MA MAISON DE PAIX ( Chapitre 12 et 13 )

Publié le 06 mai 2010 par Patriciaturcotte

Chapitre -12-

BRISER LES CHAÎNES DU SUICIDE

Un second accident d’automobile

Un deuxième accident d’auto vers la fin d’une grosse journée de travail, à l'automne 1992. Cela me prouve que le temps de démissionner vient de sonner. Durant cet accident, je vis un choc nerveux et ce souvenir restera toujours gravé dans ma mémoire. Ma place ne se trouve pas ailleurs qu’en milieu hospitalier, autant pour ce choc nerveux que pour les nouveaux malaises aux jambes. Que vient-il de se passer ? Je regarde comme si je suis debout à côté de la voiture brisée, et incrédule sur ces choses étranges, j’observe mon corps souffrant dans la bagnole. Lorsque le policier arrive sur les lieux de l’accident, je lui pose une étrange question:

« Est-ce que je suis morte ? »

Non bien sûr, mais autant être reconduite à l’hôpital. Mon belle voiture achetée neuve fut placée au cimetière des autos bonnes pour la ferraille. Les quatres pneus se retrouvaient complètement enfoncées dans le dessous de l’auto. Exactement comme mes jambes qui me semblent entrées dans le bassin. J’ai si mal. Encore une fois, je me retrouve à l’urgence du Centre hospitalier. Malheureusement, on me transfère au Sanatorium Bégin dans le département des fous. Je crie comme une madone dans l’eau bénite, pour que l’on soulage ces insupportables douleurs aux jambes. On ne me prends pas au sérieux. Aucune radiographie des jambes, du dos, des hanches ou du bassin ne fut passée au Centre hospitalier. Aucun rapport médical ne fut envoyé aux assurances de l’état, suite à cet accident automobile au travail.

Tour d’horizon dans le futur

Comment a ressurgit le souvenir de cet accident de l’automne 1992 ? Je n’ai jamais oublié que suite à cet accident, il a bien fallu que je fasse mon détachement de ma voiture favorite, soit un Blazer GM. Ce n’est qu’en l’an 2000, suite à une réouverture administrative auprès des assurances de l’état, que l’agent à mon dossier me demande:

" Comment se fait-il que vous n’avez jamais fait parvenir de rapport médical, suite à ce second accident ?"

Quand la mémoire sort de l’ombre

Mais de quoi il parle cet agent administratif ? Comment aurais-je pu envoyer un rapport médical, dans l’état de santé qui a suivit cet accident ? Dans les jours suivants, voilà que pleins de souvenirs remontent à la surface de ma mémoire. J’adresse une demande écrite au service de polices de l’époque, pour constater plus clairement la réalité des faits. Sans tarder, j’envoie ce document à l’agent administratif des assurances. À quoi a servit tout cela, après quatre ans de procédures administrative ? À rien d’autres que des pertes de temps, d’argent et d’énergies supplémentaires. Néanmoins, ma mémoire a retrouvé un brin de revitalisation. Possiblement pour ne pas trop sombrer dans l’oubli, ou encore, dans la maladie deAlzheimer.

Incidents, Accidents, Erreurs médicales

Tant qu’à écrire sur le sujet des incidents, accidents et des erreurs médicales, j’ajoute cette note. En 1996, je passe une radiographie au bassin, et celle-ci revient normale. Référée par le médecin traitant à un spécialiste de l’extérieur, ce dernier me confirme qu’il observe une fracture évidente au bassin. Lorsque je soulève cette surprenante découverte au Docteur Miller, qui vient de prendre la relève du Dr Tarzan à la retraite, celle-ci me demande de ne plus jamais faire allusion à ça. Sois patiente et tais-toi. Plus de forces pour mener des batailles de ce genres, je suis à la lettre ce sage conseil.

Demande de l’aide

Les premières idées suicidaires se pointent le bout du nez, suite à cette hospitalisation à l’asile psychiatrique causée par le choc nerveux de cet accident de voiture de 1992. Comment ont-elles pris naissances ? Tout commence dans le bureau du psychiatre Métivier, au Sanatorium Bégin. Il me pose deux questions:

« Madame Patricia, avez-vous essayé de vous suicider ?

