“Peste”, c’est un grand mot, mais j’ai voulu tenter le titre accrocheur. Par contre, “malades”, ça c’est vrai. L’huître souffre. Certes cela ne lui fait point bobo puisqu’elle ne dispose pas d’un système nerveux central lui permettant de s’exprimer comme vous et moi par des “aïe !” de douleur, mais elle souffre néanmoins. Ou plutôt ses petits : les minuscules bébés huîtres que dans le jargon on appelle “naissains”.
Celui qui crie “aïe !”, c’est l’ostréiculteur. Et ça fait un moment que ça dure. Du coup, 300 ostréiculteurs sont aujourd’hui montés à la capitale pour pousser un coup de gueule, parce-que ça commence à bien faire ces naissains qui meurent, jusqu’à 100% d’un stock parfois. Nos amis ostréiculteurs voudraient donc que les pouvoirs publics se remuent le popotin pour activer la recherche sur le sujet et accessoirement identifier et punir comme il se doit les responsables de ces décès. Sortez le goudron et les plumes ! Parmi les coupables désignés, j’entendais ce midi sur Inter le nom d’un organisme pourtant fort sérieux : l’IFREMER. Les uns l’accusent de ne pas mener les recherches qui s’imposent, d’autres envisagent carrément que l’institut en question ait pu, involontairement, empoisonner les bébêtes. J’entendais aussi, il y a un peu plus longtemps et je ne sais plus bien où, que la cause de cette surmortalité des bébés huîtres, très marquée depuis trois ans maintenant, serait liée à l’implantation déjà ancienne d’une huître OGM (dite “huître des quatre saisons” parce-qu’elle ne fait pas de “lait”, même dans les mois qui ne sont pas “en R”), plus fragile que ses consœurs. Honnêtement, mon faible bagage scientifique ne me permet pas de trancher.
Par contre, des infos traînent un peu sur le net : cette surmortalité serait ainsi plus ancienne qu’on le dit, même si elle est particulièrement marquée depuis 2007-2008. Depuis 1991, des stocks entiers ont ainsi été décimés par une bactérie apparemment bien identifiée, mais dont l’origine reste encore floue. En ce qui concerne la vague de surmortalité actuelle, elle se caractérise par la très grande rapidité du phénomène : en deux jours, la bête est morte, et ce quelle que soit la région de la zone d’élevage. Le fait d’élever les huîtres dans des claires (anciennes salines aujourd’hui utilisées comme bassins d’élevage dans la région de Marennes-Oléron) les protègerait peut-être mieux que l’élevage en pleine mer, mais les études menées par l’IFREMER restent vagues, beaucoup d’éléments se contredisant. Le lieu où ont éclos les œufs pourrait avoir une incidence, or une large partie des naissains français sont fabriqués, si je puis m’exprimer ainsi, dans le Bassin d’Arcachon. Ça la fout mal pour l’image de la région, mais c’est une réalité. Les pics de mortalité sont généralement associés à une hausse des températures de l’eau de mer, ce qui explique que l’huître meure davantage l’été. A cela enfin s’ajoute l’apport d’eau douce dans les zones d’élevage, chargées en polluants divers : des claires de Marennes trempent dans l’estuaire de la Seudre, le Bassin d’Arcachon reçoit l’eau de plusieurs minuscules cours d’eau et d’un plus gros (la Leyre), originaire des Landes. Un virus pathogène a été identifié ; il est aujourd’hui présent dans la quasi-totalité des lots testés par l’IFREMER, mais est-ce lui et lui seul qui tue les huîtres ?
Bilan à court terme : les huîtres mettent trois ans pour atteindre la taille la plus facile à commercialiser (la taille 3, qui est aujourd’hui la plus vendue). On se dirige donc vers une pénurie pour l’hiver 2010-2011, et un manque à gagner très net pour toute la filière ostréicole. C’est dommage, car les huîtres de Gujan-Mestras, que nous avons achetées dimanche chez mémé (comment ? je ne vous ai jamais parlé de mémé ? c’est pas pooooossssssiiiible !), étaient succulentes (quoiqu’un peu grasses à mon goût, j’ai mis du citron même si je sais bien que c’est péché).