Anthologie permanente : Maria Gabriela Llansol

Par Florence Trocmé

II 

  Je vois cette promenade totalement nue à travers sa pensée à elle, 
je l’appelle Cantilène______la mélopée absente du point du jour présent dans es pieds, cheminant, calmes, dans la ville 
on trouverait difficilement un nom plus adéquat à l’impact du jour sur mes images, 
à cette heure où 
la stridence des maisons est parfaitement audible, 
les voitures passent lentement, 
la contemplation éclate, 
le son s’affaiblit, 
l’arbre occulte un visage, mendiant ou amant, peu importe, et la lumière est encore à décider 
en somme le non-dit s’exprime souverainement et foule toutes les choses banales 
que rencontre la voix étrange qui m’écrit 

sans rumeur 
il n’y a pas d’amour 

balbutient toutes les images qui la suivent. 
  Parmi celles-ci, il y en a une qui la suit devant 
(pourquoi l’appeler l’ange qu’elle n’est pas ?) 
qui éloigne les aléas printaniers du temps, 
s’il y a du vent, 
s’il pleut, 
ou si un fait imprévu m’oblige à altérer le rythme du phrasé____il y a, 
de fait,  
le moment où 
les voitures commencent à s’irriter, en lançant sur nous une substance poisseuse, 
où les tramways en arrêt du Largo da Estrela reçoivent l’ordre de mouvement venu du temps, 
où s’affaiblit la force de la lumière qui, sortant des portes du jardin, 
se répandait verdâtre, 
ce n’est pas la lumière de Amar um Cão* parce que, si c’était elle, sa promenade ne serait pas celle-ci parce qu’elle aurait déjà été, et le temps est inexorablement 
collé à la rue.  
  il faut aller au-devant de la rue extérieure, 
écouter l’instant où la rumeur devient gémissement et la douleur libérée commence à recouvrir tous les humains éveillés. Ils sont si rares ceux qui veulent vivre un jour nouveau, si elle pouvait, 
elle leur dirait 
de se lever très tôt, 
de descendre dans la rue,  
de venir voir l’espace cheminant de la nuit, sentir 
ce que pourrait être la phrase non concluante du temps.  
Comprenez-vous, maintenant, pourquoi l’image qui va devant tira du lit (il était cinq heures du matin) la voix étrange qui m’écrit ?  
Maria Gabriela Llansol, La Foudre sur le Crayon, suivi de Hölder, de Hölderlin et de Cantilène, traduit du portugais par Guida Marques, éditions Les Arêtes, 2010, 20 €.  
 
*NdT :Amar um Cao, texte de Llansol datant de 1990 
 
Pour une présentation plus approfondie de ce livre, de l’auteur et de l’éditeur, voir Le livre du jour, daté du jeudi 6 mai 2010 
 
Maria Gabriela Llansol dans Poezibao : 
bio-bibliographie, extraits 1 
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