Le règne des corbeaux ?

Publié le 03 mai 2010 par Véronique Anger-De Friberg @angerdefriberg

(Véronique Anger. Billet d'humeur 03/08)
Lorsque le ton devient haineux sur les blogs, les commentaires ressemblent de plus en plus à ces lettres anonymes envoyées au notable du village par un vilain "corbeau". Et oui, on l'a presque oublié, mais dans la vie réelle, quelqu'un qui ne signe pas ou se cache derrière un faux nom pour dénoncer ou insulter quelqu'un d'autre s'appelle un "corbeau"...
Dans le virtuel, nous acceptons de manière tout à fait étrange (du moins, moi je trouve cela étrange) de vivre sous le règne des "corbeaux"... En effet, quiconque le souhaite peut recourir à ces fameux pseudos parfaitement autorisés dans le virtuel, mais totalement prohibés dans le réel. En effet, dans la vie réelle, utiliser un faux nom pour agresser un individu reste associé à "corbeau", "délateur", "un ami qui vous veut du bien"... bref, une lâcheté.
Et bien, la même loi ne s'applique pas dans le virtuel. On peut écrire n'importe quelle méchanceté sous un faux nom sans crainte d'être traité de corbeau par le reste de la communauté. Pourquoi donc cacher sa vraie identité sous un pseudo ? L'excuse la plus répandue, notamment chez ceux qui jettent le plus de fiel, consiste à prétendre que leur employeur risque de les virer s'ils s'expriment à visage découvert. Sans blague ? J'ignorais que nous vivions dans une dictature... Cet argument pourrait éventuellement convenir pour les "hauts fonctionnaires", mais je doute que ce soit une catégorie surreprésentée sur les blogs où pourtant les pseudos abondent.
Dans les blogs, on peut se permettre de dire tout et n'importe quoi sans risque, sans responsabilité aucune (il faut vraiment mettre le paquet pour se faire censurer). Pour certains utilisateurs de pseudo, il s'agit d'une arme qui signifie : " Je vous insulte en toute impunité, je décrète, je critique, bref je vous crache à la figure d'autant plus volontiers que je n'ai pas à assumer mes opinions au grand jour. Personne ne connaîtra mon vrai visage, alors pourquoi me priver ? " Et les plus jeunes qui arrivent sur le net (c'est ainsi, je suis soucieuse des valeurs que nous transmettons aux jeunes générations...) ne connaissent pour la plupart que cette manière d'exprimer leurs opinions ou de commenter celle de quelqu'un d'autre, en particulier si ce quelqu'un d'autre est en total désaccord. Une solution courageuse : rester caché derrière son masque…
Jouer au corbeau... un sport national -international en fait- qui devrait nous inciter à nous poser des questions et attirer le regard des spécialistes sur un phénomène interprété inversement selon qu'on évolue dans le réel ou le virtuel. Il est étonnant qu'aucun sociologue ou anthropologue ne se soit encore penché sérieusement (du moins à ma connaissance) sur ce phénomène.