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Parcs nationaux

Publié le 01 mai 2010 par Sylvie_bigant

Ischigualasto – Aimogasta … 14/04 – 24/04

Nous partons avant le jour pour arriver avant la fermeture du parc national de la Vallée de la Lune. La route monte légèrement en continu toute la journée. Les villages se font de plus en plus petits et on se croirait déjà sur la Lune, maisons en terre, carrées aux toits plats, du sable partout et nos premiers cactus ! Cactus ronds, cactus en forme de chandeliers à trois ou quatre branches, cactus de Barbarie (ovales et plats)… Certains cactus sont desséchés et creux, on peut voir en transparence à travers l’écorce comme une fine dentelle. Nous déjeunons à côté du poste de police, à l’intersection avec la route pour le parc. Nous arrivons en milieu d’après-midi, 75 km en sept heures, pauses incluses, bonne moyenne ! Le parc ne se fait qu’en voiture donc un des gardiens nous répartit dans deux voitures. Nous tombons avec un couple d’Argentins de Puerto Madryn (péninsule de Valdès) en vacances pour quelques semaines. Nous sommes tout contents de pouvoir parler de la Patagonie avec eux ! Le parc est très surprenant, des paysages d’un autre monde. Les roches datent du Triassique, c’est-à-dire avant le Jurassique. Des fossiles de dinosaures ont été retrouvés dans le parc, les plus anciens fossiles parait-il. Le vent a sculpté les rochers en forme d’iguane, de sous-marin … chacun y voit ce qu’il veut ! Des boules de pierre émergent du sable, elles se forment par agglomération de sédiments dans le sable puis émergent petit à petit et finissent par se fendre. Les variations de température sont importantes, en-dessous de zéro la nuit et jusqu’à 30 voire 40 degrés dans la journée. Effectivement, le soir, une fois le soleil couché, il fait frais. Nous campons sur le parking à côté d’une famille suisse en camping-car. Ils ont habité dix ans en Australie et terminent un voyage de dix mois en Amérique du Sud avant de rentrer en Suisse. Le retour va être difficile ! Ils nous offrent une petite bouteille de champagne de Mendoza et nous fêtons nos deux ans de voyage avec eux.

Le lendemain, nous roulons au milieu d’une plaine de sable rouge avec des falaises rocheuses rouge et beige en toile de fond. En fin d’après-midi, nous visitons le canyon de Talampaya, des falaises ocre de 150 m de haut. Au printemps, une rivière coule au milieu mais les pluies ne durent pas longtemps, il ne pleut que 100 mm par an ici. Les arbres et la végétation subsistent grâce à des poches d’eau souterraines, on imagine que les racines doivent descendre très profondément. Il y a aussi beaucoup d’animaux : guanacos, petits renards gris, maras (un gros rongeur de la taille d’un lièvre), tatous, condors et autres oiseaux de proie. Ces animaux vivent grâce aux verdientes, de petites lagunes qui se forment lorsque les rivières souterraines affleurent le sol. La terre des falaises est très friable et, à l’époque où il pleuvait beaucoup, il y a plusieurs milliers d’années, des éboulis se sont formés. D’énormes blocs de pierre se sont détachés du haut de la falaise et se sont amassés au pied. Nous nous sentons tout petits au pied de ces falaises immenses. Des peuples vivaient ici jusqu’à l’arrivée des Incas, entre deux mille et cinq cent ans avant le XXème siècle. On peut encore voir les mortiers qu’ils utilisaient pour écraser les fruits. Les archéologues ont déduit de l’état de leurs dents que ces mortiers s’effritaient et laissaient beaucoup de sable dans les purées de fruits. Ces peuples ont aussi laissé des pétroglyphes, des dessins sculptés en relief dans la pierre. Ici aussi le vent a sculpté des formes : un condor (bien que Jenny dise voir un bébé éléphant !), deux rois mages sur un chameau, une cathédrale … Nous campons près du canyon. Superbe coucher de soleil, le ciel s’embrase de rouge et orange pendant que les renards gris, grandes oreilles et queue touffue, sortent et viennent mendier nos pâtes à la tomate. Comme tous les soirs, le ciel est tapissé d’étoiles, la Croix du Sud et autres constellations.

