« La zone négative » est une de ces cités qui ont fleuri au courant des années 60-70 en France. Zone négative. Elle n’est pas interdite, mais tout simplement vouée à ne rien produire de positif. Melting-pot de populations venues de par le monde se créer un destin et prêtes à se soumettre à ce cadre urbain, déserté progressivement par les autochtones qui en avaient les moyens, et c’est dans cet espace que s’établit le clan Boboto.
Dès le départ, on est pris par le style de ce griot « made in France » qu’est Joss Doszen. Introduisant dans son prologue le contexte historique de ce quartier « sensible », il nous fait découvrir les éléments de cette famille. Les parents se tuent à la tâche pour assurer des conditions décentes à leur progéniture. Ils sont donc peu présents et le père finit quelques années plus tard par déserter le foyer, saisissant une opportunité au bled...
C’est donc à une exploration des différentes composantes de cette famille que se livre le romancier, je voulais dire le griot. A travers le cousin, Bany, venu du bled, adolescent, pour poursuivre ses études, récupéré par un oncle bienveillant après le décès de sa mère, qui se retrouve en situation irrégulière à sa majorité. Ou Scotie, le dernier garçon, discret, doué, qui prend la main avec autorité sur le « business » de la cité. Sans oublier Andriy, le tombeur de meufs, sombrant dans sa lente addiction aux drogues. Mina le great bro'. Celui qui tente de tenir la baraque après la désertion paternelle...
Chaque personnage a voix au chapitre. Les divers états d’âme, l’intimité, les combats des différents personnages nous sont livrés de manière très brute, voir brutale. Doszen ne fait pas dans la fioriture. Il est dans la tête de ceux-ci et ne cherche pas à nous traduire leur vision du monde, à atténuer le choc des mots, la violence des fantasmes. Et le roman touche là, à ce qui pour moi fait sens, mettre en scène l’univers de l’autre.
Chacun se cherche dans cette famille. La mère dans la spiritualité, le père dans un amour de jeunesse, les enfants en affrontant un quotidien et pour se défaire des tentacules de la cité et du système qui tendent à vous broyer et vous maintenir dans cette zone négative, improductive. Une clé du roman, pour comprendre cette famille où l’amour tient les individus debout, est dans le sens du nom Boboto en lingala : « La bonté ».
Joss Doszen se révèle être un peintre talentueux qui maîtrise son sujet et se joue des mots à bon escient. J’ai du mal à comprendre le pourquoi d’une autoédition pour un texte qui mérite une meilleure diffusion et qui constitue ce qui se fait de mieux dans la littérature « périphérique » française. Affaire à suivre.
Bonne lecture,
Joss Doszen, Le clan Boboto – conte urbain 1ère parution en 2009 , 210 pages