Est-ce que le livre numérique fait encore peur en 2010 ? Il n’y a pas si longtemps les médias traditionnels, sans doute en quête de sensationnalisme et/ou dans le but de garder leur lectorat conservateur, démonisaient systématiquement le livre et sa numérisation: « qui a peur du livre numérique » ou encore « le livre papier contre le livre numérique », comme s’il fallait absolument déclencher une guerre. C’est avec ce genre de titres racoleurs que les médias abordaient la problématique de la numérisation du livre… il n’y a pas si longtemps.
L’autre tactique des médias traditionnels (on a presque envie d’écrire conventionnels) pour s’assurer d’avoir l"aval de leurs lectorats conservateurs : prendre un malin plaisir à clouer au piloris chaque fois que c’était possible Google Éditions, en surmédiatisant les délibérés des procés avec, par exemple, La Martinière. Google le grand méchant loup de la numérisation du livre, ou encore la politique de prix d’Amazon en tirant à boulets rouges sur le prix unique. Et pendant ce temps-là, pendant que le débat fait rage sur la numérisation du livre, que des pseudos fronts de libération du livre papier distribuent des tracts (polluants) aux abords des salons du livre, comme celui de Paris, pendant ce temps-là, on ne s’intéresse pas à l’essentiel : que faut-il faire pour redonner le goût de lire aux lecteurs ? Parce que le vrai enjeu, il est là ; les lecteurs. Papier ou numérique, si les lecteurs ne sont pas au rendez-vous, ça risque de faire très mal.
Est-ce que le débat autour du livre numérique, dans ce contexte, n’a pas pour seul effet de détourner encore plus le lecteur de la littérature en règle générale ? Personne ne s’émeut du fait qu’acheter un livre à 30 euros n’est pas un acte d’achat anodin et que par conséquent il peut être un frein à la lecture ? Non, personne ne parle de ça. En revanche, les éditeurs bien établis qui contrôlent le marché de l’édition et de la distribution en France, ne sont effectivement pas pressés de numériser car cela va les obliger à revoir de fond en comble un modèle économique qui les fait vivre encore grassement. Parce que les lecteurs s’attendent à payer un ebook au moins la moitié du prix d’une version papier. Tout comme ils ont pris l’habitude d’acheter un CD dématérialisé sur iTunes à 9,99 euros. Qui a encore la folle idée d’acheter un CD en magasin à 20 euros ? En fin de compte, on voudrait faire croire aux lecteurs que la numérisation du livre est quelque chose qui fait peur parce qu’ils ne pourront plus toucher du papier, parce qu’ils ne sentiront plus l’odeur du papier. On démonise Amazon, Apple et Google parce qu’ils sont en train de remettre des modèles de distribution et de tarification qui ne font pas l’affaire des quelques gros joueurs de l’édition. Mais tout cela ne vous rappelle rien ? Souvenez-vous comment les gros labels de musique ont réagi lorsque iTunes est apparu…
Cette photo prise sur le vif un soir dans le métro de Montréal de cette jeune femme en train de lire sur un lecteur de livres électroniques d’une marque bien connue. Des prises que nous pourrions multiplier tant nous sommes de plus en plus témoins de ce genre de situation, et qui démontrent bien que la peur du livre numérique n’est pas une réalité mais juste une façon pour les gros joueurs de l’édition de gagner du temps. Et pendant ce temps-là Google numérise, malgré tout, Apple vend des iPad comme des petits pains chauds, Amazon prend le monopole de la distribution avec son Kindle, il y a de plus en plus d'ebook téléchargeables en anglais (peu de titres en français puisque les plus importants éditeurs francophones ne sont pas pressés). La machine est en route, et ce n’est pas le lecteur qui a peur.