Le Marquis d'Anaon t.01 : l'Ile de Brac

Par Icecool

- DOSSIER PEDAGOGIQUE -

Le Marquis d’Anaon t.1 :

L’Ile de Brac

Fabien Vehlmann, Mathieu Bonhomme et Delf

Ed. Dargaud, 2002.


 


Accès image en très grande taille :
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Dossier en ligne et téléchargeable :

Le Marquis d'Anaon t.01 : l'Ile de Brac


Lecture en plein écran : http://fr.calameo.com/read/000113087e1b31c84691d


 
L’intrigue en résumé 

Au XVIIIème siècle, sur une île au large de la Bretagne. Jean-Baptiste Poulain débarque sur ce coin de terre perdu en pleine mer en tant que précepteur de Nolwen, le fils du Baron de Brac. Ce dernier a si mauvaise réputation que tous les insulaires le surnomment "l'Ogre".

Mais que se passe-t-il réellement sur cette île où les enfants disparaissent avant d'être retrouvés assassinés, les uns après les autres ? Une malédiction ? Un tueur fou ?

Cerné par l'océan, traqué par le mal qui rôde, invisible, terrifiant, Jean-Baptiste deviendra celui qui découvrira la vérité : celui que les habitants de l'île nommeront le « Marquis d’Anaon »…

 


 

Questionnaire pour les élèves

La couverture d’une B.D. comporte deux messages : l’un écrit, l’autre dessiné.

NIVEAU 1

-   Quels sont les titres de la série et de l‘album ? Que dévoile ce dernier sur l’intrigue ?

-   Quel semble être le sujet principal de cet album ?

-   Le scénariste et l’illustrateur sont-ils deux personnes différentes ? Le nom de l’éditeur apparait-il ?

-   Que représente l’illustration principale ? Décrire notamment les personnages, l’époque, l’ambiance générale.

-   Quelles sont les couleurs dominantes de cette couverture ?

-   Quelles informations supplémentaires donne éventuellement l’image, en complément du nom de l’album ?

NIVEAU 2

-   Une couverture cherche à suggérer une histoire. D’après le titre et le visuel, imaginez en quelques lignes quel pourrait être le récit de cet album.

-   Trouvez le rapport le plus évident entre le titre et l’illustration.

-   Cherchez la définition des termes suivants : marquis, baron, superstition, légende, ogre.

-   Cette couverture vous donne-t-elle envie de lire la B.D. ? Pourquoi ? En quoi peut-on dire que la couverture est la « vitrine » d’une B.D. ?

NIVEAU 3

-   Essayez de décrire l’atmosphère de cette couverture. «L’ambiance» générale vous parait-elle lourde ou légère ? Explicitez vos choix.

-   Tentez de trouver des œuvres (romans, bandes dessinées, films) se déroulant sur une ile isolée ou « coupée du monde », en proie à des événements étranges ou inquiétants.



Visuel de couverture de la première réédition (novembre 2004).

 


 

Les auteurs du Marquis d’Anaon

  Né en 1972 à Mont-de-Marsan (Landes), Fabien Vehlmann débute comme scénariste en participant à un concours organisé par le Journal de Spirou. Depuis 2000, il a su imposer de multiples séries chez plusieurs éditeurs (Green Manor avec D. Bodart en 2001 (Dupuis), Le Marquis d’Anaon en 2002 avec M. Bonhomme (Dargaud), Ian avec R. Meyer en 2003 (Dargaud), Seuls avec B. Gazzotti en 2006 (Dupuis)), n’hésitant pas à travailler dans différents genres tels la comédie, l’anticipation le fantastique. Il inaugure avec Yoann la série Une Aventure de Spirou et Fantasio par… en 2006 avec Les Géants pétrifiés, puis reprend officiellement dès janvier 2009, aux cotés du même dessinateur, les rênes de la série Spirou dont le 51ème album paraitra en 2010.

