Chipie Pop. Défroquée du folk, l’Anglaise Ellie Goulding s’est reconvertie en affoleuse du dancefloor.
« A ses débuts, Ellie Goulding, chanteuse folk espiègle reprenait en beauté l’Américain Bon Iver. Une carrière acoustique, voire bucolique, semblait tracée pour cette chipie, mais un accident grave allait tout changer : la découverte de la musique électronique.Après des rencontres déterminantes avec les producteurs Frankmusic et Starsmith, Ellie décide de remiser sa guitare en bois et ses dentelles pour le glamour et les dynamiques d’une electro-pop joufflue et florissante.Pas étonnant que la jeune femme ait si souvent joué avec Little Boots ou été comparée à Florence & the Machine : toutes incarnent une Angleterre délurée, où les filles en talons aiguilles titubent autour de leur sac à main sur un dancefloor imbibé de bière, où le juke-box beugle aussi bien Abba que Lily Allen, Madonna que Hot Chip : ça s’appelle la pop musique et Ellie l’incarne jusqu’au bout des ongles.Sur scène ou sur son album Lights, ce n’est pas elle qui joue, c’est l’Angleterre de 2010 ».
JDB Les Inrockuptibles
Un peu plus encore :
L’emballage est simple, mais le contenu pas évident à décrire.
Au premier abord, Ellie Goulding a l’air d’une jeune et brillante chanteuse-auteur-compositrice de 22 ans, les doigts sur la guitare, les pieds dans un night-club et la tête dans les étoiles. Mais peu d’auteurs-compositeurs-interprètes, jeunes ou vieux, peuvent faire le grand écart entre des titres extatiques à danser jusqu’au bout de la nuit (“Starry Eyed”) et des ballades folk aériennes mélancoliques (“Guns and Horses”), entre des textes qui parlent indirectement de coucher à droite et à gauche (“Under The Sheets”) et d’autres qui mettent le doigt sur la relation amour-haine que toute personne qui la quitte vit avec sa ville d’origine (“Wish I Stayed”).
Bien peu d’artistes peuvent se permettre tout cela et nous laisser dans la bouche, à nous les auditeurs, comme un goût d’enchantement, d’intrigue et de romance, une impression d’immensité, de voyage dans l’espace et le temps. C’est de la pop, mais pas de la pop ordinaire.
Les chansons d’Ellie sont construites autour de bons gros airs entraînants qui mettent de bonne humeur, mais elles ont pourtant quelquechose d’hors-norme, un penchant obsédant pour le bizarre et les paillettes, un rendu très cinématographique. Elle mêle les émotions sincères à des ambiances très détachées, fait de sons électroniques une mélodie rêveuse et chaleureuse. Son insistance à mettre de la guitare sur toutes ses chansons, qu’il s’agisse d’une reprise acoustique (elle a joué quelques versions incroyables de “Sleepyhead” de Passion Pit, de “Wolves” de Bon Iver et de “Roscoe” de Midlake) ou d’une jolie chanson sur un amour naissant (“j’esquisse un sourire et te l’envoie/Tu as dû le rater, comme toujours”) donne à son electro-folk puissant un côté très terrien, très roots. Notons qu’elle n’a pas changé de nom, et qu’elle ne se cache pas derrière un personnage de scène. Elle est elle-même, simplement. Et en personne, Ellie est du genre direct. Un peu trop, même !“J’aime la simplicité, dit-elle. C’est pour ça que la pop et la dance music ne me font pas peur. Je me contente de chercher l’accroche, le truc qui fait que ça marche. Ca peut être les paroles ou la mélodie, simplement le truc qui fait qu’une chanson parle à tout le monde. En musique alternative ou en classique, c’est pareil : si c’est bon, c’est que ça va droit au but. Mais j’aime aussi approfondir un peu les choses dans mes textes. Je suis toujours très à l’écoute de mes émotions, il m’est donc impossible d’écrire des paroles qui manquent de naturel ou qui ne veulent rien dire.”
Le son d’Ellie tire aussi sa spécificité de sa voix, un instrument à la mélodie rare qui rappelle l’organe d’Elizabeth Frazer des Cocteau Twins : “mais malgré tout, on me compare surtout à Kate Bush ou à Björk, dit-elle, juste parce que les gens se disent ‘oh c’est de la pop, mais c’est un peu bizarre !’ Je ne sais pas à qui je ressemble, parce que j’ai tenté de ressembler à des tas d’artistes différents à mes débuts. Je suis autodidacte. J’ai appris à chanter et à jouer de la guitare toute seule. Tout comme je me suis enseignée à parler !”
