Papi fait de la résistance

Publié le 06 mai 2010 par Pagman

... Cher Robert, permets-moi de t'appeler Papi pour la suite de ce texte. Je t'ai toujours appelé ainsi et puis je fais ce que je veux ici-bas, c'est mon blog. Aujourd'hui, c'est ton anniversaire mais tu t'en fiches. Tu n'es plus là depuis longtemps et les jours, les heures et les années ne veulent plus dire grand-chose pour toi. Cher Papi, donc, si tu étais encore parmi nous comme disent les chats bien éduqués, tu aurais 104 ans aujourd'hui. Ce jeudi 6 mai. D'accord avec toi, ça fait pas tout jeune. Mais ne rigole pas, ta sœur Suzanne, chère Tatie, n'en est pas loin. Elle a 102 ans. Oui. 102 ans et tout va bien. Mais toi, cher Papi, tu es parti avant elle, trop vite pour des conneries d'histoire de pacemaker de merde qui ont mal tournées et 14 ans après, je crois, je ne sais plus, je l'ai encore à travers de la gorge, ce départ. Le tien.

Cher Papi, tu étais l'homme le plus ouvert aux autres que j'ai jamais rencontré. Pour me laisser écouter du Kiss à 11 sur l'ampli sur ta platine Dual dans ton bureau, il en fallait de l'ouverture d'esprit. Je crois que tu m'as transmis, comme à tous tes petit-fils, cet état d'esprit. Aller vers l'autre. À travers les anecdotes que tu nous racontais, à travers ce que l'on savait de toi, à travers la gentillesse qui ressortait même derrière les énormes verres de tes lunettes, même que quand tu les enlevais, j'avais l'impression que tu avais des yeux minuscules. Au naturel.

Cher Papi, je te dois beaucoup. Mon bac, d'abord. Même si ce fut un miracle qui n'est toujours pas reconnu par l'église Catholique malgré mes missives répétées, c'est pour toi que je me suis accroché. C'est toi qui m'a donné l'envie d'essayer en tout cas. Je te dois des moments fabuleux à la découverte des châteaux de la Loire, de la bataille de Verdun, ces mercredis où nous partions découvrir la France d'en haut, d'en bas, de gauche et de droite. Je te dois ces heures à apprendre l'histoire à travers tes combats et tes joies, tes aventures, tes récits et tes diapos par milliers.

Je te dois ma sensibilité, génétique, lacrymale, photographique. C'est toi qui m'a offert mon premier appareil, justement pour mon bac. Un Minolta SRT 100 x avec un joli 50 pour faire de belles images car tu croyais en moi. C'est toi qui m'a fait découvrir la peinture avec de sublimes reproductions non brochée de Gauguin, Manet, Renoir, Van Gogh, Cézanne aux Nouvelles Editions Françaises, que j'ai toujours chez moi. Quand je les regarde, je pense à toi. À chaque fois.

Cher Papi, ça te fera une belle jambe mais je te souhaite un joyeux anniversaire. Et je t'embrasse bruyamment comme tu le faisais si bien, et j'ai comme une odeur d'after-shave, de Philip Morris et de vin de table qui me remonte au cerveau et ça bave et ça mouille mais ça fait tellement du bien.