Au jour J heure H, est sortie la nouvelle version LTS d’Ubuntu.
Le problème est que cette sortie majeure s’est faite dans l’indifférence générale des médias, comme si Linux était mort sur nos machines de travail quotidiennes.
J’enlève la condition, Linux en tant que système d’exploitation pour les desktops est bel et bien mort.
- Quels sont les apports de cette nouvelle mouture 10.04 d’Ubuntu ?
- Pourquoi une LTS est elle si importante ?
- Pourquoi cette indifférence confirme la mort de Linux sur les stations de travail de Mr Tout Le Monde ???
- Enfin quelle sont les raisons de cette mort clinique (puisais-je me tromper) ?
Voici en synthèse les points que je me propose de partager avec vous.
Tous les commentaires sont plus que jamais les bienvenus.
Ubuntu 10.04, quels apports ?
Que l’on ne méprenne pas, je l’attendais comme les enfants attendent le 25 Décembre.
J’ai pesté contre mes fournisseurs d’accès, trouvant les temps de téléchargement trop longs, la bande passante insuffisante, je l’attendais avec émotion, LA nouvelle version LTS (Long Term Support) d’Ubuntu.
Nom de code « Lucid Lynx », numéro de version 10.04…et je n’ai pas été déçu. Cette nouvelle version apporte un design plus « racé », plus « sleek » diraient nos amis d’outre atlantique, plus moderne, plus fin.
Oui plus que jamais, cet OS superbe, reste à mes yeux le MAC OS gratuit que l’on peut installer sur tous nos PCs (voir à ce sujet le billet: « Un Mac OS gratuit pour PC existe, c’est Ubuntu« ).
Cette toute dernière version apporte les plus suivants (en comparaison de la version antérieure, la 9.1):
- Un démarrage beaucoup plus rapide, fulgurant même devrais je dire.
- Même si vous êtes adeptes du mode veille ou hibernation, je vous invite à tester par vous même, je suis certain du résultat: Vous changerez vos habitudes…
- Techniquement, pour ceux qui en voudraient aller plus loin, cette prouesse est réalisée par la suppression de la couche HAL (la couche d’abstraction matérielle).
- La mise à disposition de la toute dernière version stable du bureau Gnome
- Idem pour KDE, qui viendra ici sous sa version SC 4.4
- Mozilla Firefox, avec la personnalisation du moteur de recherche par défaut (on est passé de Google à Yahoo! mais un retour à Google est aisé)
- Le noyau Linux 2.6.32
- La toute dernière version du sous système likewise open permettant une authentification à Active Directory,
- le support de forêts multiples,
- le SSO pour SSH et Putty,
- le support de Kerberos, NTLM, et SPNEGO
- Le support par défaut de nouveaux drivers tant Open Source que propriétaires pour les cartes NVidia
- Intégration complète du bureau (et apparition d’un nouveau menu) avec Twitter, Identi.ca, Facebook et j’en passe…
- Mise à disposition de nouveaux thèmes
- Apparition de nouveaux indicateurs visuels
- Intégration avec Ubuntu One File Syncing (l’offre de synchronisation en ligne poussée par Ubuntu, payante au delà d’un certain quota de données)
- Intégration avec One Music Store (la boutique de musique en ligne maison)
- …/… voila pour les très grandes lignes, je ne rentre pas dans tous les détails, comme d’habitude le site d’Ubuntu et Google sont vos meilleurs amis pour aller dans le tréfond du bit and byte (vous poussez aussi me contacter)
Le tout poussé par une version LTS…
De l’importance de la LTS Ubuntu
Seules trois versions Long Time Support ont vu le jour depuis la création de la distribution Ubuntu, c’est dire l’importance de cette dernière:
- DrapperDrake
- HardyHeron
- et maintenant LucidLynx
Si nous devions comparer avec un autre éditeur, ce serait similaire à XP, Vista et Seven !
La notion de LTS est un engagement de support, de 3 ans pour les distributions desktops, et de 5 ans pour les versions serveurs, et ce sans frais supplémentaire, à partir du moment ou vous souscrivez au support chez Canonical, qui rappellons le, est une entreprise commerciale, un véritable éditeur de logiciels, tout comme Microsoft. Rappelons aussi que la distribution Linux Ubuntu est LA distribution la plus utilisée de par le monde à ce jour.
La notion de LTS est aussi un engagement de transition aisé de LTS à LTS, plus aisée en tout cas que de passer de XP à Seven, et je suis tout à fait impartial.