Ah oui, la voix parlée d’Ellie… Celle qui est née sous le nom d’Elena Jane Goulding à Hereford le 30 décembre 1986, et a grandi à Kington, un petit village à la frontière anglo-galloise, a décidé de modifier sa manière de s’exprimer “ parce que je me sentais différente” : aujourd’hui, son absence d’accent la fait passer pour une fille de la haute. En réalité, elle vient d’un milieu bien moins glamour : élevée par sa mère et son beau-père dans divers logements sociaux, elle partageait sa petite chambre avec ses deux soeurs et a passé la majorité de son enfance et de son adolescence dehors. “C’était une enfance typique comme on en vit à la campagne. Il n’y avait rien à faire, alors on traînait tout le temps dehors. Quand j’avais douze ou treize ans, on partait se balader avec une copine, et on voyait où ça nous menait. Je voulais partir, quitter tout ça, mais tous les chemins me ramenaient toujours à la maison.”Loin d’avoir été préparée à la célébrité dès son plus jeune âge, Ellie n’a reçu que peu d’encouragements de la part de ses parents. “Ma mère déteste que je dise ça, rit-elle, mais elle me disait tout le temps de me taire quand je chantais. Elle disait : ‘oh Ellie ne fais pas ça, c’est nul’. Ceci dit, c’était peut-être mérité : je n’avais pas de don inné pour la musique, j’ai appris petit à petit. Je ne voulais même pas trop que les gens soient au courant.”
A défaut de formation classique, la première inspiration musicale d’Ellie a été la rave music que sa mère et son oncle écoutaient. Ca, et puis aussi les airs classiques qu’elle entendait sur les bandes originales des films Disney. A l’adolescence, Ellie a interprété une de ses compositions à un ami de la famille, qui lui a ensuite fait découvrir la musique folk : Alison Krauss, Jim Moray, Seth Lakeman, même Fleetwood Mac. Mais l’idée de devenir une artiste de scène était encore bien loin de l’esprit d’Ellie. Bien qu’elle ait intégré un groupe à 16 ans, elle était trop timide pour s’imposer comme chanteuse leader. “Encore aujourd’hui, il y a des moments où je suis à fond, et d’autres où je suis trop timide pour parler.”
C’est à l’université de Canterbury, où elle a étudié les arts du spectacle, qu’Ellie a acquis la confiance nécessaire à chanter sur scène. Sur un coup de tête, elle s’est inscrite au concours de jeunes talents organisé par l’université et en a gagné le premier prix. Mais avec des reprises. Réalisant qu’elle devait écrire ses propres morceaux, elle s’est assise avec sa guitare et a essayé. Les chansons se sont mises à sortir non-stop.
Dans la chambre d’un ami, elle a entendu Frankmusik (Vincent Frank) et l’a contacté sur sa page MySpace. Elle lui a envoyé la version acoustique de “Wish I Stayed”, qu’il a transformée en un titre à la beauté froide et élégante. Peu après, encore grâce à MySpace, Ellie a rencontré Fin Dow-Smith, alias le maître de l’électro Starsmith, et là, ce fut le déclic. “Même si j’écris à la guitare, j’entend la totalité de la chanson dans ma tête, explique-t-elle. Et Fin est quelqu’un qui comprend, qui peut vraiment m’aider à reproduire ce son.” Musicien de talent (il va bientôt sortir son propre album), Fin jouit d’un rapport privilégié avec Ellie : il lui a suffi de lui envoyer quelques bribes de mélodie, et cela a immédiatement inspiré “Starry Eyed” à la jeune femme.
Sur scène, Ellie a pas mal évolué depuis ce fameux concours de jeunes talents : elle se donne à fond, comme pourront en témoigner ceux qui ont vu son incroyable prestation à l’émission télévisée Later With Jools Holland. Mais elle n’aime pas parler entre les morceaux.
“Je devrais peut-être lire des fiches avec des trucs écrits dessus, comme ‘merci beaucoup d’être venus’, parce que je suis reconnaissante, plaisante-t-elle. C’est juste que je veux que ça soit la musique qui exprime ce que je ressens. Je ne veux pas porter atteinte à l’intégrité de mes chansons. Je ne veux pas briser le charme.”
Nous non plus, nous ne le souhaitons pas. C’est très agréable de sentir la magie d’Ellie souffler sur vous, c’est merveilleux de se laisser ensorceler par son charme. Vraiment envoûtant !
En concert le 18 mai à l’Olympia (en première partie de Sia)