Ce Visage, de Jacques Brémond (par Marie Séjourné)

Par Florence Trocmé

 

 

 Ce visage de Jacques Brémond (Wigwam, 2010) attire. Simple, le titre -comme une énigme, que l’on redoute. 
Plaquette qui condense une vie. Laisse celui qui écrit aux prises avec ce qui ne peut se dire.  
Thrène ou tombeau, écriture du silence, du silence de mort, du silence des mots, des mots de l’autre - présent dans son absence de regard, son absence de parole, presque immobile.  
Le texte montre ce qu’il reste à voir : un masque et sur le drap, la main essaie quelques gestes.  
Pétrifiée la langue, s’immisce l’ici de la mémoire vive des lieux de l’enfance. Juste avant l’événement qui coupe le souffle. Contamine l’ami qui accompagne son double. 
Dans ce processus, cet entre-deux, le matériau devient matière de l’écriture : 
 
la bouche ouverte 
entaille noire posée sur le blanc. le drap 
 
La typographie met en évidence des titres, des strates. Et cet aparté 
 
(Patrice a vécu cela ce silence de mort-vivant durant deux années sur son lit)  
 
La majuscule, réservée aux noms propres, malgré l’abondance de points qui coupent le flux de langue, marque et rehausse ces territoires de l’enfance. Mais l’arpentage rapproche du départ : 
 
il est parti sans voix 
(…) 
je reste seul au partage des eaux 
 
Demeure dans l’indicible, l’écriture. 
 
 
Par Marie Séjourné