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Shakespeare et le maniérisme

Par Desheuresoisives

Plusieurs articles sont à venir sur ce site concernant des partenariats avec d’autres sites ou d’autres blogs. “Nul homme n’est une île”, disait John Donne. Il en est de même des blogs : lorsque l’on se décide à en rédiger un, il faut savoir participer à cette grande communauté (oserais-je dire cette grande famille?) qu’est Internet.

Ainsi, il y a quelques semaines, j’ai reçu une proposition de partenariat de la part d’Alapage. Ce dernier site m’a demandé de choisir parmi ses livres de philosophie et de faire la recension de l’un d’eux. Laissant parler ma passion pour Shakespeare, j’ai décider de lire un livre de Christine Buci-Glucksmann intitulé Tragique de l’ombre : Shakespeare et le maniérisme.

Vient aujourd’hui l’heure de la critique…

Le livre de Christine Buci-Glucksmann est en réalité plus une oeuvre de philosophie esthétique que de critique littéraire. C’est un livre assez déconcertant qui propose une interprétation quasi musicale de l’oeuvre de Shakespeare. Christine Buci-Glucksmann construit donc sa réflexion en philosophe autant qu’en musicienne. Relevant dans la poétique de Shakespeare la place centrale de la Voix (on pense, de temps à autre, à Yves Bonnefoy), elle restitue au théâtre sa présence, sa voie humaine. Elle le tire littéralement de l’ombre (l’autre grand thème de l’ouvrage).

Evoquant, au détour d’une réflexion, Kant et Pessoa, cet essai est un bel exemple de critique érudite. Pourtant, à trop vouloir mener le lecteur à la baguette de la réflexion esthétique, il me semble que Christine Buci-Glucksmann oublie l’objet de son étude. C’est la grande critique que je pourrais énoncer à l’égard de la réflexion philosophique : de devenir le piège de son propre système.

J’évoquais tout à l’heure Yves Bonnefoy, ce grand critique de Shakespeare. Les passants de Paris se souviendront de ce très beau poème inscrit sur un mur de la rue Descartes :

Philosophe,Shakespeare et le maniérisme

as-tu chance d’avoir l’arbre

dans ta rue,

tes pensées seront moins ardues,

tes yeux plus libres,

tes mains plus désireuses

de moins de nuit.

D’une certaine façon, le livre de Christine Buci-Glucksmann, si brillant soit-il, reste “empiégé” dans cette nuit de la réflexion purement théorique. C’est d’autant plus dommage que, ici et là, de très belles idées se trouvent exprimées. Comme celle qui, justement, fait voir en Shakespeare un non-philosophe absolu, un ennemi de l’harmonie, un chantre du dissonant.

Au fond, nous sommes d’accord.

(Et un grand merci à Alapage).



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