Almoustapha Tambo : les aquarelles du désert

Publié le 17 avril 2009 par Yasida

" Le Peuple Touareg a toujours exercé une sorte de fascination sur les sociétés européennes et sur la nôtre en particulier. A l'heure où il n'apparait à l'écran que pour meubler des heures d'antenne inoccupées par les aléas d'une course assourdissante et meurtrière qui a l'insolence de vouloir commémorer leur grandeur passée, il est bon de rappeler qu'il s'agit avant tout d'un Peuple et d'une culture en perdition dont Hawad est un des porte-paroles."

Extrait de   No Pasaran

" Désormais, une réalité agressive et incontournable se substitue aux images poétiques passées de la guerre d'honneur et de l'amour courtois. Avec les siens, Hawad vit les entraves qui enserrent de plus en plus le nomadisme, l'étranglement des espaces, le durcissement des frontières qui déchiquètent le pays touareg entre plusieurs nations, l'interruption des caravanes, la dissolution des échanges et des solidarités. Il connaît l'irruption brutale du modernisme et de la logique des technocrates sédentaires "

Hélène Claudot :  Caravane de la soif Hawad

aquarelle    A. Tambo

" Au cours de son histoire, la société touarègue a commencé par endurer l'offensive islamique qui l'a profondément affectée jusque dans ses mythes fondateurs. Elle a ensuite connu les assauts de la colonisation occidentale. Dans le même temps, la mécanisation des moyens de transports entraînera l'abandon des pistes du désert. (...) Cette société, comme celle des autres peuples dont le système social n'est pas rentable pour le libéralisme, est condamnée à disparaître. "

No Pasaran

caravane   A. TAMBO

" Pour le nomade, la pensée n'existe qu'en marchant ou en chantant ; et tout ce qui est nomade doit être soit chanté, soit marché pour être vraiment tel. "

Hawad

Dépossédé de son territoire, le Peuple Touareg est aussi dépossédé de son écriture le tifinagh, de sa langue le tamasheq.

Mais c'est aussi un Peuple debout, qui lutte jusqu'au bout de ses forces, contre l'acculturation. Peuple Rebelle, Peuple d'Insoumis, Peuple de Créateurs.

chef touareg   michèle ludwiczak

HAWAD

Le coude grimaçant de l'anarchie

" Ce livre, avant d'être écrit, a d'abord été chanté entre les cimes de l'Atlas et de l'Anti-Atlas, puis sur les vieux toits d'Aix. Je l'offre et le chanterai à tous les Imazighen et à toutes les femmes et tous les hommes, tous les enfants et les vieillards qui n'acceptent pas de se soumettre à l'autorité qui mutile, fut-elle celle de leur père et de leur mère. "

Avant-hier comme hier, / ils sont venus du Levant  / et d'autres sont apparus / sous l'étoile du Nord / Ils nous ont envahis / par le Coran et l'épée / par l'Évangile et le fusil / et sur leurs visages s'étalaient / la faim et la frustration. / Hier comme aujourd'hui, / ils crient dans mon thorax :  / Indigène  amazigh / c'est ici que tu mourras, / sous les écrits de notre Dieu / et sous les rayons laser de notre civilisation  

extrait

Les passeurs de Crépuscule 

Depuis trente six ans je veille / sur le sillage des combattants / qui ont pavé les champs de bataille / balisés par la pierre / du non-retour / j''ai pris la plume comme un fusil / et l'encre comme le tartre de la mort / Ainsi ai-je épuisé le vent / et toutes les passerelles de la métaphore / j'ai décortiqué la graine des mots / j'en ai écorcé le son pour qu'ils deviennent galets / munitions de paradoxes / dépouillés du tanin des sens / butoirs / sur lesquels je trébuche / et s'émousse ma vue / Est-ce dans la lie de mon esprit / que j'ai nagé / jusqu'à écraser mon regard / sur le marc de la réalité ? / Ou est-ce les débris du souvenir / qui m'ont dévidé dans cet abîme noir de la conscience ? / La conscience d'être condamné / épave ombre touarègue / fantôme de sa propre âme / traversant les vertiges / et les clignements du crépuscule / Une épave, dis-je, une ombre / fantôme de sa propre âme / O tourne-tête sans appui / autre que latemujaghal / tempête de cimes d'orgueil / auquel personne aujourd'hui ne croit  / pas même ceux qui ont tété / la moelle épinière de son échine / bosselée par les résistances / aux temps / Chaque jour du présent est  / comme chaque jour de la veille sans horizon

