Emilie Frèche est née en 1976. Auteur de 7 livres (”Chouquette” est le dernier en date), elle a fondé début 2010 les Editions du Moteur, qui propose des histoires courtes ayant pour objectif d’être portées à l’écran.
1. VOUS ET la lecture ?
Je lis énormément, avec une moyenne de 3 romans par semaine. Je lis comme je marche, sans réfléchir, parce que j’aime ça et parce que c’est mon métier. Si j’ai toujours un livre en cours, je n’en lis jamais deux à la fois ; et quand j’en commence un, il faut que j’aille jusqu’au bout, c’est une nécessité.
Je lis aussi des livres d’occasion, des livres qui ont vécu, j’achète beaucoup de classiques chez les bouquinistes. Pour moi, maltraiter un livre, c’est bien le traiter, faire honneur à son contenu. Je n’ai pas de rapport sacré à l’objet livre. En fait, je peux acheter un livre parce que je le trouve beau, parce que j’aime sa facture, ou parce que les mots me parlent. Finalement, la littérature est la seule forme d’art qui soit de l’ordre de l’intime : on vit avec les livres, les miens sont colorés de tâches, de traits de feutres de mes enfants…
J’ai toujours un souvenir précis de l’endroit où je lis un texte ; par exemple, j’aime laisser dans ma maison du Sud de la France les livres que j’ai lus là-bas.
Si on me prête un livre, je ne le rends pas ! Je le garde et j’en achète un exemplaire neuf pour m’acquitter de ma dette…
Je me considère comme un dinosaure d’être liée comme je le suis au livre papier. Le livre électronique est l’avenir, c’est évident, on va vers une révolution comparable à celle qu’a connu le disque. On trouvera toujours des passionnés et des nostalgiques, mais le livre électronique est une formidable réponse aux problèmes écologiques et économiques. La prochaine génération sera éduquée avec des ouvrages dématérialisés.
2. VOUS ET les livres ?
En ce moment, je lis « Le bicentenaire » de l’Haïtien Lyonel Trouillot, dont j’ai adoré « Yanvalou pour Charlie » sorti l’an dernier chez Actes Sud. Juste avant, j’ai lu « L’événement » d’Annie Ernaux ; elle y raconte un avortement avant 68, et cette lecture a résonné étrangement en moi, car je venais d’apprendre que j’étais enceinte…
Les prochains sur ma liste : « L’ardoise magique » de Valérie Tong Cuong, et « Les terres saintes », d’Amanda Sthers, des amies…
Que les livres aient un prix, ou simplement qu’on en parle, qu’ils soient médiatisés – cela ne change rien pour moi. Mais lorsque j’entends plusieurs personne me dire du bien d’un texte, cela me donne envie d’aller voir. C’est ainsi le cas de « La centrale » d’Élisabeth Filhol, publié chez P.O.L., par exemple.
Je lis beaucoup d’auteurs étrangers, je suis bluffée par la puissance romanesque qui émane de leurs textes – je pense à Zadie Smith, Jeffrey Eugenides, Nicole Krauss, Safran Foer, Will Self…
Côté français, j’aime Djian, Houellebecq, Dubois ; j’ai été déçue, en revanche, par le dernier Modiano, « L’horizon ».
3. VOUS ET l’écriture ?
J’écris quotidiennement, et toute la journée. Je n’aime pas être coupée dans mon élan. Je donne rarement de rendez-vous avant 17h, afin de me préserver de longues plages d’écriture.J’écris à l’ordinateur et dans mon bureau, au calme ; je veille à ce qu’il y ait toujours à côté de moi une feuille et des crayons pour que je puisse gribouiller.
Je me documente en amont ; mes romans antérieurs à « Chouquette » étaient chaque fois très ancrés dans un contexte politique et social, qui rendaient cette phase de documentation nécessaire. Lorsque je rédige le premier jet d’un texte, il m’est très difficile de lire autre chose en même temps. La littérature est une musique, et quand j’ai la musique de quelqu’un d’autre en tête, il m’est plus compliqué de trouver la mienne…
4. VOUS ET Internet ?
Je n’ai pas l’assiduité qu’impose un blog.
En revanche, je trouve l’existence des blogs formidable. Ils permettent un rapport direct, une exposition franche du ressenti de ceux qui les tiennent. Cela peut être très dur, violent pour un auteur ; par exemple, quand vous lisez « Je passe mon tour, je n’ai pas envie de lire ce roman » et que c’est le vôtre, c’est douloureux…
Mais dans l’ensemble, cela apporte plus de positif que de négatif.
C’est comme le miroir sans tain, c’est très excitant de voir son roman figurer sur les sites des bibliothèques, de lire les comptes-rendus de gens qui ont aimé. Je trouve cette spontanéité magique.
En tant qu’auteur, je n’ai pour ma part pas perdu cet émerveillement que j’ai découvert à la parution de mon premier roman, « Les vies denses ». Je suis toujours touchée de savoir que ce que j’écris, à un moment donné, va exister pour quelqu’un qui m’est totalement étranger.
5. VOUS ET vos projets ?
J’ai un projet de roman, mais je ne m’y mettrai pas avant septembre. Je suis en ce moment très occupée, entre la promotion de « Chouquette », les Éditions du Moteur, la maison que j’ai créée en début d’année, et ma grossesse !
Je suis d’ailleurs en train de terminer une histoire courte, intitulée « Les collectionneurs », qui paraîtra fin octobre aux Éditions du Moteur.
Je travaille également à un projet de pièce de théâtre ; elle s’appelle « Pierre, Paul ou Jacques ». J’en suis seulement au début du projet, et je découvre ce milieu, le théâtre, où tout est très long, encore plus long que dans l’édition.
Côté salons, je me rendrai à celui de Saint-Louis, près de Mulhouse, du 7 au 9 mai prochain, et peut-être ensuite à Toulouse les 3 et 4 juin.
J’ai la chance d’écrire à temps plein, et j’en profite…