Si la Méditerranée m'était contée...

Publié le 03 mai 2010 par Jean-Marie Le Ray

Deuxième partie, dédiée à l'environnement, du triptyque Pourquoi l'Italie de Berlusconi est-elle un danger pour l'Europe ?, une interrogation apparemment prise en compte par l'actuel président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, qui vient de demander à l'Italie des éclaircissements sur les sabordages de navires dans les eaux méditerranéennes, un espace maritime déjà extrêmement sensible à la pollution :
La mer Méditerranée est une mer très fréquentée. Elle supporte 30% du commerce maritime mondial dont 22% du trafic pétrolier mondial. Plus de 2 000 navires sont en permanence à la mer avec, parmi eux, 200 à 300 pétroliers pour un total annuel moyen de l'ordre de 220.000 navires navigant en Méditerranée.
Il faut dire que les premières demandes d'éclaircissement adressées par le commissaire européen à l'Environnement, Stavros Dimas, à la ministre italienne de l'Environnement, Stefania Prestigiacomo, sont sans réponse depuis plus de six mois...

Donc, pour bien comprendre de quoi l'on parle, permettez-moi de cadrer le tableau : la mer Méditerranée.


Et plus précisément la mer Tyrrhénienne en Méditerranée occidentale, et les mers Adriatique et Ionienne en Méditerranée orientale. Là où ont été sabordés depuis une trentaine d'années quantité de navires bourrés de chargements toxiques en tous genres, essentiellement produits chimiques dangereux et radioactifs.

Car même si les autorités italiennes s'empressent aujourd'hui de répondre, par la voix de Gaetano Pecorella et Pietro Grasso (respectivement Président de la Commission d'enquête parlementaire sur les activités illégales liées au cycle des déchets et Procureur national anti-mafia), que les infos qui circulent à ce propos sont "fausses et tendancieuses", leur principal accusateur dans cette affaire, le journaliste Gianni Lannes, en remet une couche :
Les bateaux qui gisent par le fond et dont nous avons des preuves sont à peu près 200, mais nous avons aussi trouvé non pas des dizaines ni des centaines, mais des milliers de conteneurs, trois torpilles pénétrantes, etc.
Un premier repérage est disponible sur ce site, avec les coordonnées de 74 épaves :


Mais j'ai personnellement pu rassembler des informations sur plus de 120 bateaux, donc lorsque Gianni Lannes nous dit qu'il a des preuves sur 80 sabordages supplémentaires d'épaves empoisonnées qui transforment la Méditerranée en poubelle, je le crois sur parole...

D'autant plus que l'état italien a perdu toute crédibilité sur ces questions, tellement sont nombreuses les collusions, les incohérences, les fausses pistes, etc. Nous venons d'en avoir la preuve avec l'histoire du Cunski (j'ignore pourquoi il est devenu Cunsky en français), dont la fin fut racontée par un repenti de la 'ndrangheta, Francesco Fonti.

Il y a plus de dix ans déjà, l'Amiral Branciforte, chef des services secrets militaires de l'époque, assurait au parlement italien que les épaves avérées étaient 55...

Or les innombrables contradictions gouvernementales et les non-dits "officiels", pas uniquement sur le Cunski (selon Francesco Neri, procureur de la République en première ligne dans ces dossiers, dès 1996 furent opposés aux enquêteurs le secret militaire et le secret de l'OTAN...), mais sur toutes ces affaires de pollutions graves en mer et sur terre, loin d'infirmer, confirment que l'écomafia (qui représente environ 12% du bilan cumulé des mafias italiennes, soit un C.A. sectorialisé de 16 milliards d'euros), n'existe que grâce aux complicités des politiques, des services secrets et des grandes entreprises (et pas seulement en Italie, dont la compétence juridique s'arrête au-delà des 12 milles marins)...

Qui n'ont jamais résolu l'immense problème - planétaire - des millions de tonnes de déchets extrêmement dangereux pour la santé publique et l'environnement, et dont la seule politique avérée est celle de l'autruche : "mettre la tête dans le sable pour ne rien savoir", telle est notre devise !

Ou mieux, la politique des trois singes : ne rien entendre, ne rien voir, ne rien dire...


L'histoire de Giorgio Comerio et de l'ODM, ou tout du moins ce que l'on en sait, illustre fort bien cet adage. Laissez-moi vous la conter ... au prochain épisode.

Jean-Marie Le Ray
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