Magazine Journal intime

La première gorgée de bière… pardon, de thé (anglais).

Par Evainlondon

Chose promise, chose due. 10h45, troisième tournée de la matinée : l’heure est venue de goûter le thé anglais. 

- Qui veut une boisson chaude (Who’s up for a hot drink) ? lance à la cantonade l’un de mes collègues, Rob.
- Avec plaisir ! Un thé, please.

Les Anglais étant, paraît-il, très à cheval sur la politesse, je commence et/ou termine toutes mes phrases par please, thank you et autres that’s great. C’est ça, d’être motivée pour s’intégrer. D’asociale et renfrognée, me voici désormais polie et entousiaste.

Mes bonnes résolutions vont vite être mises à l’épreuve.

- Du lait et un sucre (Milk, one sugar) ? demande Rob en s’éloignant avec le plateau (essentiel lorsqu’il s’agit d’assurer trois thés et deux cafés).

Je le rattrape par la manche, affolée.

- Non, merci, juste un thé très léger (No, thank you, just a very light tea).

Je l’ai échappé belle. Du moins, c’est ce que je crois, jusqu’à ce que, cinq minutes plus tard, Rob revienne et dépose sur mon bureau un breuvage peu ragoûtant.

La première gorgée de bière… pardon, de thé (anglais).

- Mais tu avais demandé un white tea ? me demande-t-il en voyant mon dégoût.
- Ben oui… pas fort, quoi !
- Et voilà : un white tea, pas fort.

Nous nous regardons, aussi perplexes que prêts à faire avancer la communication entre nos deux peuples. Prise d’un affreux doute, je fais le premier pas :
- Attends… un white tea, c’est bien un thé pas fort ?

Rob éclate de rire et s’exclame, soulagé (l’honneur anglais est sauf) :

- Mais non ! Un white tea, c’est un thé avec du lait. Si tu en veux un pas fort, c’est un thé faible (weak tea). Je t’en refais un.

Moi, pressentant un nouveau désastre, mais toujours polie :
- Non, non, merci beaucoup, mais c’est pas la peine, merci !
- Si, si, j’insiste.

Rob fait quelques pas, puis se retourne vers moi, perplexe :
- Tu es VRAIMENT sûre que tu ne veux ni lait, ni sucre ? Parce que ça ne va pas être bon !

On n’a clairement pas la même notion de ce qui est bon, mon loulou, me retiens-je de rétorquer. Au lieu de ça (intégration, intégration), je réponds calmement :
- Oui oui, c’est parfait, merci beaucoup !

Rob a beau s’éloigner en marmonnant “Ils ont des goûts bizarres, ces Français”, il me rapporte quelques minutes plus tard un thé conforme à ma commande. Sans lait, ni sucre. Et tellement noir que je crois tout d’abord qu’il s’agit d’un café.

La première gorgée de bière… pardon, de thé (anglais).

- Ca n’a pas l’air très bon, remarque Rob en plissant le nez.

Il a raison. Rob ne sait peut-être pas ce qui est bon, mais il sait ce qui est mauvais. Voire infect. Même pour faire avancer les relations franco-britanniques, impossible d’en avaler une goutte. Re-consternation de mon collègue :
- Mais… c’est exactement ce que tu voulais (« décidément, ces Français, jamais contents ») ! J’ai à peine trempé le sachet !

Je sens qu’il va en falloir, des please et des thank you, pour laver l’affront de ma première tasse de thé.


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