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Publié le 25 octobre 2006 par Raymond Viger

Je l’ai su une semaine avant leur départ. J’ai décidé d’embarquer. Pour la cause, certes, mais surtout pour voir de jeunes adultes s’impliquer pour leur avenir. J’aime les gens qui s’investissent pour une cause. Qui croient en ce qu’ils font. Qui se retroussent les manches plutôt que de baisser les bras. Des gens de convictions. Même s’il ne s’agit pas nécessairement des miennes.

Fébrile à l’idée de participer à un tel périple, j’ai eu une pensée magique: je suis capable de me rendre à Québec en vélo. Ça fait des années que je ne suis pas monté sur une bicyclette? Pas grave. Je ne fais pratiquement plus de sport depuis 3 ans? Un détail. Depuis mon enfance, une énergie débordante me caractérise. Ça m’a suffit amplement pour me convaincre. J’ai envie d’y aller, d’écrire à ce sujet.

Mon trip a débuté sous les auspices de la solidarité. Un ami me prête son vélo – le mien est à la demeure familiale, à Sherbrooke; un autre me fournit des vêtements chauds. Je suis drôlement bien équipé, pour un amateur! Il le faut bien, la journée s’annonce froide, le vent vigoureux. On choisit pas sa météo…

J’ai eu droit à un très bon accueil. Faut dire que je ne sais jamais à quoi m’attendre. Mon statut de journaliste, qui me destine vers l’observation plutôt que la participation, m’isole à tout coup. Et comme les jeunes s’entraînent depuis 3 mois, plusieurs se connaissent. Je me suis immédiatement senti accepté, malgré mon piètre état physique. Faut dire que l’aspect social et l’environnement vont de pair. «C’est lié, c’est la même logique, m’explique Vincent, la jeune trentaine. Si tu te fous de ton voisin, tu vas te foutre du gars à 500km. C’est la même chose pour l’environnement.»

Première étape: Berthierville. 80km à pédaler contre le vent. Après le quart du parcours, mes jambes m’indiquent que la journée sera longue. Très longue. Vincent, Sébastien et Nicolas, que rien n’arrête, forment un mur devant moi pour m’éviter la puissance du vent, déchaîné. Ils roulent plus lentement pour me donner une chance. De 20km/hre, on descend à 15. Encore trop rapide pour mes vieilles jambes! Je me cramponne, essaie tant bien que mal de suivre le tempo.

Nicolas est à mes côtés. Jeune homme de 22 ans qui attend de retourner aux études en soins infirmiers, il discute avec moi. Nicolas tenait à participer à cette activité. Préoccupé par les problèmes environnementaux, il veut pousser plus loin les limites de l’exemple à donner. «Je veux me prouver qu’il est possible d’utiliser le vélo comme moyen de transport l’hiver. Après m’être rendu à Québec, ça ne me fera plus peur de faire du vélo l’hiver.»

Les pauses, aux heures, sont les bienvenues. Barres tendres, fruits, jus. On discute, la plupart se soucient de mon état. S’il ne fait pas froid à pédaler, l’arrêt est mortel: ma sueur me donne le frisson.

Je n’ai complété que 50 km, finalement. Le moral et le cardio étaient bons. Pas mes jambes! Aussi bien se rendre à l’évidence: mon manque de préparation est flagrant. Je suis devenu un boulet pour la troupe. L’un des organisateurs, qui nous suit au volant d’une camionnette, prend le relais. Je me réfugie dans le camion, bien au chaud. Sa collègue le remplacera après la pause.

En soirée, au repos dans le gymnase d’une école primaire où l’on passe la nuit, les conversations vont bon train. Comme j’ai fait part de ma décision de retourner à Montréal le lendemain en autobus, on aborde la raison de leur participation. Certains en ont long à dire. Comme Vincent, avec sa barbe qui lui donne l’allure d’un marin. Formateur en environnement, il s’insurge contre la nouvelle vocation du ministère de l’Environnement. «Ce qui me choque, c’est qu’on élit un ministre de l’environnement et quelques mois plus tard, il se retrouve aussi avec le développement durable. Du développement, c’est de l’économie. Mulcair fait le développement durable de l’économie.»

Il y a péril en la demeure, selon certains d’entre eux. «Le réchauffement de la planète, ça urge qu’on fasse quelque chose parce qu’on ne sait pas à quoi et quand on va y faire face», dit Nicolas. Que fait le gouvernement du Québec? «Ça fait 4 ans que l’activité existe. On a demandé des plans d’action pour contrer le réchauffement de la planète à chaque année. Les politiciens ne répondent jamais sur le plan d’action», fait remarquer Vincent, qui rajoute qu’exception faite de l’hydroélectricité, le Québec ne fait pas grand chose pour l’environnement. Cette année, le ministre Mulcair s’est engagé à présenter son plan d’action pour le printemps. Il faudra attendre pour y croire.

En utilisant le vélo, l’hiver, ils veulent conscientiser la population à l’importance du respect de l’environnement. «Moi, dans les écoles, je vois des profs qui disent qu’ils prenaient le transport en commun, mais aujourd’hui, avec les enfants, ils doivent avoir une automobile. Tu te justifies de sacrifier l’avenir de tes enfants par le fait d’en avoir», ironise Vincent.

Sébastien, adepte du vélo et conteur, poursuit: «prend le covoiturage. C’est un geste communautaire parce qu’il rend disponible une voiture pour la communauté et les gens doivent rencontrer le conducteur, parler avec les autres passagers.»

Une bien bonne cause, une bien belle gang. Si c’était à refaire, je pédalerais à mon rythme, loin derrière le peloton, avec deux heures de retard s’il le faut. On apprend de ses erreurs!

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