Enfin et pour finir, la notion de LTS implique la notion d’une fin de cycle de tests grandeurs natures, des divers composants inclus dans les versions intermédiaires qui sortent tous les 6 mois (Canonical est un éditeur très actif, et ne vous y trompez pas en comparant ces sorties avec leurs équivalents en terme de Service Pack… Ce sont réellement de nouvelles distributions, et non des correctifs).
Ainsi tous les deux ans, soit toutes les 4 distributions intermédiaires, on se rassemble, on réfléchit, on recense les bonnes idées, on les package ensemble, on re-teste la distribution et son déploiement, son support des tous nouveaus périphériques, et on publie une LTS.
C’est vraiment une distribution majeure à tous les sens du terme.
Oui mais voila, soyons directs, tout le monde s’en fiche (hélas, trois fois hélas).
Pourquoi une telle indifférence ?
Non pas chez les développeurs, non pas chez les passionnés, les geeks, les linuxiens, les afficionados du logiciel libre et de l’Open Source (deux notions disctinctes)…
Mais chez la grande majorité des utilisateurs de PC, ainsi que pour les médias grands publics.
J’en veux pour preuve ces copies d’écran des sites ZDnet et PC World versions françaises au 2 Mai.
Cliquez sur les miniatures afin de pouvoir lire les copies d’écran,
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Pour le premier, LucidLynx est encore en phase bêta, pour l’autre… il est surement quelque part mais pas en première page.
Comment expliquer que deux des plus grands magazines en ligne – portails d’informations consultés des millions de fois par jour – passent outre la sortie d’une version majeure de la distribution Linux phare ?
Si ce n’est que par le peu, l’infime part de marché tenu aujourd’hui dans le monde des machines de bureau (desktop) par Linux ?
Impossible… le constat est là…
Quoi que l’on puisse penser de cet excellent système d’exploitation, ce dernier ne décolle pas, il reste moribond, dix ans après son apparition pour le grand public.
Aussi ne nous voilons pas la face, Linux en tant qu’OS de prédilection des desktops est mort, jamais il ne sera significatif sur la machine de Mr Tout Le Monde, pour être utilisé massivement par Mr Tout Le Monde.
Linux, cliniquement mort, pourquoi ?
Mais pourquoi ? pourquoi ?
La réponse tient dans cette image simpliste: Ce n’est pas parce que vous aurez une très jolie voiture que vous pourrez l’utiliser…si vous ne pouvez faire monter presque personne dedans.
Et là je vais m’attirer les foudres de tous les passionnés de ce système, mais j’ose le dire, et je vous demande pardon de le faire, mais les applications, les applications grand public, les applications de production dont tout cadre a besoin aujourd’hui, ne suivent pas sous Linux.
Non pas en termes de fonctionnalités, mais dans la façon dont cette fonctionnalité est disponible, en terme d’interfaces, et la rentabilité de production s’en fait sentir, c’est même elle qui (me) pousse à revenir vers des applications payantes, ou du moins pas Open Source du tout…
Clairement sur mon laptop, je lance bien plus souvent Word 2007 depuis un Wine, ou une machine virtuelle que le Writter d’Open Office.
Pourquoi ? parce qu’en général je suis obligé d’écrire des documents assez longs, de plus de trois pages, et que manipuler le mode plan sous Word est trivial, avec Writer le Navigateur c’est bien… 5 minutes.
Hors pour moi comme pour tant d’autres, le temps c’est de l’argent, et ce n’est pas parce que je suis sous Linux que je dois être moins productif que les autres.
Oui bien évidemment sur cet exemple, certains me diront pourquoi ne pas utiliser un autre Outliner, puis exporter et importer… Stop!
J’ai donné en la matière, j’ai vraiment essayé, mais non. Je suis revenue à Word parce que même dans sa version 95 il m’offre ce qui est toujours impossible sous Writter.
D’autres exemples ?
Voyons… la gestion de la mollette des souris (le truc de base) en mode vignette sous Impress, fait avancer le contenu du slide sélectionné, et ne me permet pas de balayer mes slides…du coup je fais des gestes inutiles, je déplace la souris pour sélectionner les ascenseurs, puis je reviens sur le slide qui m’intéresse… et je ne parle pas des effets d’animations ou des galeries d’images.
