DJ Mini Rodz: Évidemment, on était super enthousiastes! Raymond Viger (le directeur du Café-Graffiti) nous avait déjà parlé du mur de Fermont et ça nous avait pas mal intrigués. Le Café-Graffiti est depuis longtemps en contact avec la maison de jeunes là-bas. Ils ont été parmi les premiers abonnés du Journal de la Rue en 1992 et ils étaient déjà venus à Montréal, visiter le Café en 2000. Suzanne, la coordonatrice, a donc pensé aux artistes du Café-Graffiti pour animer la Fête du Mur. Et comme nous sommes toujours prêts à relever de nouveaux défis, nous avons accepté immédiatement!
Comment s’est passé le voyage en avion?
Dj Mini Rodz: Je n’avais jamais pris l’avion de ma vie et j’avais très hâte de voler! Le vol durait cinq heures, avec une escale à Québec et une autre à Sept-Îles. Ensuite, nous avons atterris à Labrador City et de là, une voiture nous attendait pour nous amener à Fermont. Pour un baptême de l’air, c’en était tout un: trois décollages et trois atterrissages! En plus, au décollage, Naes a renversé son café sur moi. Résultat: le vol a été retardé de près d’une heure pour nettoyer les bancs. Disons qu’à mon arrivée, j’empestais pas mal le café!
En parlant de Dj Naes et de café, j’ai une autre anecdote pour toi! Imagine-toi donc que durant notre séjour, Dj Naes a acheté du café à l’épicerie. Jusque-là, ça va. Sauf que, distrait comme d’habitude, il avait oublié de moudre les grains! Le lendemain matin, aux petites heures, il a eu beau rouspéter, nous l’avons obligé à retourner avec son petit sac de grains à l’épicerie faire ce qu’il avait oublié de faire la veille!
Dj Naes: Pour en revenir au voyage en avion, tout s’est bien passé, sauf que nous avons eu des sueurs froides en constatant que les cannettes de peinture pour les murales n’étaient pas arrivées à destination. Elles étaient restées à Sept-Îles. Heureusement, après plusieurs coups de fil, nous les avons récupérées à temps et tout est rentré dans l’ordre.
Vous deviez contraster pas mal avec les gens de la place à votre arrivée à Fermont?
Dj Mini Rodz: Disons qu’on ne passait pas inaperçus! On portait tous une combinaison hip-hop identique, avec le logo d’un commanditaire, et la tuque de Naes intriguait pas mal les curieux. La mode vestimentaire hip-hop n’existe pas à Fermont, alors, on attirait forcément les regards. Tout le monde savait, juste en nous voyant, qu’on était les animateurs de Montréal. Dans les différents endroits où nous sommes passés, les gars surveillaient leur blonde de près… Ceci dit, les réactions étaient très positives, les jeunes étaient contents de recevoir de la visite et de découvrir la culture hip-hop, à laquelle ils n’ont pas accès habituellement autrement que par la télévision.
En quoi consistait votre contrat d’animation?
Dj Naes: Nous avons animé une première soirée le vendredi, à la maison de jeunes. Durant l’après-midi, Rodz a complètement redécoré le local, qu’il trouvait un peu terne, déprimant. Il a installé une boule disco, a réaménagé l’espace pour donner une ambiance de «party». Devant une quarantaine de jeunes de 18 ans et moins, qui n’avaient, pour la plupart, jamais vu de DJ’s à l’œuvre, DJ Big Rodz et moi, on a «spinné» et j’ai réalisé une murale de 12 pieds de long avec Back175. Tout le monde était hyper enthousiaste et tripait. Même les rockers dansaient!
Le lendemain, nous avions le mandat d’animer un autre «party», à l’aréna, cette fois. Il y avait plus de monde présent et également davantage d’ambiance, car la soirée était aussi ouverte aux adultes. Des gens se sont même déplacés de Labrador City pour y assister. Nous avons donné un cours de DJ à deux jeunes filles de la place et nous avons permis à un jeune MC de 12 ans, Yoan Castillou originaire de Montréal, mais résidant à Fermont, de devenir une star d’un soir en lui cédant le micro! Disons que ses camarades étaient pas mal impressionnés, surtout qu’ils ne le prenaient pas très au sérieux avant… Dommage quand même, que ça prenne la reconnaissance d’artistes de l’extérieur pour faire respecter le talent local…
À l’aréna, j’ai également fait une murale avec Back175 sur des panneaux géants. Notre œuvre représentait le nom de la ville de Fermont, avec dans le O stylisé un mineur en train d’opérer un marteau-piqueur. Les mineurs nous ont regardé «graffer» avec beaucoup d’intérêt. Nous avons même entendu dire, entre-temps, que les panneaux avaient été exposés au centre d’achat de Fermont!
Est-ce que c’est différent de faire bouger les jeunes d’une ville comme Fermont?
Dj Mini Rodz: Premièrement, les gens sont beaucoup plus attentifs, ils participent davantage que dans les grandes villes, où le monde est un peu blasé. Là-bas, ils ne connaissent pas beaucoup le hip-hop, il n’y a jamais de spectacles et les jeunes s’ennuient car il y a peu d’activités pour eux. C’était donc un super beau défi pour nous autres de venir les divertir et leur faire partager notre culture.
Ensuite, au niveau du choix musical, nous n’avons pas mixé avec les mêmes vinyles que d’habitude. Il fallait nous adapter à notre public, c’est pourquoi nous avons opté pour des «hits», des valeurs sûres, des morceaux qui ont tourné à Musique Plus, par exemple, et moins de nouveautés.
Vous êtes vous demandés comment ça serait d’être jeune et d’habiter un endroit comme Fermont?
Dj Mini Rodz: J’imagine que j’aurais fait comme les autres jeunes de la place, je serais parti à dix-sept ans, pour poursuivre mes études ailleurs! Ou, qui sait, peut-être que je serais devenu travailleur de rue ou pourquoi pas propriétaire d’une des deux tavernes de la place!!! Sans blague, il y a peu d’options possibles au niveau de l’emploi à Fermont. Tous les hommes travaillent à la mine, les femmes travaillent dans les commerces, les restaurants, les services, les bars, les services publics…
Pensez-vous que ça peut aider à la croissance du hip-hop d’aller animer en région?
Dj Mini Rodz: Tout à fait. Ça aide à promouvoir la culture. Les gens sont heureux qu’on se déplace pour aller les rencontrer chez eux et leur présenter notre art. Ça suscite la curiosité et c’est sûr qu’il va y avoir des retombées. Déjà, des jeunes de la place nous ont demandé une liste de CD’s qu’ils vont commander à leur disquaire. Malheureusement, il est difficile pour eux de se tenir au courant des parutions récentes, car il n’y a pas de scène locale et même la radio accuse un certain retard. Les jeunes ont presque tous internet, on imagine qu’ils «downloadent» (téléchargent) pas mal de MP3, mais nous sommes contre ça. Sauf que présentement, ils n’ont pas tellement le choix.
Dj Naes et Dj Mini Rodz: En finissant, on voudrait offrir un «Big up» à Nady Sirois, Kathy Laplante et Suzanne Synott, les responsables de la Maison de jeunes de Fermont! Gros merci également à tous les jeunes et aux parents qui sont venus fêter avec nous! À la prochaine!