Un bel univers, une mise en scène ingénieuse, des comédiens aux allures d’automates servant parfaitement le propos intime et politique d’une pièce brillante: Maison de poupée d’Henrik Ibsen, actuellement au théâtre de la Madeleine, offre tout cela en une soirée.
La pièce de l’auteur norvégien écrite en 1879 dresse le portrait d’un couple bourgeois. La maitresse de maison, Nora (interprêtée par Audrey Tautou) scande son bonheur et sa richesse à qui veut l’entendre – ou non, comme son amie d’enfance venue la retrouver. Comme une poupée prise dans le carcan des conventions, elle se plie à la volontée de son mari Torvald (Michel Fau), notable obsédé par la morale et fuyant toute “laideur” des choses ou des gens. Mais Nora, par insouciance ou volonté de bien faire, a commis par le passé quelque chose qui risque de faire s’effondrer le monde - trop parfait pour être vrai – de son foyer. Quand ses erreurs resurgissent dans le présent, le vernis du tableau familial s’écaille. Jusqu’à un dénouement aussi inattendu que saisissant.
La pièce de Strindberg en elle-même porte un puissant intérêt: elle contient une tension dramatique qui s’appuie sur des questions intimes: celles de la fragilité de Nora, du foyer et du couple. Mais cette focalisation sur le particulier sert en réalité un discours bien plus large et engagé : il amène une réflexion sur la façon dont la femme est considérée, dans la société où elle évolue, comme une poupée. Un bel objet qu’on aime mais avec lequel on joue, à qui on refuse une autonomie de vie, de choix, d’existence donc.
Cette question de l’enfermement et de l’émancipation est habilement mise en valeur par un principe de progression : celles de la scénographie et de l’éclairage (du large au petit et du clair au sombre), des costumes (de l’engoncé au plus dénudé) et du jeu des comédiens (de l’automatisme au naturel). A ce sujet, Audrey Tautou est une agréable surprise. Même si l’aspect mécanique et scandé de son jeu peut être irritant sur un temps, il s’insère bien dans la cohérence du personnage: Nora ne fait que vivre et penser comme on lui demande de le faire et n’a donc aucune réelle liberté de mouvement ou de paroles.
Si tout cela comporte une certaine gravité, le talent de Michel Fau est de faire ressortir dans la pièce un aspect comique, par le ridicule des personnages, des situations, des mensonges qu’ils s’imposent à eux-mêmes.
En un (passable je le concède!) jeu de mot: Tautou et Fau donnent…tout sauf du faux.
Maison de poupée avec Audrey Tautou et Michel Fau
Mise en scène de Michel Fau
Jusqu’au 22 mai
Du mardi au samedi à 21h, au Théâtre de la Madeleine, métro Madeleine
Réservation:01 42 65 07 09
Places à 12€ sur http://www.billetreduc.com/33777/evt.htm