Une longue descente d’une trentaine de km nous amène au petit village de Pagancillo. Il est un peu tôt pour déjeuner mais nous nous laissons tenter par la place du village ombragée et ses bancs usés par le soleil. Nous sommes vite entourés par les habituels chiens errants. Aujourd’hui c’est toute une famille : le père, noir charbon, la mère, zébrée de noir et d’orange comme un tigre et les trois petits, un noir et deux couleur sable. Nous prenons toujours les chiens errants en pitié, après tout, nous aussi, ça nous arrive de mendier un abri ! Un vieil homme passe, un superbe berger allemand sur les talons. Tout le village est assoupi, entre midi et quatorze heures, c’est comme en France ou en Espagne, personne ne bouge. Quelques instants plus tard, le vieil homme revient vers nous les mains chargées de trois lourdes grappes de raisin. Des gouttes d’eau perlent sur les grains, il vient de les laver. Ce raisin est un vrai dessert, les grains sont sucrés comme du miel. Il nous explique comment trouver le raccourci pour rejoindre la route 40. Vingt km de ripio mais ça nous évite un détour de 40 km par Villa Union. Nous entamons cette route en terre en plein cagnard. Un léger vent de dos nous pousse ce qui est aussi bien car la route monte en pente douce. Mais nous ne sommes pas rafraichis. Les treize premiers km se font assez facilement, la surface du chemin est compact, la terre bien tassée. Ensuite la route se dégrade. Nous enfonçons dans le sable, devons nous lever, pousser le vélo sur quelques mètres, remonter dessus pour nous ensabler à nouveau quelques mètres plus loin. Nous suons à grosses gouttes, tentons de trouver un passage moins ensablé que les autres jusqu’à ce que le vélo s’enfonce de nouveau mollement dans une couche de sable. Jay et Jenny ont la vie un peu plus facile, leur roue avant est équipée du même pneu cranté qu’à l’arrière et une roue de 26 pouces passe bien. Notre roue avant fait 20 pouces de diamètre, c’est petit et elle s’enfonce beaucoup plus vite qu’une grande roue. Nous mettons trois heures à faire ces 20 km de ripio. Toujours moins que le détour de quarante km mais nous sommes fatigués d’avoir forcé sur les pédales et poussé les vélos. Nous commençons à remettre en question le Sud Lipez à vélo, cette magnifique région de Bolivie aux routes ensablées. D’autant que Sylvie recommence à avoir mal au genou. Nous faisons une pause à Puerto Alegre, un hameau aux maisons délabrées déprimant. Les gens sont assis sur une chaise devant leur maison et attendent. Quel contraste avec la maison aux dulces d’Astica où une mère de famille avait créé une entreprise et un attrait touristique grâce à de simples confitures ! Nous ne nous attardons pas et reprenons la route, asphaltée cette fois-ci. Tout à l’heure nous roulions entre des étendues de sabla jaune. Maintenant, nous montons entre des rochers rouges, quel contraste de paysages. Nous sommes sur la fameuse Cuesta de Miranda, la côte de Miranda. Une vingtaine de km plus loin, nous retrouvons le ripio, une terre rouge qui rappelle la latérite de Madagascar. L’asphalte est très agréable mais quand le ripio est bon, le charme de la route en est changé. Les paysages nous semblent plus sauvages, plus perdus. Nous passons la nuit à Los Tambillos, un petit hameau où un petit magasin fait aussi hospedaje et a inscrit ‘Informacion Turistica’ à son enseigne. Jay et Jenny prennent une chambre et nous campons de l’autre côté de la route à 20 m de la décharge du village. Une fois passé un coup de balai et enlevé les bouts de verre, l’endroit fait un camping tout à fait convenable ! Il y a quelques mois nous nous serions probablement laissés tenter par la chambre et la douche mais notre budget a été un peu écorné par la Patagonie et Ushuaia.

Nous terminons la montée le lendemain matin. La pente s’accentue graduellement et bientôt nous apercevons le col, une ouverture taillée dans la montagne, juste au-dessus de nous. La descente est encore plus belle, avec la vallée rouge et verte qui s’ouvre devant nous, la rivière Miranda qui passe en bas et une oasis, une ferme, au bord de la rivière. Trente km de descente nous amènent à Nonogasta, un petit village. Nous pique-niquons devant un petit kiosque rouge. Un homme nous offre gentiment une bouteille de pomelo bien que nous en ayons déjà acheté une ! Deux km avant Chilecito, Sylvie crève, ou plutôt son pneu arrière ! Il y a énormément d’épines depuis Mendoza. Ben s’arrache les cheveux : ‘Je t’avais dit qu’il y avait une branche épineuse !’. Sauf qu’à 20 m l’un de l’autre, on ne s’entend pas ! Nous trouvons un petit hostel sympa bien qu’un cher avec chambres donnant sur un patio ombragé. Nous pensions prendre un jour de repos avant de reprendre finalement nous restons trois jours à Chilecito. On en aurait dû s’en douter ! La dent de Jenny plus ou moins réparée à San Agustin se fissure et nous décidons de repousser notre départ d’un jour pour qu’elle puisse voir un dentiste. Entre-temps, nous rencontrons un guide qui cherche deux touristes pour compléter son 4x4 et monter à la Laguna Brava. Etant quatre, nous éjectons malheureusement les deux Argentins qui voulaient y aller. Ils n’auraient de toute façon pas pu y aller à deux, le coût de l’excursion étant trop élevé.

