité des cultures, de l’élevage de bétail et l’activité piscicole ;
- la mise au point de systèmes agricoles adaptés pour les régions aux conditions environnementales extrêmes, comme la sécheresse et la forte salinité des sols.
Globalement, l’ensemble de ces recommandations, met en avant trois aspects principaux : l’importance de la poursuite des recherches en biotechnologies pour le développement de cultures OGMs couplée à celles faisant appel aux techniques traditionnelles de croisement génétique, l’exploitation du potentiel que constitue l’aquaculture ainsi qu’une extension des zones de cultures dans des environnements extrêmes (sécheresse, forte salinité) pour faire face à ce problème de sécurité alimentaire.
On notera que pour ce dernier point (exploitation agricole en conditions extrêmes), le développement de plantes génétiquement modifiées apparaît à nouveau comme une solution qui pourrait être développée. En effet, citons la nouvelle variété de riz résistant aux inondations, nommée Swarna-Sub1, développée notamment pour le Bangladesh et l’Inde par l’équipe de Pamela Ronald de l’UC Davis, David Mackill du International Rice Research Institute et Julia Bailey-Serres de l’Université de Californie Riverside. Ces divers aspects de résistance des plantes à des conditions extrêmes comme la sécheresse et les inondations avaient déjà été traités dans de précédents bulletins (cf. [1], [2] et [3]). Les chercheurs de l’UC Davis proposent également le développement de plantes capables de mieux utiliser l’azote environnemental, de diminuer la pollution des eaux et l’émission de gaz à effet de serre associées à l’utilisation d’engrais.
Cependant, malgré le déploiement de toutes ces biotechnologies en vue de développer des OGMs capables de se développer dans des environnements extrêmes ou bouleversés par les changements climatiques, Pamela Ronald insiste sur le fait que les techniques conventionnelles de croisement et de génie génétique constituent également des outils appropriés pour le développement de plantes qui seraient mieux adaptées aux changements climatiques.
Dans ce même contexte, une équipe de chercheurs de l’Université du Missouri (MU), soutenue financièrement par le U.S. DOE et en collaboration avec des chercheurs d’autres instituts travaillent sur le soja dans le but de cartographier son génome afin d’améliorer les cultures. Les résultats de la cartographie du génome du soja ont été publiés dans l’édition de janvier du magazine Nature. Ils ont ainsi pu identifier 1,1 million de paires de base dans le génome du soja, incluant plus de 90 caractères phénotypiques distincts qui affectent le développement de la plante, les caractéristiques relatives à la productivité, à la résistance aux maladies, à la qualité des graines et à la nutrition, tout ceci pouvant servir d’outils pour d’importantes améliorations des cultures.
A l’issue de ces travaux de cartographie, les scientifiques de la MU ont créé une base de données, SoybeanDB, répertoriant les facteurs de transcription du soja, informations accessibles par le biais d’un serveur web pour toute la communauté scientifique. Henry Nguyen, directeur du National Center for Soybean Biotechnology at the MU College of Agriculture, Food and Natural Ressources a utilisé ces nouvelles connaissances sur le génome pour étudier le système racinaire du soja afin de développer des plantes résistantes à la sécheresse ; ses résultats ont été publiés dans Plant, Cell and Environnement.
Par ailleurs, sur la scène internationale, le rapport de la FAO sur la « Sécurité alimentaire et l’atténuation agricole dans les pays en développement » met en avant les pratiques culturales qui capturent le carbone et le stockent dans les sols agricoles. Selon cette étude, il s’agit là d’une solution rapidement applicable, efficace et peu onéreuse pour lutter contre les changements climatiques. Les auteurs de ce rapport rappellent que le secteur agricole n’est pas seulement victime des changements climatiques, il contribue également aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, à hauteur de 14% et dont 74% proviendraient des pays en développement. Ainsi, le potentiel technique pour l’atténuation du volume de ces émissions est très important pour ce secteur et se trouve à 70% dans les pays les plus pauvres.
Ces techniques préconisées pour piéger le carbone dans le sol sont celles dites de l’agriculture de conservation et biologique. Celles-ci prévoient une augmentation de la matière organique dans les sols, d’où un accroissement de la fertilité, de la rétention d’eau et une amélioration de la structure des sols. Ces thèmes de recherche sur la séquestration du carbone dans les sols font l’objet de nombreux programmes comme :The Carbon Sequestration Leadership Forum, FutureGen Project, Carbon Sequestration Core Program à l’initiative du DOE [4] ou The Consortium for Research on Enhancing Carbon Sequestration in Territorial Ecosystems (CSiTE) [5] également initié par le DOE, ce dernier regroupe des chercheurs de l’Oak Ridge, National Laboratory, du Pacific Northwest National Laboratory, du Argonne National Laboratory ainsi que des universités partenaires (Texas A&M, Virginia Polytechnic Institute, UC Davis, University of Maryland, Ohio State University).
En conclusion, les scientifiques proposent une approche couplée faisant appel aux OGMs ainsi qu’aux techniques génétiques plus traditionnelles comme solution aux problèmes d’alimentation de la population mondiale. Celle-ci est en cohérence avec les préconisations de la FAO pour un retour à une agriculture plus raisonnée, biologique et conservative permettant une exploitation maximale de toutes les surfaces agricoles disponibles. Il est également important de rappeler que les experts sont d’accords sur le fait que l’agriculture n’a pas bénéficié du soutien financier nécessaire pour la recherche en matière de climat et qu’il s’agit là d’un fait regrettable quand on sait le potentiel que ce secteur représente pour l’atténuation des émissions de carbone.
Pour en savoir plus : - FAO -
contacts : – [1] Recherche agronomique et changement climatique : mise au point d’une nouvelle variété de riz tolérante aux inondations – BE Etats-Unis 180 – 16/10/2009 -
- [3] Vers la compréhension du mécanisme qui sous-tend la résistance des plants de maïs à la sécheresse – BE Etats-Unis 188 – 14/12/2009 -
- [4] US DOE – Carbon Sequestration -
- [5] Carbon Sequestration in Territorial Ecosystems (CSiTE) -
Source : - Dramatic Changes in Agriculture Needed as World Warms and Grows, Researchers Say – UC Davis News & Information – 11/02/2010 – http://www.news.ucdavis.edu/search/news_detail.lasso?id=9391
- Affronter en même temps changement climatique et sécurité alimentaire – FAO – 01/12/2009 – http://www.fao.org/news/story/fr/item/37857/icode/
- Exploiter les multiples avantages de l’agriculture / Atténuation, adaptation, développement et sécurité alimentaire – FAO – ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/012/ak914f/ak914f00.pdf
- Researchers fight world hunger by mapping the soybean genome – 01/02/2010 – Biology News Net – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/VYzP2
- Reducing meat and dairy makes case for fortification – dairy reporter.com – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/FH7mn
Rédacteur : Magali Muller, Adèle Martial
Origine : BE Etats-Unis numéro 196 (19/02/2010) – Ambassade de France aux Etats-Unis / ADIT