Sans hésiter une seule seconde, je donne cette franche réponse:

« De toute mon existence, aucune pensée suicidaire n’a effleurée mon esprit ».

Le psychiatre Métivier ne lâche pas le morceau, en poursuivant avec une deuxième question:

« Madame Turcotte, avez-vous eu l’impression que votre voiture s’emballait ? »

Bon Dieu, va-t-il en finir celui-là avec ses enquêtes paranoïaques à la Columbo ? Je ne me trouve pas du tout dans un état pour me remémorer les détails de ce drame. Avec autant de franchise, je réponds négativement.

Dans les jours suivants mon congé de l’asile psychiatrique, apparaissent bien malgré moi, mes premières pensées suicidaires. Quoique je n’accorde pas réellement d’importances à ces idées, qui ne semblent pas m’appartenir vraiment; du moins pas avant le début de l’année 1993. Si bien que je confie à mes vrais amis, cette profonde détresse psychologique qui m’habite de plus en plus, en plus de mes idées pour le suicide. Je perçois très bien leurs chagrins, en plus de leurs paroles d’encouragements. Je me sens tellement coupable face au Dr Tarzan. Plutôt que de prendre mes remèdes pour dormir, je me surprends à les compiler. Mon être tout entier souffrait énormément, pour en arriver à un tel résultat.

Demande à l’aide

Dès janvier 1993, je parviens à confier au Dr Tarzan, mes premières pensées suicidaires. J’en reviens pas. Trente minutes dans le silence le plus total. Légèrement mal à l’aide, je lui demande qu’est-ce qui se passe ? Sa réponse fut étonnante:

« Derrière le Dr Tarzan, il y a un plus grand médecin. Rappelle-toi toujours Patricia, que tu es aussi ton plus grand médecin. »

Sous sa recommandation très sérieuse, je prépare ma valise et demande l'accompagnement de Michel et Cédrick, pour me rendre au Centre hospitalier. D'autant plus que le Dr Tarzan a préparé mon entrée par le biais du téléphone..

Comme le Centre hospitalier de la santé mentale est situé dans le village voisin, c'est là que je me rends. Voyant mon erreur de Centre hospitalier lorsque le professionnel de l'urgence me dit qu'il n'y a pas de places, je lui demande de vérifier auprès de l'autre Centre hospitalier. Possiblement que c'est là que le Docteur Tarzan a fixé mon entrée en urgence. Après tout, il s'agit de la possibilité sérieuse de m'enlever la vie. On me réponds à nouveau:

« Pas de lit à l’urgence à aucun des deux Centres hospitaliers. »

Reconnue auprès de l'assistance sociale (B.S.) comme soutien financier avec restrictions sévères à l’emploi, je n’entrevois plus aucune lumière au bout du tunnel. Je pressens très bien que les plus sombres pronostics médicaux planent au dessus de ma tête, comme des ombres noires.

Demande à nouveau de l'aide

À la mi-avril 1993, je me rends directement à l'asile des fous, pour demander mon hospitalisation d'urgence, pour raisons suicidaires sérieuses. Je participe à un atelier d’art-thérapie lors d’un autre séjour à l’hôpital. Cette fois-ci, je pose le premier pas en demandant l’hospitalisation. Le rapport médical du psychiatre Métivier indique:

« Il est difficile pour Madame de verbaliser ce que signifie pour elle son dessin. Elle nous fait part de la solitude qu’elle ressent depuis qu’elle est séparée. Elle se dévalorise de la perte de son emploi, qui l’affecte. Madame nous dit qu’elle pense à se suicider afin de mettre fin à ses problèmes ».

J’exprimais en paroles et par un dessin, l’isolement dans cette souffrance. Inspirée de ma chanson favorite de Félix Leclerc: Bozo, ma peinture me représentait seule sur un radeau à la mer. La mention du psychiatre Métivier:

« Elle s’est présentée d’elle-même à l’hôpital pour y être admise, parce que depuis une quinzaine de jours, elle éprouvait de l’insomnie, de l’anxiété, de la tristesse, ainsi que des préoccupations suicidaires. Trois jours après son arrivée, elle décidait de repartir. Elle ne présentait pas de symptômes psychotiques, pas plus qu’un syndrome dépressif ayant les caractéristiques d’une dépression majeure. »

Comme la répétition d’une chaîne d’évènements non résolus, un banal événement déclencheur qui survient le 25 avril 1993, m’indique pourtant la réelle gravité de mon minable état de santé.