Nous quittons Chilecito dans le noir à 7h du matin. Nous refaisons en sens inverse le trajet effectué deux jours auparavant : la montée goudronnée puis la Cuesta de Miranda. Nous sommes un peu ahuris de faire en moins de deux heures un trajet qui nous a pris deux jours à vélo ! A Villa Union, un petit village que nous avons évité grâce à vingt km de ripio, nous faisons un plein de facturas. Camel, le guide, nous a prévenu : ‘Ne mangez pas trop, ce n’est pas recommandé avec l’altitude’. Mais nous engouffrons nos trois facturas chacun et aucun effet ne se fera sentir même à 4.500 m d’altitude. L’estomac d’un cycliste passe avant tout ! Camel, originellement Kamel, est de père syrien et de mère italienne. Ses parents sont nés en Argentine et lui-même ne connait pas l’Europe. Sa mère va pour la première fois en Italie cette année et elle a 78 ans. Camel organise des tours dans la région depuis une dizaine d’années et pendant que nous émergeons de notre courte nuit, il nous explique l’histoire de la région et des peuples qui y habitaient avant l’arrivée des Incas et des Conquistadors. Beaucoup de noms de villages sont d’origine indigène. Nous nous demandions pourquoi les noms des villages se finissent par ‘gasta’ (Nonogasta, Sanogasta…), ca veut dire ‘village’ dans la langue indigène, pardi ! Nous traversons quelques petits villages puis le goudron se finit et nous découvrons la Cuesta de Troyas. Cette côte n’est pas aussi escarpée que la Cuesta de Miranda mais de gros boulversements ont eu lieu il y a plusieurs millions d’années : on dirait qu’un géant a soulevé la terre et l’a laissé en plan. Les couches géologiques sont à l’horizontal, légèrement en biais, une alternance de terre meuble et de roches dures, comme un gigantesque jeu de dominos qu’un enfant aurait bousculé et qui se serait arrêté de tomber en pleine course. Après ce chemin à flanc de montagne, nous retrouvons le bitume. Camel déclare notre groupe à l’entrée du parc. Depuis que deux touristes sont morts de froid l’an dernier, tout le monde doit être accompagné d’un guide. Ils se sont éloignés de la voiture pour se promener et se sont perdus. Nous nous amusons avec une jeune vigogne duveteuse que les guardaparques ont recueillie. Elle n’a que deux mois et a encore son duvet de bébé, épais et léger, on y enfonce la main jusqu’au poignet. Ah, un pull-over bien chaud en laine de vigogne… La route passe maintenant entre des montagnes de toutes les couleurs. En deux ans de voyage, nous n’avons jamais vu un tel paysage. Les mouvements tectoniques il y a plusieurs millions d’années ont fait remonter à la surface des minerais de fer et de cuivre qui se sont oxydés au contact de l’air. Les montagnes nous offrent des dégradés de rouge, ocre, vert, jaune… Ce paysage nous semble irréel tellement les couleurs sont vives. Les contrastes sont frappants, dus aux mélanges de minerais : du vert juxtaposé à du rouge… A chaque fois que nous descendons, Camel nous rappelle de faire attention aux portières à cause du vent. Il commence par sortir la main pour vérifier la direction du vent puis oriente la voiture pour être face au vent. Plus nous montons, plus le vent augmente. Ben et Jay vérifient leur altimètre : 3.500 m, 3.800 m, 4.000 m … Nous passons un col à 4.500 m puis redescendons à 4.200 m et découvrons un paysage de rêve : une lagune brillante comme un miroir, des montagnes enneigées, dans un décor sableux comme un désert. En nous approchant de la lagune, nous découvrons des flamants roses plantés sur leurs jambes fines comme sur des échasses. Camel nous explique qu’ils se nourrissent de petits crustacés qui eux-mêmes se nourrissent d’une algue qui pousse dans la lagune. Comment des oiseaux qui ont le sang chaud survivent dans un froid pareil est un mystère. Nous aimerions rester plus longtemps mais il fait très froid, un vent fort souffle et nous devons penser à la route du retour… 6h aller, 6h retour ! Nous pique-niquons à un petit refuge de pierres construit au XIXème siècle pour les bergers qui allaient vendre leurs vaches au Chili. La traversée prenait un mois et une vingtaine de refuges avaient été construit pour permettre aux bergers de passer la nuit à l’abri. Nous refaisons la route en sens inverse, toujours émerveillés par les couleurs irréelles des montagnes. Nous guettons Michael et Silvia, nos amis cyclistes suisses rencontrés à Coyhaique. