Parmi les partisans de la construction européenne, même si je m'étais amusé à identifier sept familles différentes, on peut distinguer deux grands groupes.
Ceux qui croient réellement à une Europe unie, indépendante des Etats-Unis, assurant le bonheur des citoyens européens. Pour eux, qu'ils y croient ou pas, le fait que l'Eurocorps s'affiche comme au service de l'OTAN autant que de l'Union européenne ou que la zone euro se délite doucement dans un concert d'égoïsmes nationaux (genre marteau sans maître) ne sont que des épiphénomènes. Tout cela est la preuve que l'Europe vaincra (Bernard Guetta est un bon exemple de ces Pangloss de la construction européenne : tout ce qui ne tue pas l'Union européene la rend plus forte, chaque faux-pas est un triomphe).
Et puis il y a les résignés. Ils ne promettent ni ne rêvent rien pour l'Europe, c'est comme ça, c'est la loi du monde - fallait pas avoir besoin des Etats-Unis pour gagner la deuxième guerre mondiale puis pour arrêter les burqas à Kaboul.
Ceux-là sont souvent plus intéressants, ils ne masquent pas l'avenir que nous destine l'Union européenne. Edouard Balladur vantant une Union des Etats-Unis d'Europe et d'Amérique est ainsi parfaitement clair, bien plus honnête qu'un Bayrou annonçant ce matin vouloir tout à la fois plus d'Europe et lutter contre l'emprise de la finance.
On peut aussi ranger parmi ces résignés un François Meunier, professeur à l'ENSAE. Dans un article pour Telos (encore un think tank de hum gauche), M. Meunier se réjouit d'expliquer que la politique salariale française (et partout en Europe d'ailleurs) doit être fixée par l'Allemagne.
Là encore, il a parfaitement raison si l'on considère que l'Union est notre carcan destin et que nous ne pouvons y échapper.
Il peut donc écrire tout tranquillement : "Désormais, les salaires français seront largement fixés par le patronat allemand, en liaison avec l’IG Metall, le grand syndicat allemand de la métallurgie. On peut s’insurger contre cette perte de souveraineté, mais c’est un fait. On peut débattre du bénéfice collectif du phénomène, indiquer à raison comme Christine Lagarde qu’il faut être deux pour un tango, mais il s’impose. La liberté, disait Spinoza, c’est la nécessité consentie. [...] Il est impératif qu’une des cibles majeures de la politique économique française devienne la parité d’évolution salariale avec l’Allemagne."
C'est en effet la logique de la construction européenne : pour échapper à la pression des marchés financiers et à la désertification industrielle, les états européens devront s'aligner sur la politique salariale allemande (elle-même alignée sur celle de la Chine). Tous les partis qui souhaitent que la France reste dans l'Union européenne n'échapperont pas à cela - de Marine le Pen à François Bayrou jusqu'à Besancenot.
J'aime que cela soit rappelé par un partisan (apparent) de la construction européenne...
Au final il ne faut cependant pas s'étonner de l'abstention si l'on considère que sont tombées dans le champ européen les politiques :
- monétaire ;
- commerciale ;
- budgétaire ;
- de change ;
- maintenant salariale ;
- bientôt : de défense et de relations étrangères.