En 1843, en Corée, naquit un artiste peintre de génie, Jang Seung-Up, surnommé "Uhwon". Son talent est exceptionnel et son art maîtrisé à la perfection. Pour son époque cet homme à la sensibilité exacerbée, libertin, alcoolique et excentrique à souhait ne manque pas d'intriguer la société de son pays par son attitude et sa personnalité singulières. Il erre seul à travers le pays, s'arrêtant de ville en ville afin d'apporter le bonheur par la diffusion de son style anticonformiste de la peinture. Il va de femme en femme, ébloui par leur grâce et leur beauté . Elles sont, au même titre que l'alcool, les inspiratrices des oeuvres merveilleuses créées par cet homme jalousé mais admiré à la fois par ses pères. Il est sans cesse à la recherche de lui-même et de la perfection de sa peinture. Il disparait vers 1897 loin de la société qui l'a tant adulé ou détesté.
Le début de ce film nous paraît très obscur. Il est vrai que cette oeuvre nous entraîne au sein des coutumes anciennes d'une civilisation que nous connaissons bien mal et que nous avons parfois des difficultées à appréhender. A l'époque de la naissance d'"Ohwon", la dynastie Chosun arrivait au bout de cinq siècles de règne. La Chine défaite par les anglais et le Japon pressé par les Etats-Unis forcèrent la Corée à céder aux puissances impérialistes. L'aristocratie profita au maximum de cette "ouverture" pour en tirer profit. La culture devint alors l'affaire des religieux "Tonghak", d'obédience catholique. Nous entrons alors dans l'univers d'un homme défiant la bienséance en choisissant les plaisirs paillards. Il nous emmène ainsi dans un havre de splendeurs et de couleurs merveilleuses. Nous assistons à l'ascension sociale de ce vagabond enfermé sur lui-même, gravissant une à une les marches de la notoriété. Nous sommes pris de passion pour ce personnage imprévisible et rustre devenu un symbole pour le peuple épris de tendresse et de bonté pour ses conquêtes féminines lesquelles représentent le désir, alors que l'alcool dont il use à l'excès, les couleurs. Il ne peut en fait se passer, telle une drogue, de ces deux sources essentielles de son inspiration féconde. Son instabilité et son perfectionnisme sont exacerbés. Il peint, déchire, refait ses oeuvres jusqu'à l'épuisement. En fait, malgré sa notoriété, cet artiste se cherche sans cesse. Se sera-t-il un jour vraiment trouvé? Nul ne le sait. En tout cas, il aura suscité grand nombre de vocations, de passions et d'interrogations parmi ses concitoyens avant de disparaître on ne sait où.
Les premières scènes de cette oeuvre fort originale nous paraissent sombres, austères et, petit à petit, la lumière arrive et le talent du réalisateur, Im Kwon-taek ,éclate. Le film devient alors jubilatoire, aussi curieux qu'émouvant et documentaire. L'analyse de ce personnage hors du commun est remarquable de précision et d'humanité puisque nous réussissons à entrer dans l'intimité du peintre et à l'apprécier tel qu'il est: ivrogne et jouisseur. Les scènes érotiques sont d'une rare élégance au milieu de cette magie de paysages et de couleurs sublimes. Il faut absolument citer l'interprétation merveilleuse d'authenticité de Choi-Min Sik, prodigieux dans ce rôle de magicien anticonformiste de la peinture.
Si vous êtes amoureux du cinéma, de l'étrange, de l'art et du travail superbement bien fait, ne manquez surtout pas ce merveilleux spectacle. Même si le sujet vous paraît ardu, n'ayez pas peur, ce n'est pas un film de style "confidentiel". Avec le remarquable Im Kwon-Taek et son peintre "Ohwon", vous passerez un moment de rêve et de magie comme parfois le Septième Art aime nous en offrir.
Ce film a obtenu le Prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2002.