Un dernier exemple avec l’un des équivalents de MindJet MindMap sous Linux, l’interface est elle aussi plus… contraignante, en comparaison de l’offre Windows…
En terme de production c’est de cette comparaison que l’utilisateur Linux et ses applications moins « performantes en terme d’interfaces », non pas de fonctions (ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit), va souffrir en face des utilisateur Windows…ou Mac.
Remarquez que je ne parle pas de compatibilité de formats de fichiers, non, j’ai vraiment fait l’effort d’utiliser les plus petits dénominateurs communs multi-plateformes, le rtf, le xml…
J’ai factorisé au mieux de mes besoins les services SaaS (voir le billet « Comment vivre et travailler sans Outlook« ), et je fais tout pour que mes données soient le moins dépendantes possible, voir pas dépendante du tout, d’une plateforme donnée… je passe des heures devant mon butineur de web comme source principale de production.
Mais quoi que je fasse, à un moment donné, je me retrouve coincé…et je lance une application propriétaire, au format de données propriétaires (par défaut).
Cette indifférence face à Ubuntu LTS, ainsi que l’analyse froide des chiffres des parts de marché de Linux sur la station de travail, valident aujourd’hui que je ne suis clairement pas le seul.
Source
Date
Microsoft Windows
Apple
Linux
Symbian
RIM
Black-
Berry
Other
7
Vista
XP
2000
All
versions
Mac
iPhone
main-
stream
Android
AT Internet Institute [1] Jan. 2010 8.05% 27.65% 53.15% 91.33% 6.15% 0.89% 1.02% 0.61%
Net Applications [2] [3] Apr. 2010 11.68% 15.60% 63.41% 0.50% 91.46% 5.32% 0.53% 1.05% 0.09% 0.23% 0.05% 1.27%
StatCounter [4] [5] [6] Apr. 2010 13.18% 19.73% 57.28% 0.33% 90.95% 5.79% 0.64% 0.77% 0.12% 0.73% 0.31% 0.69%
StatOwl [7] Apr. 2010 12.91% 22.68% 51.56% 0.54% 88.73% 10.60% 0.53% 0.14%
W3 Counter [8] Mar. 2010 11.90% 18.86% 52.78% 0.41% 84.95% 7.95% 0.76% 2.34% 0.11% 3.89%
Webmasterpro [9] May 1, 2010 16.1% 22.6% 51.7% 1.2% 92.6% 4.7% 0.8% 1.3% 0.07% 0.1% 0.01% 0.42%
Wikimedia [10] Feb. 2010 9.46% 23.46% 52.94% 0.72% 86.95% 7.08% 1.37% 1.54% 0.11% 0.16% 0.32% 2.47%
Median Apr. 2010 11.90% 22.60% 52.94% 0.52% 90.95% 6.15% 0.78% 1.05% 0.11% 0.20% 0.18% 0.69%
Pour ceux qui pensent que je dramatise, voici les derniers chiffres recupérés sur base des systèmes d’exploitation des browsers de Web (machines de bureaux donc ou netbook) non pas par Microsoft, mais Wikipédia ! (URL de la source: http://en.wikipedia.org/wiki/Usage_share_of_operating_systems).
Résultat sans appel: 1% toutes distributions confondues !
Alors est-ce la victoire des gros sous, des grandes entreprises, capables de s’offrir des désigners hors pairs, des campagnes de tests impliquant des centaines de quidams, avant de valider l’interface définitive ?
OUI, du moins pour le moment…
Pour mémoire, la géniale entreprise poussant le non moins génial lecteur multimédia Song Bird, a abandonné Linux, faute de moyens.
En conclusion, un peu d’espoir et quelques bonnes nouvelles
Oui, les chiffres sont tout autres sur le segment des serveurs, de la téléphonie, voire des systèmes embarqués.
Le segment des tablettes va aussi pousser du Linux ou de l’Unix (lire le billet « Quelles différence entre les linux ? » pour comprendre rapidement les différences).
Mais à moins d’un renouveau, qui pourrait venir de Google, d’Oracle maintenant propriétaire des développements de Sun – ce qui inclus Open Office, Open Solaris, ou encore Java , ainsi que je vous en parlais dans le billet « Oracle tue OpenSolaris » – ou d’une prise de conscience des communautés poussant le libre, je ne crois plus au changement Linux sur les machines de bureau…Non.
J’espère que l’avenir me donnera tort.
Voila vous savez tout ou presque.
Vous passez trop de temps devant votre écran
Au plaisir de vous lire.
Christophe Carvounas