Entorse et chagrin / nous sommes l'orgueil du voyage / Du levant au couchant / nous avons traîné l'alphabet millénaire / et tatoué le désert / du crépuscule à / Voilà qui je nomme / les passeurs de crépuscule / Si vous aussi avez des brumes / à traverser au-delà des cauchemars / alors prenez la route avec nous / Ne craignez pas les crépuscules / nous avons avalé mille lames de l'horizon / sur l'aiguille des saisons / et avons mâché multitude d'étoiles / Orions des époques

Ceci est le gémissement éteint / de l'enfant touareg que le rot d'un canon a vissé / sur les vertèbres de sa mère / S'emmêlent les amarres / et s'entrecroisent les paysages et se tassent les horizons / et sont piétinées les étoiles / Entre l'ennemi et l'ami / plus de distinction / entre le veule et le brave / plus de séparation / O vertiges / jument des nausées / Dans quelle époque / quel marécage-purin / de chiens et de phacochères / dansons-nous / au pas de canards constipés

extrait

Copyright © Hawad  La République des Lettresjeudi 01 décembre 1994

Voix solitaires sous l'horizon confisqué 

Les voix de l’ombre

L’idée de ce livre est née précisément de la distorsion observée entre les commentaires publiés depuis l’insurrection touarègue de 1990 par les grands organes de diffusion médiatique et, par ailleurs, les points de vue des autres acteurs sociaux concernés, ceux qui n’ont pas trouvé le moyen de faire entendre leur opinion au monde extérieur. L’histoire ne peut se construire, comme l’écrivait l’ethnologue américaine Lina Brock (1990 : 72), qu’en « rassemblant les récits qui représentent des prises de position importantes dans une société donnée – (ou dans les) différentes sociétés en présence – » afin d’ « entendre non pas une seule voix mais la conversation à laquelle ces voix prennent part. »

Hawad

Testament nomade 

" Et les camions jetèrent le peuple / du turban et des transhumances / au large du désert / où aucune larme de rosée n'amadoue / la langue de la soif / Alors le monde civilisé mit un bandeau de ténèbres sur ses prunelles / et de l'étoupe dans ses oreilles / comme si tous les vents et tous les souffles / de l'univers n'avaient jamais gémi  / de la douleur  et du chagrin / de la veuve Tayort. "


photo 
Souéloum Diagho

RHISSA RHOSSEY

Rhissa Rhossey compagnon de route et de combat du leader Touareg Mano Dayak est aujourd’hui la conscience rebelle du peuple Touareg par delà les frontières absurdes, figées par la colonisation.

 Jour et Nuit, Sable et Sang, poèmes sahariens

" Un cri de douleur et d’amour, une chanson de gestes, une itinérance entre poésie et action politique. Une très belle quête de liberté et de justice dans le contexte de l’extrême pauvreté du Sahel. "

Lassaâd Metoui  célèbre calligraphe contemporain tunisien, réalise 10 calligraphies originales pour surligner les très beaux textes de son ami Rhissa Rhossey.

Lassaâd Metoui

LA RÉSISTANCE ÉTAIT EN MOI

Il fut un temps où j’ai porté la résistance / Au plus profond de mes fibres / Elle était dans mon sang / Elle était dans mes larmes / Elle était dans ma sueur / Elle était ma moelle épinière / La résistance était mon souffle / Elle était les pulsations même de mon pouls / Elle était en chaque atome de mon corps / La résistance était en moi / Elle était dans mes nerfs / Et dans mes muscles

Rhissa Rhossey

CHANT FUNEBRE POUR MANO DAYAK 

Tu n'es plus / Et mes larmes ne tariront plus / Ton sang, ton corps et tes os / Sont à jamais mêlés à ces sables que tu as / Tant aimés. / Es-tu mort au-dessus de CHIRIET aux dunes / dorées / Ou en amont de TAMGAK qui rime avec ta / lutte ? / Sont-ce les terres maternelles de TEMET qui / te retiennent / Qui te réclament pour l' ÉTERNITÉ ? / Le désert est FIDÈLE / Comme tu l'as porté à bout de bras, au / bout du monde / Le TENERE te porte désormais en son sein / Pour toujours ton ÂME aura la clarté de ses / dunes / Et ta MÉMOIRE la grandeur de ses montagnes / Ta mère est en deuil, et tu es le Fils de / toutes les mères /  Ton père est en deuil, et tu es le Fils de tous / les pères / Ton frère est en deuil, et tu es le Frère  de /  TOUS les HOMMES,

