Tellement dissemblables de leurs aînés, ils sont proprement incapables de se couler dans le moule du management traditionnel. Tout chez eux est différent : leur rapport au temps, leur exigence d’individualisation, leur virtuosité avec l’outil Internet, leur nomadisme qui en fait des enfants de la mondialisation, riches de leurs réseaux d’amitiés planétaires. Bref, une vision du monde à mille lieues de celle de leur aînés. Plus grave, ce n’est pas tant l’agilité dans la maîtrise des outils numériques qui les en distingue que le système de valeurs largement contrasté avec celui des anciens. Ce qui pose parfois des problèmes à l’entreprise qui ne voit pas d’un bon oeil ses données les plus confidentielles musarder sur le réseau. Si cette quasi-fracture induit des transformations radicales à venir dans l’organisation et la management des entreprises, elle risque au passage de provoquer quelques sérieux conflits de générations, tant les sensibilités sont contrastées.
La DRH de cette très importante société de conseil reçoit un trenta pour un recrutement. Après un court instant, ce dernier glisse un regard vers la corbeille à papier puis lâche cette interrogation déconcertante : “Et sur le plan du développement durable, que faites-vous ?” “Leurs exigences éthiques sont fortes mais leurs questions souvent déstabilisantes et parfois mystérieuses. Ils ont un rapport à la connaissance désarmant et n’ont pas besoin de savoir, ils trouvent et montrent un sérieux intérêt pour la compétence dans l’entreprise. Ils sont vraiment très différents. Rarement on a connu un tel changement dans l’histoire humaine”, constate Armelle Carminati, DRH d’Accenture déconcertée par ces 18/30 ans qui commencent à investir l’entreprise. Avec leur virtuosité digitale, un rapport autant boosté, des modes de fonctionnement affinitaires par tribu qui défient les codes traditionnels. Bref, plus d’un DRH panique devant ce “péril jeune”. Ils ont 25 ans de moyenne d’âge et représentent 25 % de la population active… Même si certains ne sont pas aussi actifs qu’ils le souhaiteraient.
Et pourtant, ils semblent bardés d’atouts avec leur familiarité du monde – ils vont à Barcelone, Munich ou Milan comme on allait hier à Chartres, Orléans ou Vesoul. Les mails sont déjà de vieux machins trop lents, incapables de satisfaire leur frénésie d’instantanéité. Ils tutoient la planète digitale, affichent des ambitions de nomadisme laissant penser qu’ils sont les meilleurs alliés de la flexibilité, sans compter cette façon de jongler par capillarité avec l’information grâce à leurs multiples réseaux affinitaires.
“Nous observons avec les “digital natives” une vraie rupture générationnelle. Mais à l’heure actuelle, on n’a pas trouvé de mutation du cerveau selon les théories darwiniennes (ben si voir le lien). Peut-être cela viendra-t-il. Les digital natives sont une catégorie culturelle dont le rapport au temps est différent.
Mais c’est fondamental : leur système de valeurs a changé radicalement. Car leur relation à la famille a changé – l’insertion au sein d’un collectif. Du coup, ils n’ont pas la même la relation à la transmission. La question de la gratuité et de la propriété n’est plus du tout la même”, analyse Nathalie Brion, directrice générale de Tendance Institut. Point de vue partagé par d’autres experts : “Effectivement, l’appropriation agile des outils numériques n’est pas leur seule différence. On assiste à une vraie fracture quasi mécanique, qui ne se cantonne pas aux seules évolutions technologiques. Les relations au temps, à l’entreprise, au travail sont également très clivantes et génèrent de l’incompréhension”, observe Daniel Ollivier, auteur de Génération Y mode d’emploi, avec Catherine Tanguy. Nouvelles valeurs parfois particulièrement difficiles à déchiffrer tant elles sont radicalement différentes de celles de leurs aînés. Certains voient dans leurs comportements des caprices d’enfants gâtés, d’autres une vogue qui va muter avec la maturité.
Benjamin Chaminade, qui anime le blog Génération Y 2.0, est spécialiste des ressources humaines en Australie ; il travaille depuis 2004 sur l’insertion de cette génération dans les entreprises et a identifié une série de caractéristiques précises affirmant leurs différences générationnelles : un individualisme communautaire, une forte interconnexion de leur travail et de leur vie personnelle grâce aux réseaux sociaux et plus généralement Internet : “60% des messages émis concernent leurs problèmes personnels (en fait, les managers passent jusqu’à 60% de leur temps à résoudre des problèmes de leur collaborateur qui ne concernent pas leur travail). Une certaine impatience chronique tenant à un rapport au temps assez différent par définition. Enfin ils sont doués d’une inventivité plus importante que les quadras ou les quinquas. Ils veulent avant tout que l’on reconnaisse leur singularité et réclament un traitement particulièrement personnalisé et supportent donc assez mal les procédures puisqu’ils privilégient de loin les relations de personne à personne.
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