La discrétion. Voilà un qualificatif qui semble parfaitement coller à Roc Marciano. Pourtant, ce MC originaire de Long Island n’en est pas à son premier coup d’essai, étant pour cause, un des membres du Flipmode Squad de Busta Ryhmes et producteur du collectif The U.N. Discret certes, mais toujours actif en featuring ou dans la pénombre des studios, le revoilà fin prêt avec un Marcberg taillé sur mesure et à la dimension de son talent.
Largement influencé par l’œuvre des Ultramagnetic MCs et de Rakim, poussé en avant par son mentor Large Professor, Roc Marciano s’est engagé sur la voie de la production en développant un style qui lui est propre. Entouré par les directeurs artistiques Schott Free et Matt Life (cf The Infamous), Marciano a pu mettre en musique un univers personnel qui n’est pas sans rappeler la teinte sombre de Mobb Deep et la texture d’un Only Built 4 Cuban Linx. Car Marcberg est un peu le descendant du rap mid 90’s qui renoue avec le minimalisme affirmé du son de NYC. Reposant sur la base traditionnelle du sampling, la méthode utilisée par Marciano reste conventionnelle alors que le résultat offre à l‘inverse une nouvelle perspective à ce revival singulier. Dépouillés de tout artifice, épurés à leur maximum, les morceaux s’appuient sur des boucles poussiéreuses (« It’s A Crime », « Panic », « Raw Deal ») introduites par quelques extraits du film The Cool World de Shirley Clarke (1964), procédé fréquent, mais ô combien judicieux lorsqu’il s’agit d’illustrer le propos.
Sans pour autant faire de Marciano un fin crate digger (qu’il n’est d’ailleurs pas selon lui), le MC/producteur a tout de même su injecter une tension dramatique constante située à mi chemin entre Havoc et RZA (« Whateva Whateva », « We Do It »). L’atmosphère pesante de l’opus se mêle ainsi à un flow mesuré, empreint d’une assurance froide qui fait des merveilles sur des titres comme le délicieusement soulful « Hide My Tears », « Snow », le grave « Riding Around » ou encore le torturé « Don Shit » à la beauté étrange.
Chose rare, l’album ne s’essouffle pour ainsi dire pas. Là où habituellement de nombreux opus perdent en intérêt avec des réalisations approximatives voire franchement brouillonnes, Marcberg affiche au contraire une intégrité exemplaire, poursuivant la ligne artistique jusqu’au bout de sa logique. Ainsi, l’austérité est toujours de mise grâce à l’horizon blafard que dessinent « Pop » et « Marcberg » alors entrecoupés par le regain de tension qu’est « Jungle Fever », avant que l’ensemble ne s’achève sur la profondeur mélancolique de « Shoutro ».
A l’image de Duke le protagoniste du film de Shirley Clarke qui tente d’obtenir une arme afin de se faire respecter, Roc Marciano atteint le même objectif d’une façon moins radicale et beaucoup plus noble. Plus qu’une arme, Marcberg devient en vérité une raison d’exister et ce avec la manière.