La chambre et l’oiseau Troisième partie :    Sept...

Publié le 04 mai 2010 par Mmepastel

La chambre et l’oiseau

Troisième partie :

   Sept longues années, pas vraiment malheureuses, mais longues et plates. Léo qui avait connu des déménagements hâtifs et brusques, ne s’était pas vraiment installé, comme s’il se tenait prêt à repartir. Il n’était pas vraiment chez lui, il le savait. Sa mère, quand elle irait mieux, le reprendrait. À tout moment cela pouvait arriver. Il retournerait vivre avec elle, parce que les enfants vivent avec leur mère. Une image se formait dans son esprit, vacillante. Une table de cuisine recouverte d’une toile cirée nette, un bol de chocolat fumant, et sa mère, souriante, debout à côté de la cuisinière, tenant dans sa main une casserole. Cette image ne tenait pas longtemps mais c’était celle qu’il voulait voir entre toutes. Elle l’aimait, il le savait. Elle était juste un peu fatiguée, elle avait été très claire là-dessus, un peu “instable” disait Pablo. Elle avait “des difficultés” disait Lili. Le prof de gym du collège, lui, répétait tout le temps “quand on veut, on peut”. Tout s’arrangerait.

Léo ne se sentait pas délaissé. Sa grand-mère l’entourait de soins inquiets et abondants. Il vivait dans cette chambre comme dans un bocal. Les bruits du reste de l’appartement lui arrivaient étouffés, assourdis. Les voix du téléviseur, les chocs entre des casseroles, quelques cris lui parvenaient enrobés d’une fine couche de ouate. Allongé sur l’édredon lilas, il écoutait sa musique sur son balladeur pendant des heures. Le jaune de la tapisserie se déplaçait en fonction des heures, les ombres s’allongeaient, le dessin de tous ces jeux de lumières formait un spectacle aussi changeant que celui d’un kaléidoscope, généralement interrompu par le visage de Lili qui s’encadrait dans la porte qu’il découvrait brusquement ouverte ; il la voyait remuer les lèvres énergiquement sans l’entendre. Léo arrêtait alors sa cassette et allait dîner.

Souvent, après le repas, il annonçait furtivement qu’il allait faire ses devoirs en reculant sa chaise qui raclait le parquet. Sa grand-mère jetait un “et le parquet” d’un ton rauque et chantant comme pour les phrases qu’on répète inlassablement. Elle passait l’éponge pour enlever les miettes sur la table et Pablo s’étirait en se fendant d’un “travaille bien mon garçon”. Léo disparaissait rapidement. 

(suite demain)


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Photographie de moggierocket.