GRAND GUIDE

Rhissa Rhossey

IBRAHIM  MANZO  DIALLO

Ibrahim Manzo Diallo

Mano Dayak s’en est allé

Sur notre ciel, les étoiles-reines se sont éteintes / Les rides qui balisaient les secrets du désert se sont effacées / Se sont tus les chants mythiques des caravaniers tirant la longe de la targuité / les campements éventrés et les oueds ronronnent des motopompes, / Regarde ô sœur ces quiètes oasis d’antan parcellées par des barbelés, / Où ne blatère ni l’Amali en rut , ni l’awara demandeur, / Entends ô frère les lugubres chants des choucas qui thésaurisent / Et tu sauras que l’appétit du gain viole l’intimité de nos cœurs endeuillés

Ibrahim Manzo DIALLO

Yunus OCQUET 


DESTIN

Que faire lorsque la joie s’en va / Mordant de-ci, de- là / Quelques heureux élus ? / Pousser au loin nos soupirs enfumés... / Changer de route pour emprunter les sentiers incertains ? / Cueillir des fleurs pour couronner nos échecs ? / Prier pour achever le noir tableau ? / Chanter pour que l’écho des cimetières nous répondre ? / Veiller pour apprendre la sagesse du hibou ?

Yunus OCQUET

SOUELOUM DIAGHO

 

Qui je suis ?

Peut-être serez-vous déçu si je vous dis qui je suis. Je suis un targui en manque d'habits qui lui donnent son allure. / Mon 'tagoulmousté, je l'ai perdu le jour de la bataille de la survie. Mon pantalon j'en ai fait des sacs à provision, on l'appelait 'indjalagané' Mon grand boubou, j'en ai fait une tente comme abri. C'était le 'tekatkaté' de ma vie. Ne souriez pas mes amis, ça peut arriver ici.

J'ai entendu parler des indiens d'Amérique, des pygmées de l'Amazonie et ici les hommes du voyage qui sont traqués comme des souris : savez-vous qu'ils ont tous du sang qui coule dans leurs veines et un cœur qui palpite dans leur cage thoracique ?

Le temps est fini où le targui était fier de son allure : un beau chameau blanc avec tous ses bagages, son sabre et son javelot mérité.

Maintenant il est devenu un 'achamauré,  le chômeur ou un 'échekér'.

Corde usée à la portée de tous : il ne rêve plus de la princesse assise sous le palmier dans l'attente de son amour, ni de la bataille de bravoure sous les éloges de tous.

Le beau temps d'hier est fini, mais on peut toujours espérer qu'il reviendra un jour.

La vie sans espoir est comme l'amour sans projet d'avenir.

Je suis enfant de sable, enfant de nuit


Je suis sombre et nu, comme toi la nuit, je navigue au-delà de tes chemins diurnes, je cherche les sentiers flamboyants qui rythment la vie. Je suis silencieux et profond comme toi la nuit, comme le désert à l'approche de ta venue.

Je suis enfant de sable, enfant de nuit, mes yeux volent dans le noir qui t'a nourri. Mes oreilles bourdonnent de peur quand tes ondes frémissent, la brume et les ténèbres sont le fruit de ton travail assidu. A l'approche de la nuit les guerriers qui luttent pour les nations perdues crient leur désespoir. Comme les cris des loups qui se rassemblent pour la fête de minuit, sauvages et terribles, ils sont quand même dans l'oubli.

Enfant, j'ai grandi dans le sable loin des villes en écoutant les berceuses des nomades qui évoluent vers les frontières de l'oubli, avec comme seul repère, le clair de lune et ses rayons d'argent éclairant les terres qui ont contenu la misère de l'enfant sans patrie, sable mouvant étendu comme une page sans écriture. La trace des chercheurs reste inscrite comme un graffiti que fait le poète en commençant sa poésie.

Enfant, le jouais à cache-cache dans la nuit avec mes amis. Le souvenir reste encore soutenu dans la part innocente de ma vie.

