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Publié le 09 novembre 2006 par Raymond Viger

Après avoir comblé les besoins urgents, une ville en relance a besoin de temps pour assurer sa diversification économique. Si les commerçants en déficit de Murdochville ont bénéficié d’un appui financier temporaire du gouvernement, la véritable bouffée d’oxygène est venue des projets éoliens de la compagnie 3CI. Deux parcs sont achevés, un troisième est en construction et un quatrième est à l’étude. Avec 250 travailleurs en période de pointe, «ces retombées économiques sont passagères, mais elles nous ont sauvés», affirme M. Lemieux. Elles ont permis de maintenir de l’activité économique alors que le comité de relance travaillait sur l’avenir.

Voir l’avenir

«Pour définir notre stratégie de développement, nous avons établi nos forces et nos faiblesses dans différents secteurs, explique M. Lemieux. Les secteurs économiques [prometteurs] ont ensuite été confrontés aux tendances des marchés pour évaluer les opportunités de développement.» C’est ainsi que la municipalité a dégagé trois axes majeurs: les énergies renouvelables, le récréotourisme et les nouvelles technologies de communication. M. Lemieux souligne l’importance d’une telle analyse qui a permis de transformer «la faiblesse due aux conditions nordiques» en un atout. En effet, un centre de recherche et de développement sur les éoliennes en climat nordique verra le jour à Murdochville.

Dans ses démarches pour attirer des entreprises à Murdochville, M. Lemieux recherche des structures de taille raisonnable: «Il ne faut pas attendre un Noranda 2. L’industrie lourde et les grandes entreprises ne répondent plus aux contraintes de la mondialisation. Aujourd’hui, il faut être flexible pour répondre aux marchés changeants. Les petites et moyennes entreprises sont mieux adaptées à cette flexibilité». M. Lemieux déplore toutefois la «forte dépendance gaspésienne envers la grande entreprise, l’emploi saisonnier et l’assurance-emploi». Une «culture qui nous fait du mal» et qui provoque chez nous «un esprit entrepreneurial faible», poursuit-il.

Innover en Gaspésie?

M. Lemieux, détenteur d’un doctorat en développement régional, a effectué des recherches sur des régions ressources du monde occidental. Ces études lui ont permis d’identifier l’innovation comme un des ingrédients gagnants des régions qui ont réussi leur reconversion. Mais une enquête réalisée dans les cinq régions périphériques du Québec montre que la Gaspésie se situe au dernier rang en matière d’innovation technologique de ses entreprises. De plus, celles qui innovent le font «trop souvent à partir de leurs propres entreprises», précise-t-il. M. Lemieux soutient que la Gaspésie doit travailler à rapprocher les PME entre elles tout en développant leurs relations avec les acteurs du milieu (centre de recherche, organismes disposant d’outil de financement). Les organismes de financement assurent «un bon appui au départ, mais il manque de suivi» lors du développement. M. Lemieux rêve par exemple d’un véritable réseau d’innovation gaspésien en matière d’énergie éolienne à la manière du Bas-Saint-Laurent et des ressources maritimes (région qui occupe le premier rang des régions ressources du Québec en matière d’innovation). Il aimerait ainsi que «les résultats du centre de recherche éolien de Murdochville deviennent publics et soient utilisés par des entreprises de la région».

Même si le développement régional et son métier le passionnent, M. Lemieux admet que son travail est difficile particulièrement lorsqu’il s’agit de modifier des mentalités ou des habitudes. Mais la Gaspésie n’a pas le choix; elle doit «revoir ses façons de faire», ajoute-t-il avant de conclure, optimiste: «je crois en la nouvelle génération».