Nathalie Lanzi, professeur d'histoire-géographie au collège de la Couldre (Deux-Sèvres), avait demandé à Ida Grinspan, ancienne déportée d’Auschwitz, de rédiger un texte que ses élèves devaient lire dans le cadre de la Journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation.
Dans ce texte, Mme Grinspan raconte ainsi son histoire : « J’ai été, par précaution, envoyée dans les Deux-Sèvres alors que j’avais 10 ans, par mes parents inquiets et soucieux que je grandisse loin de la capitale. Je suis donc arrivée dans une famille, chez ma nourrice Alice et son mari Paul et auprès de Madame Picard, ma maîtresse d’école à qui je dois ce que je sais […] je vivais sans racisme, sans antisémitisme de la part des voisins, de mes amies de classe et des habitants du village !». Hormis son inquiétude pour ses parents restés à Paris, la jeune Ida menait une existence à peu près normale, jusqu’à l’événement suivant : « J’ai été arrêtée le 31 janvier 1944 par 3 gendarmes, l’inhumanité même, de ces 3 hommes, » et elle décrit ensuite l’horreur de la déportation.
A la lecture de ces lignes, le pur et noble sang patriote de Michel Birault, ancien gendarme et adjoint en charge des affaires patriotiques, n’a fait qu’un tour, découvrant dans ces termes un opprobre jeté sur ce qui fut son métier. Devant sa réaction, le professeur, conseiller régional PS, a dans un premier temps accepté, à contrecœur, de remplacer le mot "gendarmes" par "hommes". Mais cela n’a pas calmé l’ire de ce distingué élu municipal qui a présenté la lettre à son très sage maire, Xavier Argenton. Celui-ci aurait déclaré : « Ne stigmatisons pas une catégorie professionnelle qui dans ces temps troubles avait obéi aux ordres de l'autorité légitime », ajoutant « ce texte n'est pas de nature à apaiser les ressentiments à une époque où le repentir est malheureusement mis en exergue ». Et il interdit la lecture de cette lettre.
Comment donc ces deux tristes sires ont-ils vu que cette ancienne déportée stigmatisait la profession de gendarmes. Qui donc était venu l’arrêter, des maçons ? Non, des gendarmes. Et elle précise ensuite : « l’inhumanité même, de ces trois hommes ». Nous voici une nouvelle fois face à des Français totalement ignares : l’adjectif démonstratif pluriel ces désigne très spécifiquement les trois personnes (qu’elle est en droit de considérer comme inhumaines) qui sont venues l’arrêter, qui étaient bel et bien gendarmes à juger par leur tenue, et on ne voit pas en quoi cette relation d’un forfait, commis par trois individus, porte préjudice à une profession tout entière.
En fait, je suis enclin à penser que ces deux nobles élus se sont plutôt sentis visés personnellement car je les sens tout à fait capables de se comporter, en semblables circonstances, comme nos trois dociles gendarmes : en des temps troubles, il convient d’obéir aveuglément aux ordres de l’autorité légitime, et foin ensuite de tout repentir.