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Une chambre simple

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Cinquième partie :

   Quand il tombait malade, sa grand-mère semblait au contraire gagner en vitalité. Elle arrivait avec dynamisme dans la chambre de Léo alité, organisait savamment les coussins dans son dos, déployait sur la table de chevet une batterie de flacons, de comprimés et de pulvérisateurs et posait sur l’édredon une revue récréative achetée pour consoler le malade. Elle ne s’attardait pas mais vaquait silencieusement et efficacement autour Léo.

   Il regardait avec une tendresse distante ses mains ridées qui dévissaient le flacon, le mollet tonique qui se dressait au-dessus de la pantoufle en feutre rose tandis qu’elle rétablissait l’ordre des rideaux.

Du jaune des murs, de l’orange de la fenêtre et du rose de cette pantoufle s’exhalait une douce fadeur, étourdissante. La vague de sommeil, délicieuse, venait emporter Léo, il ne luttait pas. Se laisser glisser, sombrer, c’était facile.

Il était fatigué d’attendre que quelque chose se produise.

Dans un demi-sommeil, il se roulait parfois sur le bord du traversin pour regarder le tableau de la dame à l’oiseau. La tête légèrement inclinée en arrière, on ne savait pas si elle était triste ou heureuse. Elle avait l’air calme. Venait-elle de recueillir l’oiseau ou lui disait-elle adieu ? Léo n’aurait pu le dire. S’il le fixait longtemps, ses yeux commençaient à piquer, les couleurs se mélangeaient et des petits cubes colorés dansaient devant lui.

   “Mamie, pourquoi tu aimes ce tableau ? demanda-t-il un de ces matins sans école.

-Ne te découvre pas. Il faut bien rester sous les draps.

-Et le tableau ?

-C’est une oeuvre. C’est joli.

Bon, reste tranquille, je sors faire les courses.”

     Seul dans l’appartement, Léo écoutait les bruits de l’immeuble. Des petites secousses dans les canalisations, des chocs sourds venant de l’étage au-dessus, le glissement de la porte de l’ascenseur, le tintement de la pendule dans le couloir. 

(suite et fin demain)

La chambre et l’oiseau by Mme Pastel est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Paternité-Pas d’Utilisation Commerciale-Pas de Modification 2.0 France

Musique de Yann Tiersen, Watching Lara (de la BO de Goodbye Lenin), illustration d’Anna Orlova.