Une famille internationale
Bayard a été fondé au lendemain de la guerre de 1870 par les Augustins de l’Assomption. Il y a 40 ans, en France, un couple avait une petite fille handicapée mentale. Ils ont créé le magazine de Pomme d’Api pour rendre la lecture accessible à leur fille. Si cette revue était bonne pour leur fille, elle pouvait aussi l’être pour d’autres. Ils ont approché l’éditeur Bayard pour créer le magazine.
Pomme d’Api a ensuite été traduit en chinois. Le magazine existe actuellement en sept langues. J’aime lire est publié en trois langues. Chaque pays possède sa propre organisation pour rédiger localement le magazine. Pour le Québec, la responsabilité du contenu et de la rédaction de Pomme d’Api et de J’aime lire passe exclusivement par Paule Brière à Montréal.
La recette d’un magazine jeunesse
Un magazine jeunesse a deux composantes très importantes. Les illlustrations et les textes. Les illustrateurs qui travaillent pour le groupe Bayard proviennent de partout à travers le monde. Les meilleurs dessins sont choisis. Parfois un Russe, tantôt un Québécois ou encore un Chinois! Chaque éditeur de Pomme d’Api choisit parmi ce qui est proposé ou en commande spécialement pour lui.
Les sujets proposés par Paule et son équipe peuvent être utilisés par les différentes publications de Bayard. Paule peut puiser dans un vaste répertoire de textes et les adapter pour ses lecteurs.
Par exemple, le vocabulaire est différent entre la version québécoise et française. Chaque organisation peut aussi inclure dans son magazine le contenu local qui lui convient. C’est ainsi que plusieurs chroniques et histoires réalisées au Québec sont exclusives au magazine Pomme d’Api du Québec qui bénéficie donc de grandes possibilités. Paule peut publier une histoire suisse, choisir des pages de jeux finlandais. La liberté rédactionnelle appartient à Paule Brière.
Une congrégation religieuse
Lorsque j’ai demandé à Paule quelle congrégation était actionnaire de Bayard, confuse et gênée par sa mémoire défaillante, elle n’a pu répondre qu’à la fin de l’entrevue. Il n’y a donc pas d’ingérence des Assomptionnistes dans la rédaction du magazine. Paule partage une anecdote pour montrer l’importance de cette congrégation dans la vie du magazine:
«Lorsque j’ai débuté pour Bayard, il y a 12 ans, je venais de perdre un emploi. L’éditeur pour qui je travaillais a fermé ses portes. Trois mois après mes débuts chez Bayard, Suzanne Spino, la directrice, était malheureuse. Avec les derniers bilans sous le bras, elle rencontre le conseil d’administration. Elle s’attendait à ce que nous soyons obligés de fermer les portes. Il y avait beaucoup de rouge dans les chiffres comptables. J’étais désespérée de perdre ainsi un deuxième emploi en si peu de temps.»
«À la fin de la réunion, la directrice reste bouche bée. Pas question de fermer les portes, on continue, ont décidé les membres du conseil d’administration. Jamais une entreprise privée aurait conservé un magazine qui ne génère pas de profits.»
«Encore aujourd’hui, la rentabilité est très relative et cyclique. Seule une communauté religieuse peut se permettre de conserver un magazine de qualité qui ne couvre pas ses frais. On s’amuse à dire que c’est le bon Dieu qui est notre actionnaire principal. Mais il n’y a aucune pression pour enseigner la religion. Ce sont des valeurs humanistes qui animent nos magazines.»
«En ce qui concerne les finances, ce n’est pas toujours facile. Contrairement au monde du magazine conventionnel, nous n’avons que très peu de publicité. Cela fait une énorme différence dans les budgets. Le magazine est publié pour des jeunes. Le papier doit être de meilleure qualité pour éviter qu’il ne se déchire facilement. Ça coûte très cher.»
La lecture, une passion
Paule, qui est aussi une auteure de livres-jeunesse, est une passionnée. «Je lis beaucoup. J’ai redécouvert les livres avec mes enfants. Avec eux, j’utilise un livre ou un magazine quand ils sont malades, quand on attends chez le dentiste. Lire, c’est une forme d’évasion, un apprentissage, une découverte.» Paule est très attachée à Pomme d’Api. Toute petite, un oncle curé a fait de Paule l’une des premières abonnées de ce magazine. «Quand un jeune me dit qu’il n’aime pas lire, c’est qu’il n’a pas encore trouvé son livre. Tout se trouve quelque part. Il faut continuer à chercher, apprendre à faire nos choix de lecture.»
