À la conquête du métro
Dios fait du graffiti, depuis 1994. Il est de la première génération de graffiteurs montréalais. Influencé par les premiers tags qui sont apparus, il a lui-même commencé à laisser sa trace sur les murs de la ville, avec quelques amis. Ce qui n’était au départ qu’un passe-temps s’est rapidement changé en passion. Il n’a jamais arrêté depuis, raffinant ses techniques et créant son propre style, sous différents noms d’artiste.
Comme beaucoup de ses collègues graffiteurs, Dios est fasciné par les trains et les métros. «Le wagon, c’est mythique», dit-il en souriant avant d’ajouter: «Le métro, c’est le roi des trains. Sa surface se prête bien au graff et les œuvres voyagent, se déplacent.»
Dios fait aussi du graffiti aux murs légaux, même si sa préférence va à la clandestinité. En fait, il va aux endroits autorisés surtout quand la température permet de travailler de nombreuses heures sur une pièce, à ciel ouvert et sans avoir à se cacher.
Durant l’hiver, par contre, il estime qu’environ 80% de sa production est illégale, en raison du froid qui l’incite à se réfugier à l’intérieur. Peut-on supposer que si on offrait des murs intérieurs pour graffiter l’hiver on diminuerait d’autant le vandalisme et l’illégalité? Par contre, cela pourrait représenter un danger pour la santé des graffiteurs, à cause des vapeurs toxiques de peinture dans un endroit clos…
La facture
Dios doute beaucoup qu’il ait fallu 50 000$ pour nettoyer la station. «Ça n’a pris que 12 heures et tout était parti. Ils ont des produits à vaporiser très puissants. Ils ne remplacent pas les murs, quand même!»Le graffiteur se souvient d’un reportage à Infoman où Jean-René Dufort enquêtait sur les coûts réels de nettoyage pour un graffiti, par rapport au montant réclamé. Il concluait en démontrant que les chiffres avaient été effrontément gonflés…
Les journalistes n’ont-ils pas la responsabilité de confronter leurs sources et de vérifier la véracité de ce qui est avancé? D’après Serge Savard, de la STM, l’Infoman ne sait pas de quoi il parle et soutient que chaque sou va à l’enlèvement des graffitis…
Graffiti, fils de pub?
D’après Dios, tout est une question de perception. Le graffiti est encore perçu comme du vandalisme gratuit, mais pas reconnu comme un art. Et pourtant, rappelle-t-il, le tag (la signature) n’est qu’un aspect du graff, mais il y a aussi des artistes capables d’accomplir des fresques incroyables.
«Le graffiti est né un peu en réaction à l’envahissement de la pub. C’est une façon de se réapproprier l’espace urbain, de faire un pied-de-nez à la pub. Au fond, le graff est l’enfant illégitime de la pub», croit-il. «J’ai déjà lu dans un livre sur le graff une interview avec un graffeur qui disait: Quand tu fous un graffiti dans la face du monde, ils appellent 9-1-1. Quand tu leur mets une pub de Coke, ils vont s’en acheter un! Je trouve que ça s’applique bien à ce qui s’est passé.»
Pas d’éthique chez les graffiteurs?
Il y a une mosaïque sur les murs du métro Sherbrooke. Les graffiteurs n’y ont pas mis la moindre goutte de peinture. «Un des gars avec nous a hésité, il voulait la couvrir. On lui a dit de laisser tomber. On ne veut pas vandaliser les œuvres d’art. En général, cette éthique est respectée, du moins chez les plus vieux graffiteurs.»
Y a-t-il d’autres surfaces à bannir?
«Les maisons privées, les monuments historiques, les automobiles, les œuvres d’art en général et les belles pièces faites d’autres graffiteurs. Ce sont mes règles, pas forcément celles de tout le monde, par contre.»
Le Café-Graffiti: Que pense Dios du travail que le Café-Graffiti fait auprès des jeunes artistes de la canette, en les incitant à se servir des murs légaux?
«C’est bon pour les jeunes. Ça crée des liens, ça permet de rencontrer d’autres personnes qui partagent leur passion. Ça leur permet de se pratiquer, de s’améliorer et de faire moins d’illégal, donc, des plus belles pièces, sur lesquelles ils peuvent passer plus de temps. Mais ça n’enrayera pas tout le graffiti illégal pour autant.»
Pour rejoindre le Café-Graffiti: (514) 259-6900