 
Matthieu Bonhomme est né à Paris en juin 1973. Il se lancera très vite dans un enseignement artistique dont la finalité sera un BTS d'arts appliqués, obtenu en 1992. Plusieurs rencontres décisives (avec Christian Rossi, Serge Le Tendre, et Jean-Claude Mézières) lui permettent de recevoir de précieux conseils concernant le métier d’auteur sous toutes ses formes. Après divers travaux de presse (BD et illustrations) dans de nombreux magazines tels que Le Journal de Spirou, Je Bouquine ou D-Lire, il réalise ensuite un récit de 46 pages publié dans Okapi en 2000 (Victor et Anaïs, sur un scénario de Jean-Michel Darlot). Une nouvelle rencontre décisive sera celle à l'atelier de la place des Vosges avec Fabien Vehlmann, qui lui écrit Le Marquis d'Anaon, série plus que prometteuse éditée chez Dargaud depuis 2002.
 Matthieu Bonhomme rencontre également le succès avec deux autres séries aux ambiances historiques affirmées : l’épopée maritime du début du XXème siècle dans Le Voyage d’Estéban (3 albums publiés chez Milan depuis 2005), et la rencontre du Moyen Age et du récit Merveilleux dans Messire Guillaume (3 albums aux Editions Dupuis à partir de 2006 ; scénario de Gwen de Bonneval).

 
 La saga du Marquis d’Anaon débute dans les années 1720 : dans chacun des albums, Jean-Baptiste Poulain, fils de marchand et ancien étudiant en médecine, se rend dans les contrées où des phénomènes mystérieux ont été observés ou dans lesquelles des crimes inexplicables ont été commis, tant pour enrichir ses connaissances scientifiques que pour venir en aide aux victimes d'événements qui semblent surnaturels. Esprit cartésien et rationnel, il doit faire face aux habitants de régions reculées dans lesquelles règne l'obscurantisme, et où les situations de crise se traduisent souvent par la persécution des groupes vivant en marge de la collectivité. Les relations avec les aristocrates ne sont pas plus simples qu'avec les gens du peuple, chacune des parties du corps social obéissant à ses propres préjugés.

 À l'instar des Passagers du vent, la série du Marquis d'Anaon recrée le passé sans en trahir la complexité, en présentant au lecteur les aventures d'un personnage légèrement en avance sur les mentalités de son époque. À l'issue de sa première aventure, les paysans de l'île de Brac donnèrent au héros le surnom allégorique de « marquis d'Anaon », autrement dit « le seigneur des âmes en peine ». Le dessin très élégant de Matthieu Bonhomme, son sens aiguisé de la composition des images et des planches, est en parfaite harmonie avec les histoires originales qu'invente pour lui Fabien Vehlmann. Les deux auteurs en profitent, au fil des épisodes, pour revisiter les grands thèmes classiques du surnaturel (sorcellerie, bête du Gévaudan, Hollandais Volant et malédiction des pharaons).

5 titres sont parus depuis 2002 :

-   Tome 1 : L'Ile de Brac (2002) ;

-   Tome 2 : La Vierge noire (2003) ;

-   Tome 3 : La Providence (2004) ;

-   Tome 4 : La Bête (2006) ;

-   Tome 5 : La Chambre de Kheops (2008)



Viseul de couverture de la deuxième réédition (juin 2008).
 

Lecture et analyse de la couverture 

 
 La couverture étudiée ici est celle de la première édition de L’Ile de Brac, datant de 2002. Deux versions postérieures illustreront les rééditions successives effectuées en 2004 et 2008. Le nom de la série, assez opaque au premier abord, a cependant le double mérite d’ancrer une conceptualisation historique et littéraire : le seul mot (et titre…) de marquis évoquera l’époque Moderne ou le Siècle des Lumières (XVIIIème siècle), dont on devinera l’importance thématique à la vision du dessin de couverture, où le héros apparait justement entre ombres et lumières. Dans ce « siècle éclairé » (expression datée de 1671) la lumière métaphorique des connaissances - et non l’illumination divine, émanation de l’absolu - est acquise par l’expérience et l’enseignement du passé. Elle suggère aussi, une vision manichéenne du monde, où l’« homme éclairé » s’oppose à la masse de ceux restés dans les ténèbres. Si la formule a donc bien tant une dimension sociale qu’une dimension spatiale, c’est sous la plume des philosophes que les Lumières vont désigner, par métonymie, les élites européennes ouvertes aux nouveautés : une « République des Lettres » éclairée, fidèle à l’esprit da la Renaissance.

