Par Sylvain Lapoix - http://www.marianne2.fr
Sorti du complexe de persécution vis-à-vis des médias, François Bayrou a ébauché ce week-end une nouvelle « révolution centriste » pour son parti.
Après le discours, ruée de caméras, de militants et de photographes sur le président, Corinne Lepage et les autres ténors du Modem. © SL Bayrou réussira-t-il à se glisser dans le vide qui s'est créé entre Nicolas Sarkozy et Olivier Besancenot ? C'est en tout cas clairement l'ambition qu'il a affiché lors du Congrès fondateur du Modem, du vendredi 30 novembre au dimanche 2 décembre. Porté par l'ivresse de son discours de clôture, le président du parti (élu à 97% des voix) a même osé un parallèle révélateur en s'adressant aux quelques milliers d'adhérents venus l'écouter à Villepinte (93) : « Soyez fiers de votre nouveau nom : il y avait les socialistes, il y avait les communistes, désormais, il y a les démocrates. » Outre « démocrate », le mot clé du discours était « résistance » et la figure de prou... de Gaulle ! Pour répondre à la « désespérance » suscitée par l'absence d'une opposition structurée, Bayrou mise sur la radicalisation de son image de réformateur. La tribune du Congrès. © SL Le retour d'un « centrisme révolutionnaire »... trop déconnectée des débats
Face à un PS qui, selon lui, « n'a pas un discours compréhensible », Bayrou semble s'être converti au « centrisme révolutionnaire » de Jean-François Kahn. Evitant le « ni droite, ni gauche », le président du Modem développe un argumentaire ambitieux de « nouvelles fractures et de nouveaux clivages », où il souhaite qu'à la logique de « développement économique », se substitue celle de « développement humain ». Ce qui occasionne quelques entorses à la ligne libérale traditionnelle du mouvement, comme une opposition franche à l'assouplissement de la législation sur le travail le dimanche : « je pense d'abord aux vendeuses », argumente-t-il.
Et d'intégrer son parti à un mouvement plus global d'autres partis démocrates européens qui adoptent une même conception de la modernité combinant démocratie participative (notamment en interne), renouvèlement de la citoyenneté et développement durable. Progrès notable depuis la présidentielle : François Bayrou a élargi son discours. Il s'appuie désormais sur ses militants, et non plus seulement sur les élus, pour relayer cette nouvelle « bonne parole ». A la table, les fondateurs du Modem, réunis autour de François Bayrou. © SL Seul souci, derrière un discours renouvelé sur le rôle du Modem, la « révolution centriste » ne s'est pas vraiment enrichie en terme programmatique. Les grandes idées sont toujours les mêmes et les principales propositions demeurent celles de la campagne : la limitation de la concentration d'intérêt économiques pour garantir l'indépendance de la presse, la défense de la proportionnelle, l'interdiction constitutionnelle de présenter un budget en déficit...
Si ce corpus constitue le socle de la candidature Bayrou il paraît un peu étroit pour appuyer un travail d'opposition crédible vis-à-vis de Sarkozy. Pire, sur les points censés faire la spécificité du Modem (renouvèlement de l'implication des citoyens et développement durable) pas de proposition concrète. L'absence de position claire sur des questions d'actualité comme le pouvoir d'achat, le coût des énergies, l'euro fort ou les banlieues, confirme la plus grosse faiblesse de l'opposant Bayrou : là où Sarkozy trouve à se prononcer sur tout, son discours est séduisant mais trop déconnecté de la réalité présente.
La fin du complexe de l'homme trahi ?
La « personnalité » du président du Modem séduit cependant toujours autant son auditoire, malgré quelques critiques sur la longueur « castriste » des trois discours du week-end. La meilleure pirouette du Béarnais a sans doute été la réponse faite aux médias qui en faisait l'archétype de « l'homme trahi ». Le patron du Modem a compris que la dénonciation des félons ne faisait pas un politique. Ainsi Thierry Benoît, député Modem démissionnaire du congrès, s'est-il vu remercier par Jean Lassalle d'avoir expliqué sa décision ! Tandis que Gilles Lartigues a reçu une salve d'applaudissement quand il a expliqué combien il avait été sollicité par l'UMP à Saint-Etienne sans jamais céder. Conséquence inattendue de l'ouverture : ceux qui restent au Modem deviennent de vrais héros ! Soit la situation à peu près inverse de celle du PS ! © SL Au final, le Modem a quasiment le même soucis que le gouvernement : s'il veut exister, cela ne peut pour l'instant se faire que par la voix de son chef. Les municipales à venir ne verront d'ailleurs pas encore s'appliquer les nouveaux statuts, le renouvèlement des cadres locaux n'étant prévu qu'en avril 2008. Ce n'est donc pas sur le terrain des élections que pourra se positionner Bayrou, hormis pour quelques têtes d'affiches comme Sarnez à Paris ou Benahmias à Marseille.
Or il s'agit de regagner au plus vite une visibilité, sans quoi tout le projet du Modem, si ambitieux soit-il, pourrait bien sombrer corps et bien avant 2012, le réel objectif du nouveau parti. Une course de fond où il faudra rattraper l'avance prise par Sarkozy.