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Publié le 01 novembre 2006 par Raymond Viger

En arrivant dans la municipalité, j’ai senti un poids de moins sur mes épaules. J’y ai trouvé une vie communautaire, une entraide et une liberté. Tout le monde se connaît! Ils sont gentils, polis et serviables. C’est une nouvelle vie qui commence pour moi.

C’est vraiment spécial. J’ai vu des vieilles photos des parents et des grands-parents. Des gens m’ont conté des histoires autour d’un bon feu de camp. Les gens sont contents, t’encouragent et ils veulent t’aider. Ils sont même venus me chercher pour m’offrir de retourner à l’école! Je vais finir mon secondaire professionnel en entretien d’automobiles.

Les gens t’offrent pleins d’occasions. On m’a offert un travail sur un bateau de pêche, mais je ne suis pas encore capable. Ça demande beaucoup d’énergie, juste pour rester debout dans un bateau qui n’arrête pas de bouger sur la mer.

Tout le monde se respecte et prend le temps de se parler. Au lieu de réagir à un conflit, on s’assoit, on en discute et on trouve une solution. En plus, les jeunes se tiennent avec les plus vieux et vice versa. Les personnes âgées sont respectées et font partie de la communauté.

En région, les jeunes sont vivants et moins nerveux. Il y a moins de vols, les gens n’ont pas peur de mettre un écran géant dans une maison de jeunes. À côté d’eux, j’avais l’impression d’être bon à rien. Ils ont l’habitude de travailler fort. Certains ont même commencé à l’âge de huit ans!

Par contre, quand ces jeunes arrivent dans la ville, ils font confiance trop vite et se font «fourrer ben raide». D’un côté comme de l’autre, il ne faut pas regarder juste l’enveloppe dans laquelle on habite, il faut regarder l’intérieur de la personne, apprendre à la connaître.

C’est Jean-Claude qui m’a accueilli. Il m’encourage. C’est plaisant, il rit tout le temps. Il n’y a jamais une journée noire avec lui. Il s’est créé un vrai lien d’amitié entre Jean-Claude et moi.

Je réapprends à travailler manuellement. J’ai compris l’importance d’une maison et de tout le travail que cela comporte. Où je suis, l’eau n’est pas potable. Il faut aller dans la montagne pour chercher son eau. C’est plaisant, le travail est constant.

Il faut chauffer la maison, ça prend du bois. J’ai presque huit cordes de bois préparées pour l’hiver qui vient. Huit belles cordes bien alignées, toutes placées droites et coupées de mes propres mains! C’est la fierté qui rentre. Ça te met en valeur. C’est ça qui me manquait.

L’été, tu prépares ton hiver. J’ai même coupé du bois pour aider la voisine. Une maison, c’est pas à négliger, il y a toujours quelque chose à faire.

À Montréal, on a peur de ses voisins. Ici, je suis en train de connaître mes 10e voisins de chaque côté! À Montréal, j’avais aussi un problème de consommation d’alcool, de pot et autres. Aujourd’hui, une bière et un joint par semaine me suffisent. Et j’en refuse! Je suis heureux de même!

Je retourne de temps en temps à Montréal pour saluer mes anciens amis. C’est maintenant difficile de passer deux jours à Montréal. Une semaine en Gaspésie, c’est l’équivalent de trois mois de vacances. Ça fait presque cinq mois que j’y suis et je voudrais y rester toute ma vie. En cinq mois, j’ai travaillé plus que dans les trois années que j’ai passées sur l’aide sociale.

Je suis en train de refaire ma vie. J’étais dans la rue, maintenant je travaille, je peux me faire de l’argent et je retourne à l’école. Ça peut paraître stupide, mais je ramasse des branches de sapin. Ça me paye 20 cents la livre. J’en ramasse 600 livres dans une journée, ça me donne 120 $.

Quand tu as faim, tu peux aller dans le bois pour ramener du gibier. Je fais des petits travaux de carrosserie avec Jean-Claude. Quand tu es mal pris, tu fais des échanges avec les voisins: deux cordes de bois contre deux grosses fesses de chevreuil, ou tu répares une auto pour 75 livres de crevettes. C’est une façon de s’entraider.

Je n’échangerais jamais ce que je vis là. C’est tough mais ça fait du bien. C’est un exercice mental premièrement, et physique ensuite. C’est une question d’attitude devant le travail à faire. Un travail qui est ta survie en même temps.

J’avais jamais travaillé avec mes deux mains avant. Jean-Claude m’a enseigné. J’avais tendance à me garrocher sur le travail. Quand tu arrives devant un travail à faire, tu t’asseois et tu regardes ce qu’il y a à faire. Tu analyses comment faire. Regarder avant d’agir. Penser avant de parler.

Jean-Claude n’est jamais stressé. Si ça ne marche pas d’une façon, ça va marcher autrement. Il est très intelligent et habile. Je le remercierai jamais assez pour son aide et son soutien.

Je refais toute mon éducation. Je prends le temps de m’asseoir sur une roche. J’écoute l’eau qui frappe la roche. La nature est un vrai remède à tous les bobos. Quand je suis arrivé, l’air était dur à respirer, trop pur, il a fallu que je réapprenne à respirer! C’est spécial et c’est le fun.

En région, tout le monde parle d’attirer les touristes. Pourtant, ils viennent quelque temps en vacances et s’en retournent après. Moi, je dis qu’il faut trouver des solutions pour inciter les jeunes à aller vivre en région. C’est plein de jeunes qui se perdent dans les grands centres urbains. Ta vie va plus loin que ça. Moi, c’est en région que j’ai découvert ma destinée. Pour m’aider, je prends le temps d’aider les autres.

J’ai hâte de voir le temps des Fêtes en Gaspésie. Les gens sont de bons vivants. C’est LA place ! J’en aurai encore long à vous raconter. Martin, le rédacteur en chef, m’a promis que je pourrais faire un autre article dans le prochain numéro du Journal. J’ai hâte de continuer mon histoire…

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Témoignage d’un jeune consommateur.