Ce grand gaillard aux cheveux longs attachés est fin pédagogue. Il transmet sa passion avec une facilité déconcertante. Il a réponse à tout, son argumentation est lucide. En contact constant avec le milieu de la peinture, il avoue ne pas avoir entendu les galeristes se plaindre ces deux dernières années. En ce moment, il n’y a pas de crise économique. Le marché n’est pas en déclin. Le prix des tableaux continue d’augmenter d’environ 5% par année. Et que veut le marché? Des paysages. La vaste majorité, ce sont des paysages. Pas du contemporain, pas de l’abstrait.
Dans le Vieux-Québec, le Vieux-Montréal et Charlevoix, les principaux pôles du marché de la peinture, les touristes font vivre les galeries. Les années où il n’y a pas de tourisme, les galeries se rongent les ongles. Il n’y a pas beaucoup d’amateurs d’art au Québec. Pour attirer les amateurs d’art de l’extérieur, Charlevoix est devenu un immense magasin. Marc de Roussan constate. Rien ne ressemble plus à un paysage de Charlevoix qu’un paysage de Charlevoix. Il y a 20 peintres qui en font. Ils doivent développer leur touche personnelle pour se démarquer.
Quand un galeriste voit qu’un de ses peintres vend facilement un genre de tableau, il lui en redemande. Le peintre est pénalisé, à toujours faire la même chose. Pour appuyer ses dires, il utilise l’exemple de Claude Théberge. Il peint des parapluies depuis 20 ans. Ça se vend, pourquoi ferait-il autre chose?
L’art urbain, nouvelle tendance?
Marc de Roussan range l’art urbain dans le contemporain. Un art intéressant, avoue-t-il, mais qui ne permet pas d’en vivre. Le marché d’amateurs n’est pas assez gros pour la peinture contemporaine. Il y en a très peu ici. La galerie Michel-Ange en a très peu; Multi Art, Laroche… ce n’est pas leur grosse clientèle. Sur la rue Sainte-Catherine, il y a de petites galeries d’art contemporain mais elles ne roulent pas sur l’or. Elles vendent du matériel d’artiste pour boucler leur budget. En dehors des grands centres tel New York, l’art urbain vivote, sans plus. Je n’ai jamais vu de galerie qui s’affiche art urbain.
Les jeunes d’aujourd’hui vont délaisser les paysages au profit du contemporain? M. de Roussan n’y croit pas une seconde. Les gens vont simplement s’ intéresser à la peinture à un âge plus avancé. Je ne suis pas sûr que les jeunes vont tripper contemporain. On ne se découvre pas un goût pour l’art du jour au lendemain. Il vient avec le temps. Le jazz, la musique classique, t’écoute pas ça à 10 ou 12 ans. Même chose pour la peinture. La sensibilité, ça se développe plus tard, à la trentaine.
Personnellement, il aime le message qui transpire derrière le graffiti. On reconnaît qu’ils ont quelque chose à apporter. La différence sociale est intéressante. Ce sont des alternatifs, dit-il en parlant des gens qui gribouillent les murs. J’aime beaucoup le côté attrait touristique qui peut se développer avec le graffiti. Si on remet l’art dans la rue, on donne l’occasion à Monsieur Madame tout le monde de se réapproprier l’art. Le passionné d’art refait surface. Les galeries, c’est pas jojo. La petite musique de Chopin, les gens bien habillés… Si je rentre, les gens vont me juger par la façon dont je suis habillé. Ils vont se dire: lui n’achètera pas.
La relève
La relève est là. Et dans la qualité, et dans la diversité des manières de peindre les paysages. Ils ont de nouvelles teintes, leurs touches personnelles. Toujours dans le paysage, les scènes de ville. Démodée, la cabane à sucre?
Je parlais aux galéristes de la relève. On parlait des très jeunes peintres… Ils ont 40 ans. C’est ça la nouvelle garde. Il faut au moins 5 ans de travail assidu aux jeunes artistes avant de faire partie de cette relève.
Parmi les 3000 peintres répertoriés au Québec, M. de Roussan chiffre de 200 à 300 les artistes qui vivent de leur art. Le professionnel va faire entre 200 et 250 tableaux par année. L’amateur va en faire un par mois. Il n’a pas besoin de ça pour vivre. Au nombre de tableaux peints par année, Charlevoix peut dormir sur ses deux oreilles pour un temps.
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