La semaine dernière, l'absence de l'exécutif français du théâtre des opérations était saisissante. Nicolas et Carla Sarkozy jouaient les touristes diplomatiques en Chine, sans un mot de commentaires avant la journée de jeudi, alors que la Grèce frôlait la faillite, le Portugal et l'Espagne étaient "dégradés" à leur tour par de fumeuses agences de notation de crédit, et la zone euro toute entière tremblait pour sa survie. Il fallait réagir. L'image d'un président absent de la scène diplomatique était chose inconcevable pour les stratèges de l'Elysée. Mercredi, Barack Obama lui-même est intervenu auprès d'Angela Merkel. Une discussion qu'on devine autrement plus décisive que l'agitation sarkozyenne tardive. Obama craint que l'affaiblissement de l'euro ne renchérisse le dollar, et donc nuise aux exportations américaines.
L'ampleur de la spéculation contre l'Euro a permis de convaincre les Etats membres de l'Union européenne d'un dispositif d'aide en faveur de la Grèce. Cette dernière recevra 110 milliards d'euros pour 3 ans et honorer ses remboursements de crédits. En échange, le gouvernement grec va drastiquement réduire son budget de quelques 30 milliards d'euros, et subir une tutelle du FMI pendant 10 ans.
De retour en France, Sarkozy devait reprendre la main, au moins médiatiquement... Qu'a-t-il donc fait ? Lisez le compte-rendu des opérations rapporté par l'AFP. On se croirait en Chine ou en Corée du Nord. Les éléments de langage, fournis par les conseillers de l'Elysée, ont été fidèlement reproduits. Bravo !
«A peine descendu de son Airbus, le chef de l'Etat a d'abord fait le point au téléphone sur la mise en oeuvre du plan de soutien de l'Union européenne (UE) avec la chancelière allemande, qui constitue le principal frein aux efforts déployés par Bruxelles pour secourir Athènes.Quel fut le résultat de ce travail bref mais intensif ? Pas grand chose : un petit communiqué de la présidence de la République pour nous informer (1) que Sarkozy s'est félicité de l'accord négocié en son absence, «en vue de l'activation du plan de soutien européen à la Grèce», (2) qu'il était d'accord avec Angela Merkel, (3) qu'il voulait «renforcer la stabilité de la zone euro et la régulation des marchés financiers», (4) qu'il promettait des «initiatives dans les prochains jours» sur les mécanismes de surveillance au sein de la zone euro, la lutte contre la spéculation, la transparence des produits dérivés et la régulation des agences de notation.
Puis une bonne heure, il a planché à l'Elysée avec le Premier ministre François Fillon, les principaux ministres concernés, dont celle de l'Economie Christine Lagarde, et ses plus proches conseillers.»
Bref, voici un Monarque coincé par son déplacement de 4 jours en Chine qui essaye de rattraper le train en route. Il y aurait pourtant beaucoup à dire sur la situation.
1. La Grèce se voit prêter de l'argent par l'UE et le FMI. En France, François Baroin a expliqué que l'Etat se payait une jolie marge sur les agios qu'il facturera à son collègue grec: il prêtera à 5% alors qu'il emprunte autour de 2,13% à cinq ans. Le coût social que les Grecs supporteront est ainsi aggravé.
2. La date du sommet des chefs d'Etats européens est toujours tardive : elle a été calée le 10 mai, soit le lendemain de l'élection dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Angela Merkel a gagné sa tranquillité.
3. A part la Grèce, d'autres pays européens devraient nécessiter une aide similaire. Des économistes américains chez JPMorgan Chase & Co. and Royal Bank of Scotland Group Plc parlent ainsi de 600 milliards d'euros au total.
4. La France contribuera pour bien davantage que les sommes avancées la semaine dernière : 16 milliards d'euros, et non 6,3 milliards. L'Allemagne sera le premier prêteur, avec 22 milliards d'euros. Après la France, suivront L'Italie (18,42 % du prêt total, soit 14,7 milliards d'euros), puis l'Espagne (pour 9,8 milliards d'euros. La même Espagne a vu sa note dégradée la semaine dernière...
Credit illustration FlickR CC