 
 Au sein de cet album, il y a crime, mais nous n’assisterons pas, à proprement parler, à une enquête policière. Celle-ci est pourtant affirmée par les codes couleurs déployés sur le premier plat : le noir, le rouge, le violet et le jaune/vert y désignent à la fois l’univers du Roman Policier celui du Fantastique. Entre revenants et ogre, l’histoire à priori « fantastique » sera habilement détournée par Fabien Velhmann, venu déjouer habilement tous les clichés. Un œil habile distinguera, dans cet éclairage volontairement expressionniste et dramatique, une mise en scène destinée à perdre littéralement le lecteur : l’ombre portée sur les rochers symbolise à vrai dire ici la mise en œuvre du célèbre Mythe de la caverne de Platon. Les postulats sont simples en apparence : le Fantastique - et l’horreur qui l’accompagne - est dans l’ambiguïté de nos perceptions (superstitions ou croyances) qui construisent un semblant de réalité, alors, qu’à l’inverse, l’enquête est une quête dans la triple recherche de la vérité, de la lumière et de l’analyse de soi. Jean-Baptiste Poulain, détenteur de la lumière (porteur de la lampe tempête) est une action humaine en marche (voir le symbolisme de la couleur révolutionnaire rouge de son vêtement), cherchant la vérité dans l’isolement forcé de l’ile.

 
 On constatera encore, dès le titre, que l’album s’inscrit dans le vaste domaine des aventures littéraires ou cinématographiques qualifiées de robinsonnades, telles Robinson Crusoé (D. Defoe, 1719), L’Ile Mystérieuse (J. Verne, 1874), L’Ile du Docteur Moreau (H.G. Wells, 1894), King Kong (film de M.C. Cooper et E.B. Schoedsack, 1933), ou la série TV Lost (créée en 2004 sur la chaine ABC par J.J. Abrams, D. Lindelof et J. Lieber) : l’aventure est dans l’apprivoisement d’un monde effrayant ou l’isolement est démultiplié (géographique, météorologique, social et moral) et où le danger se glisse entre ignorance sauvage et savoir scientifique. De ce point de vue, une référence comme l'album d'Hergé L'Ile noire (1938) permet un jeu induit entre réalité ("je" ou "il" ) et néant (le noir, le vide). Ce glissement de sens (perception/intuition/déduction) induit également un va-et-vient spatial et sémantique, dans l’espace déterminé par l’homophonie du mot « île » avec le pronom personnel masculin « il ». L’ile deviendra de fait dans l’album le lieu du déterminisme du personnage central, qui recevra à l’issue de sa quête la reconnaissance nominale de son cheminement personnel : il sera désormais le héraut des « âmes en peine ».

 
 Dans cette couverture, in fine, on trouvera l’idée générale d’affrontement entre les éléments : l’Homme seul face au monde environnant, la lumière contre les ténèbres, le minéral opposé au végétal, la réalité et son mystère (brouillard, ombre). L’absence de certains indices (la mer, invisible) ou de certaines explications (la blessure à la tête du héros et son allure débraillée) ouvrent au mystère et à l’indicible. On devinera que le feu, seule source de lumière et seule arme éventuelle dans cette île où règne l’ignorance nocturne, est quant à lui un outil de rédemption, sinon d’éducation. L’ile de Brac, domaine du non-sens et du hasard (de bric et de broc ?), va se transmuer en une scénographie nouvelle : le comédien entre en scène, soumis à son propre trac et à une traque éternelle de la lecture publique de la vérité, offerte par les textes et leurs savoirs.


 

Visuel de couverture de l'intégrale du Marquis d'Anaon (tomes 1 à 3) publiée par Dargaud en 2005.

 

Pistes supplémentaires 

-   http://www.dargaud.com/front/albums/series/couvertures.aspx?id=231 : page consacrée à la série sur le site des Editions Dargaud.

-   http://www.dargaud.com/front/actualites/interviews/interview.aspx?id=133  : interview des auteurs parue en septembre 2006 (publication du tome 4).

-   http://www.planetebd.com/BD/interview-100.html et http://www.fnaclive.com/videos/48736 : interviews des auteurs parue à l’occasion de la publication du tome 5 en 2008.

-   http://www.enezsun.com/Legendes/legendes.htm : quelques légendes de l’Ile de Sein…

-   http://www.broceliande-pays.com/?Le-repas-des-Anaons : le conte du Repas des Anaons.

-   http://www.mairymillustrations.fr/bre4.html : fantôme et anaon.

-   http://www.bedetheque.com/serie-16509-BD-Legende-de-la-mort.html : page consacrée à la série La Légende de la mort, publiée chez Soleil depuis 2007. Cette série explore l’œuvre d’Anatole Le Braz, écrivain breton ayant recueilli de nombreux récits au sujet de l’Ankou, personnification de la mort et figure emblématique du pays.

Dossier réalisé par Ph. Tomblaine.

Images toutes ©Editions Dargaud, F.Vehlmann et M. Bonhomme, 2002.