Survivre à la Saint-Valentin ou comment oublier son ex : opération ciseaux

Publié le 13 février 2010 par Gintonhic @GinTonHic

   Au lieu de vous morfondre seules chez vous à la Saint-Valentin, je vous présente une deuxième activité que vous pourriez faire dimanche. Je l’ai déjà testée, et je vous promets de grandes jouissances.

  C’est en feuilletant un livre sur le Feng Shui que j’ai trouvé comment en finir avec le fantôme de mon ancien chum.  

   Il avait l’air d’un apollon du haut de ses 6’4‘’ . Il était tout en muscle. J’étais folle de lui. 

   Il fallait voir ses fossettes quand il riait. Comme je le désirais. Entre nous, c’était la passion, semblable à celles dans les livres.  

   Puis, un beau jour, sans rien dire, il est retourné avec son ancienne épouse. 

   J’étais tellement éprise de lui qu’il en est devenu pour moi une vraie « maladie ». 

   Des pensées de lui me hantaient nuit et jour. J’aurais voulu que son souvenir s’efface de mon esprit ; j’aurais voulu qu’il meure. Mais en vain. Toujours le souvenir de son corps sur le mien me ramenait à mon désespoir de le savoir dans les bras d’une autre. Ma vie devenait un cauchemar. 

   Comment lui échapper ? Comment me sauver ? Sauver mon cœur, sauver mon âme, sauver ma vie ? 

   Et puis, une amie m’a suggéré de lire sur le Feng Shui, cet ancien art chinois qui mise sur la création de l’équilibre et l’harmonie dans l’environnement. De là, l’importance de se départir d’objets qui entravent l’esprit et qui, dans mon cas, ressuscitent d’anciennes et folles amours. 

   Le Feng Shui recommande de jeter tous les objets ayant appartenu à d’anciennes amours pour exorciser leur emprise et faire de la place pour de nouvelles aventures.

   Ainsi, par un vendredi plutôt gris, j’ai décidé d’ouvrir une chasse impitoyable aux vêtements qui évoquaient tel ou tel amour usé, pitoyable.

   J‘ai scruté à la loupe chaque recoin de l’appartement :  

  — les cinq placards, du plus grand au plus petit, sur les tringles, sur les tablettes,  dans le fond

  — les tiroirs des trois commodes en chêne massif jusqu’aux tiroirs de mon vieux bureau d’enfant

   — dans le sous-sol, le panier à lessive en osier, voire le contenu de la sécheuse en marche, et j’en passe.

   Et quels trophées de pitié j’ai ramenés :

   — un gilet de laine, noir, brodé de perles,  qui eut davantage sied à ma grand-mère

   — une paire de sous-vêtement, style caleçon boxer,  blanc à gros pois noirs

   — des pantalons en coton ouaté, couleur marine, trop court pour moi

   — plusieurs t-shirts

   — une camisole moulante et décolleté, pour des soirées torrides.

   Au total 23 morceaux : certains anciens, d’autres, pratiquement neufs ; legs d’amoureux éconduits ou passades de toquée.

   Une fois pris en otage tous les fantômes hantant mes garde-robes, je n’ai pu me résigner à les mettre sans façon dans un sac à ordures.

   J’ai pensé les offrir aux moins fortunés, mais je sentais qu’il fallait que ces vêtements soient détruits de manière symbolique.

   Enfant, j’adorais découper les catalogues des grands magasins — Eaton, La Baie d’Hudson, Simpson — en minuscules bandelettes que j’accumulais dans un bol à soupe.

   Ce travail minutieux, qui me procurait un plaisir fou, consistait à faire entrer le plus grand nombre de pages dans le petit bol. Méditation active, attention, concentration. Sublime libération de l’esprit soumis au pouvoir d’une main guérisseuse.

   Maintenant, face à ce trophée fatal de vêtements, je me suis rappelé chaque baiser, chaque caresse, mais aussi, chaque discussion, chaque mensonge, chaque trahison. J’étais désormais décidée à en finir.

   La soirée qui s’annonçait me donnait la chair de poule. La délivrance tant attendue allait bientôt me transporter vers de nouveaux sommets. Je sentais monter en moi cette euphorie grandissante qui évoque l’enivrement même de la passion.

   J’ai demandé à Glen Gould, pianiste génial et plein de tics, à l’appétit insatiable de perfection, de soutenir au clavier ses passions si semblables aux miennes.

   J’ai inséré le CD. Play.

   Glen, homme mystérieux et complexe, était avec moi.

   J’ai empilé quelques bûches dans le foyer et j’ai frotté une allumette. Les flammes se mirent à danser lascivement, au son des doigts agiles de Gould. Pour qui dansaient-elles ? Lui ou moi ?

   Je me suis versé à boire.

   La bouteille était lourde de porto, du Quinta do Estanho. Gould, le feu dans la cheminée, un verre de porto à la main, que demander de plus sinon une bonne paire de ciseaux Singer pour en finir, une fois pour toutes.

   Plus la musique résonnait en moi et plus la griserie me gagnait. J’ai empoigné mes Singer avec le sentiment profond que j’allais commettre le crime parfait.

   Chaque coup de ciseaux faisait entendre le crissement fendant de la lame affûtée glissant à travers chacun des vêtements de la pile, laissant derrière une traînée de bandelettes de deux pouces de large.

   Exit ! cadeaux, souvenirs, objets de hantise, objets de détresse. Adieu ! chandails, pantalons, chemisiers, pyjamas. Bonjour délivrance !

   J’ai fait un ballon de ces bandelettes et l’ai « quické » en orbite, câlisse ! 

  


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