Questions internationales est une excellente revue. C’est en fait la revue de relations internationales ou de géopolitique que je conseillerais à des jeunes étudiants à la recherche d’une revue sérieuse sur le sujet : moins décousue que Hérodote, moins spécialisée que Politique étrangère, moins militante que Le Monde diplomatique, elle réunit tous les atouts : des dossiers très solides, et un rythme de parution (tous les deux mois) qui autorise une lecture approfondie. Surtout, elle réunit des signatures « sérieuses ». Et tout cela pour un prix modique de moins de dix euros : c’est un vrai service public, chose logique puisqu’elle est éditée par la Documentation Française, maison sérieuse s’il en est.
J’ai tout spécialement apprécié le numéro de janvier-février qui traite de l’Occident en débat. Vous savez que cette question de l’Occident me turlupine depuis que j’ai créé ce blog. J’en ai souvent critiqué la notion, que j’ai toujours trouvé imprécise. J’ai d’ailleurs beaucoup apprécié le petit opuscule de R.-P. Droit, que je ne cesse de citer dès que l’occasion s’en présente.
L’Occident en débat in Questions internationales janvier 2010.
L’introduction de Serge Sur vaut à elle seule le détour. Si l’article de F. Charillon sent le monsieur satisfait, le suivant de G-H Soutou qui apporte des vues historiques est très bien venu.
Celui d N. Gnesotto sur l’Otan est l’Occident est excellent et très subtil (elle rappelle notamment que l’article 6 du TAN précise les contours de l’Atlantique nord, et donc ce qu’est le hors zone), notamment lorsqu’elle dit : « c’est alors que la solidarité occidentale remplace progressivement la solidarité atlantique comme ferment de la pérennité d l’Otan » : voici le débat de fond auquel est confronté l’alliance, et que le concept résoudra peut-être.
L’entretien avec B. Badie est également intéressant, même si l’auteur affiche un peu trop le sanglot de l’homme blanc, dénonçant un occident triomphant qui me paraît décalé avec la réalité. L’article de F. Ramel sur les valeurs occidentales traite d’un sujet essentiel.
Georges Corm reprend sa thèse critiquant les notions d’Occident et d’Orient et évoque le fait religieux (monothéiste) dans la formation occidentale (il nous rappelle, au passage, le changement de référence au cours des années 1960 d’un Occident gréco-romain à un occident judéo-chrétien).
G. Andréani, posant la question de l ‘ennemi, évoque sans le dire Carl Schmitt : et si le drame de l’Occident était qu’il n’a plus d’ennemi ? en fait, l’occident « subit à présent comme les autres le jeu du monde qu’il a unifié ».
De nombreux encadrés viennent compléter la réflexion, et la bibliographie en une page qui conclut le dossier est excellente (je le sais, j’ai dû lire un tiers des références mentionnées).
On sort de la lecture avec le sentiment d’une notion évanescente, presque désuète. Nombreux sont les auteurs à suggérer des scénarios : ceux de GH Soutou me semblent couvrir la gamme des possibles : un occident mondialisé, une union occidentale de plus en plus structurée, un occident avec deux piliers, l’Amérique et l’Europe, et la dérive des continents. Plus ça va, et plus je suis porté à croire plausible le dernier scénario....
O. Kempf