« Sailor et Lula » de David Lynch (
Sortie cinéma : 24 septembre 1990
Il est dommage que cette réédition (la dernière remonte début 2006) ne comporte aucun bonus. Ce film palmé d’or en 1990 à Cannes, se décrypte avec le recul plus qu’il ne se dévoile. A cette époque , David Lynch prépare « Twin Peaks » qui posera les premières empreintes sur un parcours cinématographique en marge des productions traditionnelles.
Des suppléments auraient pu le situer dans la perspective d’une filmographie, qui depuis a bien grandi. A travers des analyses, des retours en arrière… et aussi la thématique très prégnante du road-movie, que Lynch bien évidemment décline de façon inattendue.
Ses références, ses clins d’œil à « La Nuit des morts vivants », « L’Homme à la peau de serpent », « Le Magicien d’Oz » ou bien encore « La Vengeance aux deux visages » situent d’ailleurs bien ses intentions.
L’histoire est adaptée d’un roman de Barry Gifford
« Wild at heart : the story of Sailor and Lula ». Deux jeunes amoureux sont poursuivis par des tueurs au service de la maman ( Diane Ladd ) qui ne peut voir en peinture son possible futur gendre. Loin des courses poursuites et des bagarres échevelées, Lynch opte pour un ton déconcertant sur l’air de ne pas y toucher. Les protagonistes ne se rencontreront jamais, mais les rencontres bizarres dans des scènes tout aussi étranges échafaudent un scénario, a priori d’une limpidité évidente. Sauf aux yeux du cinéaste qui le tord dans tous les sens C’est plus stéréotypé que daté, mais le genre fonctionne admirablement une fois les clés à disposition.
J’aime assez le cinéma de Lynch. Des pièces comme « Twin Peaks » (1992), « Lost Highway» (1997) ou « Mulholland Drive » (2001) ne sont pas forcément abordables au premier coup d’œil. Mais à la deuxième lecture, j’y prends toujours autant de plaisir et logiquement je comprends presque tout. Dans un tout autre genre , et de facture classique cette fois « Elephant Man » est une merveille .
Attention, la veste peau de lézard, très importante ...
J’imagine qu’à la sortie en 1990, « Sailor et Lula » a plutôt intrigué. Le film est avec le recul parfaitement recentré dans le contexte d’un artiste, sinon visionnaire, du moins perspicace quand à l’avenir d’un monde qui n’ira pas en s’arrangeant. Le diable est partout, et il ne cesse de procréer, au milieu de la stupidité générale incarnée par des femmes méchantes et jalouses (la maman) des écervelées gentiment poupées (Laura Dern, dans le rôle-titre) et des garces patentées (Isabella Rossellini ).
Si ce n’est pas satan, là encore ça lui ressemble ; les hommes ne sont pas épargnés par cette descente aux enfers lynchiens. Je ne citerai que le contre-expemple Nicolas Cage
qui lorsqu’il tue est en état de légitime défense. Lorsqu’il braque, ce n’est pas lui qui tue.
Bref Sailor est un gentil garçon qui dans une soirée musicale plutôt hard réclame une mélopée romantique. Et le final sur «Love Me Tender. » c’est bien lui qui le chante. Là encore il serait intéressant d’étudier la BO chez Lynch qui à l’occasion de « Sailor et Lula » commande une chanson à un inconnu .Chris Isaac compose « Wicked Game ». On connaît la suite.