II
Je vois cette promenade totalement nue à
travers sa pensée à elle,
je l’appelle Cantilène______la
mélopée absente du point du jour présent dans es pieds, cheminant, calmes, dans
la ville
on trouverait difficilement un nom plus adéquat à l’impact du jour sur mes
images,
à cette heure où
la stridence des maisons est parfaitement audible,
les voitures passent lentement,
la contemplation éclate,
le son s’affaiblit,
l’arbre occulte un visage, mendiant ou amant, peu importe, et la lumière est
encore à décider
en somme le non-dit s’exprime souverainement et foule toutes les choses banales
que rencontre la voix étrange qui m’écrit
sans rumeur
il n’y a pas d’amour
balbutient toutes les images qui la suivent.
Parmi celles-ci, il y en a une qui la suit devant
(pourquoi l’appeler l’ange qu’elle n’est pas ?)
qui éloigne les aléas printaniers du temps,
s’il y a du vent,
s’il pleut,
ou si un fait imprévu m’oblige à altérer le rythme du phrasé____il y a,
de fait,
le moment où
les voitures commencent à s’irriter, en lançant sur nous une substance
poisseuse,
où les tramways en arrêt du Largo da Estrela
reçoivent l’ordre de mouvement venu du temps,
où s’affaiblit la force de la lumière qui, sortant des portes du jardin,
se répandait verdâtre,
ce n’est pas la lumière de Amar um Cão*
parce que, si c’était elle, sa promenade ne serait pas celle-ci parce qu’elle
aurait déjà été, et le temps est inexorablement
collé à la rue.
il faut aller au-devant de la rue extérieure,
écouter l’instant où la rumeur devient gémissement et la douleur libérée
commence à recouvrir tous les humains éveillés. Ils sont si rares ceux qui
veulent vivre un jour nouveau, si elle pouvait,
elle leur dirait
de se lever très tôt,
de descendre dans la rue,
de venir voir l’espace cheminant de la nuit, sentir
ce que pourrait être la phrase non concluante du temps.
Comprenez-vous, maintenant, pourquoi l’image qui va devant tira du lit (il
était cinq heures du matin) la voix étrange qui m’écrit ?
Maria Gabriela Llansol, La Foudre sur le
Crayon, suivi de Hölder, de Hölderlin
et de Cantilène, traduit du portugais
par Guida Marques, éditions Les Arêtes, 2010, 20 €.
*NdT :Amar um Cao, texte de Llansol datant de 1990
Pour une présentation plus approfondie de ce livre, de l’auteur et de l’éditeur,
voir Le livre du jour, daté du jeudi 6 mai 2010
Maria Gabriela Llansol dans Poezibao :
bio-bibliographie, extraits 1
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