Max | Journée ordinaire des droits de la presse dans le monde

Publié le 03 mai 2010 par Aragon

Tu es sorti du métro. Selon ton habitude bien réglée tu marches, il faut marcher dans la foule pas trop nombreuse en ce début d'après-midi. Tu aimes flairer la foule. Elle t'apporte des éléments indicateurs. Instinct, bas instinct, haut instinct ? Tu ne sais pas. Tu souris intérieurement, tu t'en fous...

Tu as froid, tu savais que ces chaussettes n'étaient pas de saison. Pas de bottes. "Demain je ne m'habillerai pas comme ça" dis-tu. La neige est là, dans l'air, tu la sens arriver. Le froid n'est rien. Tu baisses la tête, tu avances, tu y es presque. Rue Lesnaïa, destination. Elle n'en finit plus cette putain de rue Nikol'skaya. Tu n'aimes pas ce quartier. Personne devant l'immeuble, c'est bon, on t'avait bien dit qu'il n'y aurait personne. Elle habite au quatrième. Ne pas penser à elle. Aucune importance. "Je fais ça, presque par plaisir" as-tu dit un soir à un autre nettoyeur. Ses enfants ne sont pas là...

Tu rentres, c'est propre, nickel, cette entrée. Quinze heures, c'est bon. Ni trop tôt, ni trop tard. La concierge a été envoyée au dispensaire, visiter un parent accidenté. Première chose, faire ton lacet comme si c'était enquiquinant ce lacet qui vient de se défaire. C'est fait. Tu as mis le temps. Le juste temps exact pour le faire dans la règle de l'art. Tu te redresses, éteindre à présent, éteindre tout. Tu sais où est le boîtier. Facile,  voilà, c'est fait. Pas un chat dans cette résidence. Elle doit être là à seize heures...

Une demi-heure. Il est temps de le brancher. Tu te marres car c'est l'expression que tu emploies pour visser l'embout. C'est fait. Uniquement quatre cartouches dans le corps froid du Makarov-Baïkal IJ-70 neuf millimètres parabellum. C'est la consigne. Les consignes tu aimes ça. Maintenant, appeler l'ascenseur, mettre l'affichette "Maintenance". Ok, c'est bon. Attendre. Ouais, un bruit de portière, c'est elle...

Elle est entrée dans le hall de sa résidence. Trouvé bizarre qu'il soit éteint. Seize heures, faisait encore jour quoiqu'en cette après-midi d'octobre le ciel était gris et bas, comme souvent, en cette saison à Moscou. Elle n'a pas vu l'homme qui était tapi dans l'encoignure. Une fraction de seconde, deux pas rapides, silencieux comme un chat. Il tend à bout de bras le Makarov. La tête d'Anna est à moins d'un mètre. Quatre coups en moins de quatre secondes. La tête d'Anna explose. Elle s'effondre sans savoir.

La tirer jusque dans l'ascenseur à présent. Mettre les douilles à côté d'elle, le Maka. Partir. Penser que demain, il faut sortir les chaussettes d'hiver...