La sueur et le sang

Publié le 03 mai 2010 par Ruminances

Posté par lediazec le 3 mai 2010

En ce premier mai, je me suis soustrait au vacarme et à la fureur du monde extérieur. Je n'ai rien fait. Sans avoir mal à l'âme, j'ai tourné en rond. C'est très épuisant, le tourniquet. Ne voyez là la moindre allusion au tourniquet japonais, position amoureuse conduisant au bonheur suprême, que certains mauvais esprits s'empresseront de souligner.

Ma pensée est d'un ordre différent, même si, comme vous, je ne suis pas insensible à l'idée du bonheur suprême. J'ai vécu dans une semi-somnolence. Loin et pourtant si près.

Je n'oublie pas que le premier mai est une date de sang et d'espoir. C'est le 1er mai 1886 qu'une partie des travailleurs américains obtiennent la journée de huit heures. Le 3 mai de cette même année, une manifestation fait trois morts parmi les grévistes qui n'ont pas encore obtenu satisfaction. Lorsque celle-ci se disperse, il reste encore quelques 200 manifestants et autant de policiers. Une bombe explose faisant quinze morts parmi les policiers. C'est la curée ! Huit syndicalistes anarchistes sont arrêtés et jugés. Parmi eux, cinq sont pendus sans que des preuves concluantes aient été présentées par l'accusation. Oeil pour oeil dent pour dent ! A défaut de gagner, le patronat américain donne aux ouvriers du monde le moyen d'inscrire dans leurs revendications une priorité : la journée de huit heures. Il faudra des années de luttes, de la sueur et du sang, pour que cela devienne réalité. Les dernières paroles de l'un des condamnés, Augustin Spies furent : «Le jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd'hui».

Autres temps, autres mœurs, mais toujours une constante : profit, inconscience et brutalité d'un système néfaste, toujours le même depuis  1886. Qu'il s'agisse de revendications salariales, de conditions de travail, de retraites ou de préservation de la nature et de l'équilibre des espèces vivant sur terre, une seule donnée : l'appétit du gain.

L'explosion de la plate-forme pétrolière dans le Golfe du Mexique et la nappe de pétrole qui atteint les côtes de la Louisiane, fait méditer sur la puissance des bombes que l'humain utilise pour le plaisir criminel de quelques-uns. Pas besoin d'évoquer la guerre pour savoir que la paix dans ce système c'est encore et toujours la guerre. Nul n'échappe à la logique implacable d'un ordre corrompu.

Cette marée noire d'une ampleur encore mal évaluée mais dont la proportion dépasse tout ce que nous avons connu jusqu'à ce jour, est une catastrophe économique et écologique sans précédent. Un acte criminel involontaire, nous dit-on, mais où est la différence entre crime et accident dans un contexte outrancier ? Si les courants le confirment l'écosystème de la région, très fragile, va connaître la période la plus noire de toute son histoire.

La matière visqueuse qui émerge à raison de 800 000 mille litres/jour pourrait augmenter considérablement dans les jours à venir. Malgré les « moyens gigantesques » mis en œuvre, rien ne nous permet d'entretenir le moindre espoir. Toutes les opérations de colmatage semblent bien ridicules devant la puissance du jet. Ni l'encerclement, de la tache, ni l'armada de fonctionnaires et de bateaux dépêchée sur place ne semble en mesure de pouvoir circonscrire une nappe évaluée, selon des sources satellitaires, à 9 000 km² ! Et cela n'est qu'un début !

Un matériel “défectueux” serait à l'origine de ce cauchemar. Quelle importance, puisque le cauchemar est là et qu'il découle d'une constante chez les grands exploitants : le profit. Toujours plus de profit. Jusqu'au point final de toute vie.

Les dirigeants de cette planète sont des monstres.

Pour Mark Floegel, responsable de Greenpeace la chose “pourrait devenir un cauchemar”. Ça l'est déjà ! Depuis longtemps. Il s'attend « à ce que très très peu de pétrole soit récupéré. ». Pas grave, les marais serviront d'éponge ! La terre a l'habitude de tout absorber. Tant pis pour la faune marine, oiseaux, tortues marines, dauphins, lamantins et j'en passe…

Comme dans Soleil Vert, à défaut de jouir du paysage, au seuil de son dernier souffle, l'humain aura droit aux images de ce que fut la vie.