Une pollution marine épouvantable, des dettes publiques vertigineuses, des inégalités criantes ; une Faute-sur-mer démontée mais qui ne veut pas qu’on la déloge ; un PS sans idées mais qui ne veut pas qu’on les lui pique ; un Mélanchon remonté qui traite Merkel de « paysanne » parce qu’elle n’aime pas assez les Grecs, des Grecs à sec qui trouvent que la grève générale va les remettre à flot ; des paysans à Paris en tracteurs pour signifier que le blé ne paye plus (mais le lait non plus, ni le bœuf, ni le porc) ; des ados grave vénères surinant les profs comme je me mouche, des profs allant du droit de retrait à la cellule psychologique en fustigeant le tout sécuritaire ; des psychos qui veulent interdire la fessée, des fachos qui veulent supprimer les allocs ; des femmes emburqisées qui disent que c’est leur choix sous l’œil froncé de leur montreur d’ours : on pourrait continuer longtemps l’inventaire tragicomique de notre actualité en miettes, burlesque miroir de gravité, grave reflet d’enfantillage ; et le temps passe sur nous qui ne voulons pas vieillir, pas grossir, pas choisir, pas changer, pas risquer, juste continuer la danse au bord du gouffre…
Pour dissiper le spleen d’après l’interminable hiver et d’avant le printemps des saintes glaces, rien ne vaut un petit tour au marché, non pas celui de la bourse et des traders, mais celui de la tripe et des radis, un de nos derniers lieux de civilisation bénigne, où se pose la mère des questions, bien avant toute mystique et toute métaphysique : « Qu’est-ce qu’on mange ? » Mes vieilles, hier à onze heures, y avaient déjà répondu. Elles papotaient, leurs cabas pleins, devant un mendiant roumain plus contrefait qu’un sourire de Fabius, tandis que je faisais la queue pour ma baguette.
« -Ah bon ! M’ame Daube. Qu’est-ce qui n’a pas gazé ?
-Mon zinc.
-Vous dites ?
- On dit justement que c’est une question de jours, avant la Grèce et le Portugal.
- Je propose à Sarko d’annexer les trois, qu’on le traite au moins de Bonaparte pour quelque chose…
-Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Ainsi, M’ame Daube, pendant que vous flâniez devant le Manneken-pis faute de l’avion du retour, moi j’étais à Orly Ville pour l’anniversaire de ma belle-soeur. Un calme ! La première fois qu’on entendait voler les mouches. Autant vous dire qu’on a remercié l’Islande au champagne ! Comme j’ai dit à mon frère, c’est le moment de vendre, mais le volcan est retombé…
-Rien ne tient, M’ame Michu. La taxe carbone, Bayrou, le p’tit facteur, la banquise, le prix du gaz, le régime minceur de Martine Aubry, la fermeture des maisons closes, l’infaillibilité du Pape, mes économies, votre teint de jeune fille : pfuitt !
- Qu’est-ce qui va nous rester, M’ame Daube ?
- Le goût d’en rire. Celui-là perdu, nous serons vieilles ! »
Arion
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La z’ique du jour :