Tout le monde en parle, mais ce n’est pas une raison pour que je ne mentionne pas à mon tour cette magnifique exposition du musée Maillol, dont vous pouvez encore profiter jusqu’au 28 juin.
Autour du thème de la vanité est réunie une incroyable quantité d’œuvres, aussi remarquables par leur qualité que par leur diversité.
Anonyme - Memento Mori - Italie XVIIe siècle
Le terme « Vanité » fait référence à un texte de l’Ancien Testament, l’Ecclésiaste : «vanitas vanitatum, omnia vanitas» (vanité des vanités, tout est vanité). Invitant à la méditation sur la nature éphémère et vaine de l’existence humaine, cette sentence sera reprise par l’art à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle, dans une catégories de natures mortes instaurant un code allégorique plus ou moins aisé à déchiffrer.
Simon Renard de Saint-André - Vanitas - vers 1650
Les vanités font entrer dans leur composition des éléments iconographiques suggérant non seulement la précarité de la vie, mais aussi la futilité des plaisirs terrestres et de la richesse face à la mort inéluctable. Parmi ces « memento mori » (souviens-toi que tu mourras), le plus fréquent reste bien entendu le crâne, symbole évident largement repris par l’art contemporain. Cependant dans les peintures du XVIIe siècle, d’autres éléments parfaitement lisibles pour leur contemporains nous semblent aujourd’hui plus obscurs.
Le caractère éphémère et transitoire de la vie peut ainsi être exprimé par des papillons, des fleurs qui commencent parfois à se faner, un fruit gâté ou orné d’une mouche, des bulles de savon, des bougies plus ou moins consumées, des lampes à huile, ou des objets exprimant le temps comme un sablier ou un clepsydre. En Hollande calviniste, où le genre connut son plus grand succès, la tulipe représente la spéculation financière et sa fragilité.
Philippe de Champaigne (1602-1674) - Vanité
La vanité des biens terrestres se traduit par des bijoux, des pièces d’orfèvreries, des pièces d’or, auxquels ont peut ajouter une couronne ou un sceptre pour la vanité du pouvoir. Des livres, des instruments scientifiques ou des objets d’art expriment la vanité du savoir, alors que les plaisirs sont évoqués par des instruments de musique, le vin, une pipe, des cartes à jouer…
La peinture religieuse ajoutera à cette iconographie des symboles de la résurrection et de la vie éternelle, insistant sur le message de la foi qui seule peut racheter l’homme de ses péchés : épis de blé, feuilles de laurier, ou encore un rayon de lumière traversant un verre et suggérant l’esprit de Dieu.
Cindy Sherman - Sans titre - photographie 1992
Au XVIIIe siècle le thème de la vanité passe de mode et laisse peu à peu place à une vision désacralisée de la mort. Représentations de squelettes et de danses macabres, anamorphoses, les symboles les moins évidents disparaissent pour une imagerie plus immédiate et sensationnelle.
Les romantiques réveillent au XIXe le sentiment du mystère de la mort, enfumée d’occultisme et de métaphysique. Mais, comme le souligne Loïc Malle dans le catalogue de l’exposition, « le crâne a perdu sa fonction théologique pour rejoindre le magasin des accessoires ».
Andy Warhol - Skull - Sérigraphie 1976
Si elle évoque bien heureusement l’origine des vanités, l’exposition du musée Maillol rassemble plutôt des images de la mort et de notre pourrissant avenir qu’une sélection de vanités stricto sensu.
Jake and Dinos Chapman - Migraine - bronze peint et plastique - 2004
Sans glisser dans la facilité qui collerait l’étiquette de vanité à toute représentation macabre, elle démontre que si les symboles ont perdu de leur sens et de leur richesse, les artistes modernes et contemporains n’ont de cesse d’explorer le thème. Pour preuve l’incroyable quantité de crânes de toutes tailles et matières, d’artistes illustres ou plus confidentiels.
Serena Carone - Crâne Gauloise - 1991
Certains artistes reprennent plus intimement les codes anciens de la vanité, comme par exemple Cindy Sherman, McDermott and McGough, Gerhard Richter ou Koen Theys.
McDermott and McGough - You seize the flower, it bloom is schul III - Impression sur aluminium - 1994
Koen Theys - The Vanitas Record - vidéo - 2005
La dynastie des Codognato, orfèvres établis à Venise en 1866 et dont les créations font toujours le bonheur des V.I.P., est ici représentée par une collection dont la richesse mériterait à elle seule une exposition. Ces bijoux somptueux et dérangeants, véritables œuvres d’art, reprennent tous la figuration de la tête de mort ou du squelette. Ce sont eux, finalement, qui forment la plus éclatante des vanités contemporaines, en mêlant le « memento mori » à la préciosité de l’orfèvrerie.
C’est la vie ! Vanités de Pompéï à Damien Hirst.
Du 3 février au 28 juin.
Musée Maillol, 59-61 rue de Grenelle, 75007 Paris.
Tous les jours sauf le mardi de 10h30 à 19h, le vendredi jusqu’à 21h30.
Note liée : Eros et Thanatos, la jeune fille et la mort