Souéloum Diagho

MUSICIENSLES ISHOMARS

KOUDEDE

Koudede

" En 1990, quand après un carnage, les touaregs prennent les armes et les pick-up pour affronter les pouvoirs centraux au Mali et au Niger. Changer les roues des bagnoles, dormir sur les sièges de mitrailleuse échapper aux expéditions punitives et apprendre la guitare, fuit en Algérie, en Libye, dégote une vraie guitare et joue pour les réprouvés, les réfugiés et les copains restés dans le sable… Des chansons de rebelles. En 1996, c’est la paix, et « The source » fait le tour du monde"  Blog Saharien

Le 24 Data paroles

Le 24 avril est un symbole de paix pour ma génération (X2)  / Au Niger ainsi qu'au Mali, pour la Liberté. / Hommage à tous les militants  / que l'immensité du désert a emporté avec elle. / Hommage à Mano Dayak / Hommage à Touzougé  / Hommage à Infagagan

Mano DAYAk

Ewilla

Au cours de mes transhumances, j'ai fait des rencontres / Les anciens m'ont confié un message pour vous: / N'abandonne pas ta culture /N'abandonne pas ta coutume / N'abandonne pas ta langue / Allons mes frères, n'abandonnez pas votre culture /  Le Niger, le Mali, n'abandonnez pas la culture / Gardons nos pantalons larges, nos grands boubous indigos /

Koudede   Alami

NIGER : État d'urgence poétique  avec Koudede  Slam 


 A écouter de toute urgence  

ATRI N'ASSOUF

Justice

Les valeurs ont bien changé, le mot justice n'a plus sa place, /  nous ne savons plus sur quoi compter / Aidez-moi mes chers amis, / Afin de redresser, / Tous les piliers de la justice, / Car ils menacent de s'écrouler

Album  AKAL


AKAL : Atri N'ASSOUF

TINARIWEN

MANO DAYAK

Moi, je viens d'un Ténéré habitué aux tempêtes de sable / Je m'y reposais à l'ombre des arbustes Anna et Tadjart / Je n'ai jamais connu assez d'arbres pour constituer une forêt / Ma terre c'est le Tenesna dans sa blanche nudité inhabitée / Ma terre ne peut être pâturages pour vaches et chèvres / C'est un pays pour la chamelle suivie de son chamelon
Le Ténéré qui est au Nord de Bouss / est un Ténéré absolument nu / Sans arbres  ni brindilles / Il est toujours chaud pour les hommes qui le traversent

Refrain

Maintenant je vois ce qui me réjouit : / un Kel Tamashek bien vivant / Qui communique grâce au téléphone satellite / Suspendu à l'arbre sous lequel il se repose / Les bourgeons tombent autour d'eux / Tout cela, c'est Mano Dayak qui l'a fait

Tinariwen   Aman iman

TERAKAFT

 

Terakaft

Bismilla  

 Un hymne de la rébellion touarègue des années 90. Un appel à l’unité du peuple touareg et au combat pour la reconnaissance de ses droits

" Nous pourchassons les traîtres, nous acculons les ennemis Au nom de Dieu, Nous gagnerons les montagnes Au nom de Dieu, Soulevons-nous avec mes frères ".

 PERTE D'ATOUA EGOURT

"ISHOMAR" de la première heure, ATOUA est un résistant pur et dur, sans concession ni compromis. Au début, il a milité avec "les ishomars". Puis les geôles d'ALI  CHAÏBOU. Ensuite, le maquis. LA PAIX puis encore le maquis. Il y a quelques jours encore, j'ai débattu avec lui, il disait à sa mère :

"Un jour, tu sauras que ces enfants ont une PATRIE"

KIDAL

" Durant toute cette journée, nous n'avons parlé que de ça, la rébellion. La rébellion était leur seul vrai pays. Que reste-t-il à des nomades quand des instances lointaines se mettent un beau jour à élever des frontières à travers le désert ? De quel droit quelqu'un  peut-il interdire à des troupeaux d'aller paître où bon leur semble ? Si son petit Michel ne l'avait pas appelée à l'aide, si elle avait eu le loisir de flâner en chemin, Mme Bâ aurait apprécié ces Touareg : aucune maladie de la boussole, chez eux, aucune manie de l'immigration. Ce désert était leur terre, à jamais. Quelle que soit sa dureté. Que personne, seulement, ne s'avise de les asservir."

Mme Bâ : Eric Orsena

AmnestyInternational