Bienvenue chez nous, les gens
Ce qu’on peut être couillon, rétrograde et psychorigide parfois. Tiens, prenez mèzigue, par exemple. Ben, pendant quelques décennies (trois ou quatre, pas plus), mèzigue était inconsciemment persuadé (soit sournoisement influencé par un coin du cerveau autant frustre qu’obscur) que la confection de cakes était une activité, disons… peu valorisante pour le mâle. Huuu, le crétinisme. L’homme, le vrai, avec le pectoral touffu et la génitoire bombée, grille une côte de bœuf au piment sur le barbecue, c’est bien connu. Et ne touille donc pas de la pâte gluante avec un stupide tablier en dentelle noué autour du slim.
Or donc, l’autre jour, alors qu’on rêvassait à la supérette, affalé sur le chariot, l’œil rivé sur la ligne bleue du linéaire voué aux pâtées pour chien, l’évidence jaillit: Il n’y a pas de déterminisme sexuel en matière de cuisine; la confection d’un cake peut être une activité compatible avec une virilité flamboyante. A condition qu’il s’agisse d’un cake salé, bien sûr.
Pfffff. Sacré retournement psychologique que çui-ci, avouez-le. D’autres font un long travail à la fois sur eux-mêmes et sur le divan du psychiatre pour arriver ne serait-ce qu’aux prémisses d’une telle prise de conscience.
Sitôt capté, sitôt mis en œuvre. Le soir même, on régalait l’équipe de majorettes du quartier de ce cake aux asperges, jambon cru, parmesan et zestes d’orange (le zeste d’orange, c’est notre part de féminité qui chantonne fièrement), réalisable en sept minutes chrono sur un coin du plan de travail en écoutant Motörhead.
Dans une jatte, battez trois œufs en omelette, intégrez doucement 150 grammes de farine et un sachet de levure. Mélangez. Ajoutez progressivement un déci et demi de lait tiède – soit 15 cl comme on dit dans Elle à table - et un déci d’huile d’olive – soit 10cl comme on dit dans Marie Claire Cuisine, puis 60 grammes de parmesan râpé. Mélangez bravement.
Rincez puis détaillez quinze petites asperges vertes bien fraîches (en virant éventuellement le talon duraille) en mini bâtonnets. Effilochez grossièrement une dizaine de très fines tranches de jambon cru. Emincez en petits dés 40 grammes de vieux gruyère. Zestez le quart d’une orange (point trop n’en faut, faut que le cake demeure un tantinet testostéronné tout de même). Balancez le tout dans la pâte. Salez, poivrez.
Et touillez comme un fou.
Beurrez un moule, coulez-y la préparation. Et enfournez dans le four préchauffé à 180° pour 45 minutes. En cours de cuisson, coiffez d’une feuille de papier-alu si le cake brunit démesurément.
Démoulez, tranchez en parts gracieuses et dégustez avec un verre d’orangeade en compagnie des majorettes toutes émues.
Bizzzzz
A +