afghanistan

Publié le 28 novembre 2006 par Raymond Viger

À chaque minute qui passe, nos pas s’accélèrent. À la fin, la petite fille ne suit plus et il la traine. Elle ne pleure pas. Elle ne fait que répéter: «Mais qu’est-ce qu’il y a papa?» À chaque mot qu’il dit, la terreur s’empare de ses yeux. Il déclame une série de mots. À la vitesse de l’éclair. Il fixe le sol. Je vois bien qu’il voit ce qu’il raconte. Je ressens sa terreur. Je ressens son désarroi.

Il était en Somalie pendant la période où les Canadiens ont été sévèrement critiqués et quelques-uns condamnés pour séquestration et torture de Somaliens. Il m’a raconté qu’un jour, pendant un tour de garde, un père somalien est apparu avec son fils de dix ans. Il engueulait le soldat en question et son copain en leur disant qu’ils avaient la prétention de venir sauver les Somaliens, mais qu’ils ne pourraient jamais le faire. Il prend sa machette et coupe la tête du fils en jouant avec la tête comme un joueur de soccer jouerait avec un ballon. Le Somalien a dit ceci avant de partir: «Vous voulez nous sauver et vous n’avez même pas pu sauver mon fils!»

À mesure que nous parlions, j’étais abasourdi. J’avais peine à contrôler mes émotions. Il a fini son histoire en me disant que son compagnon d’infortune, depuis son retour au Canada, prenait sa femme et ses enfants, les enfermait dans un garde-robe de chambre en y tenant la garde, accroupi avec sa carabine. Il voulait sauvegarder sa famille des atrocités de la vie d’aujourd’hui. Je lui ai recommandé de voir les services psychologiques de l’armée. Je ne l’ai jamais revu.

J’ai tellement pleuré. J’ai essayé d’avoir de l’aide professionnelle afin de passer au travers de ça et on m’a répondu que j’étais naïf et que son histoire n’était pas vraie et qu’il avait voulu seulement m’intimider. Pourquoi m’intimider? Aucune idée. Enfin… Ceci était une mission de paix. Je ne sais pas si cette histoire est vraie, mais je peux me questionner sur les horreurs que verront nos soldats en Afghanistan. Que vivront-ils que nous ne saurons jamais?

On peut toujours faire un débat quant à notre présence en Afghanistan, ici, au Canada. Mais, nos soldats ont dépassé le stade de l’idéologie. Ils sont dans la pratique. Leurs familles sont aussi prises entre l’idéologie et le cœur. Malgré mon opposition à la guerre, j’aimerais que l’on se prépare à recevoir les êtres humains qui ont servis pour la démocratie et que nos valeurs et principes se propagent à travers le monde.