Le lien

Par un beau dimanche de printemps, je me rends à un déjeuner au restaurant, en compagnie de mon fils Cédrick et Michel. Ces moments chaleureux représentent pour moi un grand réconfort. D’autant plus que la sagesse exigeait que mon garçon de douze ans demeure avec son père. Ces agréables rencontres fraternelles et amicales, malgré le divorce, me permettent de poursuivre une thérapie personnelle et familiale.

Lorsqu’ils quittent le restaurant, alors que de mon côté je retourne chez moi à pied, je me retourne pour jeter un bref regard vers Cédrick. Comme par hasard, il se retourne au même moment. Nos regards se croisent pendant quelques secondes. Il m’envoie un signe d’au revoir de sa main, accompagné d’un triste sourire. Le film du dernier souvenir de Serge refait surface dans ma mémoire, avec une force exceptionnelle. La fragilité émotive et psychologique ajoutée à la douleur physique chronique « qui rend fou », me pousse à essayer de tirer ma révérence par une tentative de suicide ?

La chaîne du suicide se poursuit

Dès mon arrivée chez moi, je me prépare pour une très longue nuit de sommeil. Agenouillée pour une dernière prière du cœur, je m’adresse à mon véritable ami, celui que l’on m’a présenté dans mon enfance:

« Jésus, merci de m’accompagner dans ce grand voyage et pardonne-moi sincèrement ce geste de désespoir ».

Je ne suis plus le maître à bord de mon navire. Convaincue de la validité de mon billet de transport aller seulement pour l’au-delà, j’avale à une vitesse incroyable, deux cents comprimés pour dormir de Restoril 30 mg. À travers l’épais brouillard de mon esprit souffrant et malade, une minuscule pensée de sagesse intérieure me dissuade de rebrousser chemin, le temps de deux interminables secondes. Comme une vague impression que mon compagnon de route m’accompagne toujours, peu importe mon choix.

Au jour le jour les années passent et, puisque l’eau qui coule dans les rivières ne remonte pas, nous passerons de même ( Auteur inconnu )

Seule la douleur au dos, tenace et insoutenable à froid, ajoutée à la douleur morale m’incitent à poursuivre la plus désespérante de toutes mes expériences humaines.

Mon tombeau

Mon cercueil temporaire fut la baignoire froide et vide, située à côté de l’évier de la salle de bain. Hélas, je séjourne prisonnière de ce tombeau, deux longues journées entières. À cet endroit froid et terne, il n’y a plus vraiment de temps. Il me semble que je vais y demeurer toute l’éternité. Le bref souvenir conscient de ces tragiques instants de coma et/ou semi-coma, resteront toujours gravés dans ma mémoire. Comme si je me retrouvais dans une dimension nouvelle, mais tout à fait platonique, terne et ennuyante, j’ai assistée inlassablement impuissante, à la scène la plus désolante de mon existence: j’observais complètement désarmée, mon meilleur ami Michel crier à tue-tête et désespérément

« Patricia, pourquoi tu as fait cela » ?

Michel hurle si fort qu'il me sort quelques brèves secondes de ce coma./semi-coma. Je parviens à tourner légèrement la tête pour apercevoir avec les yeux du cœur, son immense souffrance. J'aurais tant voulu lui répondre que je me sentais trop malheureuse.

L’important, ce n’est pas que vous soyez tombés. Ce qui est important, c’est que vous vous soyez relevés. ( Vince Lombardi ).

Quelle immense et indescriptible douleur morale de ressentir jusqu’au plus profond de son être, ce désagréable sentiment de regret et d’impuissance. Si au moins, je pouvais lui expliquer ce sincère repentir déjà logé dans mon cœur. Si j’avais pu capter le message du rêve de mon frère, cette seconde bévue même révocable, aurait pu être évitée. Si au moins, je pouvais lui expliquer ce sincère repentir déjà logé dans mon cœur.

Patricia Turcotte © Le 06 mai 2010

À suivre très bientôt !