«Quand un jeune dit que c’est difficile de lire, il ne comprends pas pourquoi il se force. La lecture, ça doit être drôle et intéressant. Le jeune pourra ainsi comprendre pourquoi il fait des efforts. L’effort est récompensé par le plaisir qu’il développera.»
«Quand je suis dans un salon du livre et que je fais des séances d’autographes, j’écris toujours un petit slogan pour les jeunes tels que « Lire c’est l’aventure », « Lire est un plaisir »…»
La mission
Paule est très rassurante sur la mission des magazines qu’elle coordonne: Le plaisir de lire. «Rien de scolaire. Juste le fun de lire. Ça ouvre tout plein d’horizons. Dans Pomme d’api, il y a différents styles; histoire, bande dessinée, jeux, bricolage, un volet plus scientifique…»
«Dans J’aime lire, il y a des romans d’humour, d’action, historique, des bandes dessinées, des jeux… Dans les deux cas, c’est le plaisir immédiat, passant d’une émotion à l’autre: rire, pleurer, s’émerveiller. Le magazine est le copain de papier du jeune, l’ami des enfants, pas un éducateur rigide.»
«Les deux magazines se soucient des jeunes. Ils offrent un apprentissage qui les suivra partout. Les mots sont simples, d’usage courant et reliés au vécu de l’enfant. Certains parents et professeurs auraient voulu que le magazine enseigne de beaux grands mots à nos enfants. Si on veut qu’un jour ces enfants aient le goût de s’amuser avec toutes les nuances de notre langue, il faut commencer par la base; le plaisir de lire et de s’amuser avec un magazine.»
Les lecteurs
«On retrouve beaucoup de nos abonnés dans les régions. Possiblement parce qu’ils ont moins accès à des librairies ou des bibliothèques. Pour Pomme d’Api, qui touche les jeunes de 3 à 7 ans, les parents aident leur enfant en faisant la lecture. Ça les rapproche en même temps. Ça crée une relation basée sur le plaisir d’apprendre. Dans le cas de J’aime lire, pour les 7 à 10 ans, le jeune est plus autonome. Ça devient «son» magazine. Les jeunes aiment bien recevoir par la poste le magazine à leur nom. Au début de chaque chapitre, il y a un résumé du chapitre précédent. Cela facilite la compréhension de l’enfant. Il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils lisent le magazine tout d’un trait.»
«Chaque exemplaire de Pomme d’Api contient un cahier «Parents». Il développe le thème principal du magazine à l’intention des parents avec des mots d’enfants, parfois des témoignages de parents, des pistes de réflexion, des conseils, des suggestions de livres et de sorties, des concours, etc.»
La vie de tous les jours
«Certains peuvent nous le reprocher, mais nous ne voulons pas avoir un magazine qui ne conte que des histoires fleurs bleues. On y parle des réalités de la vie. Il peut arriver que des personnes se chicanent. Mais, avant la fin de l’histoire, on va trouver une solution, ça va se régler. C’est un apprentissage de la vie, une forme de résolution de conflit.»
«Notre mandat est d’aider l’enfant à se comprendre et à comprendre le monde qui l’entoure. Il faut faire confiance à nos enfants. Ils sont capables d’en prendre plus qu’on peut le penser. Ils en ont plus dans leur tête qu’on voudrait bien le croire. Ils ont des pulsions. Ils doivent apprendre à les maîtriser. En tant que parents, il ne faut pas se mettre la tête dans le sable. Nous ne voulons pas être un modèle de perfection, mais un modèle de vie.»
«Parfois, quand il arrive un incident, il est difficile d’en parler avec l’enfant. Ce n’est pas toujours facile de mettre nos limites. Avec un livre de lecture, on peut revenir à froid sur les événements, en parler. On lit ensemble, on parle en famille des différents thèmes et des histoires qu’on a lus. Cela nous donne aussi des phrases, des références pour nous aider dans l’éducation et dans la relation avec nos enfants.»