Stephen Wright est né en 1946, appelé sous les drapeaux en 1969 et envoyé au Vietnam l'année suivante. De retour aux Etats-Unis il publie en 1983 Méditations en vert unanimement salué par la critique à sa sortie. A ce jour il a écrit quatre romans et il vient tout juste d'être traduit et publié en France.
Méditation en vert nous replonge dans l'enfer de la guerre du Vietnam mais rarement l'expression galvaudée et devenue cliché n'a été aussi adaptée que dans ce livre. Pour vous en faire une idée je vous citerai le film Apocalypse Now. Rappelez-vous ces images surréalistes faites de violence terrible, de rock'n roll en fond sonore, de visions hallucinatoires dues aux drogues, d'Américains surarmés et de Vietnamiens pieds nus, imaginez ces odeurs de napalm, de sueur et de sang, de végétation en décomposition sous la chaude humidité, de shit entêtant et enivrant. Toutes ces images me sont revenues en mémoire à mesure que je m'enfonçais dans la lecture de ce roman.
Car on s'y enfonce, traçant notre chemin de lecture à la machette, surtout au début du roman particulièrement ardu et déroutant qui peut vous donner envie d'abandonner tant sa compréhension en est difficile. Et puis lentement, on s'habitue, on se laisse prendre par la forme éclatée de la narration où le vrai se mêle aux fantasmes et hallucinations causés par les drogues.
Si vous avez tenu jusque là, vous faites désormais partie de l'unité de renseignement militaire où nous accompagnerons James Griffin qui cherche à conserver sa raison, Kraft l'agent de la CIA, Wendell qui filme la guerre, le commandant Holly ou le soldat Franklin un black énervé et le trop jeune Claypool.
Certains passages du roman sont très difficiles à lire car ils semblent écrits sous l'empire d'un hallucinogène puissant mais si vous arrivez à passer outre, vous lirez un très beau livre sur la folie absurde de la guerre, folie dans le sens premier de délire, démence, qui atteint des sommets lors de cette guerre.
« Une enfant maigrichonne et maladive s'avança vers lui, ses profonds yeux noirs résolument fixés sur les siens. Elle avait plusieurs plaies au bras gauche, un côté du visage brûlé, et une partie de ses cheveux étaient roussis. Elle devait avoir neuf ou dix ans. Elle avait besoins de soins médicaux. Le voyant près du grand chef avec les barrettes, elle avait dû penser qu'il était médecin. Kraft lui sourit. - Non de Dieu ! s'exclama quelqu'un. Elle tient une grenade ! Les hommes autour de Kraft se jetèrent au sol pour se mettre à l'abri. Il pouvait voir la grenade maintenant grosse comme un melon dans une main aussi minuscule. Il ne pouvait dire si elle était dégoupillée ou non. La petite fille continuait à avancer vers lui tranquillement. - Arrête-toi ! hurla Kraft. Dung lai ! Il leva son fusil. La petite continuait. »
Stephen Wright Méditation en vert chez Gallmeister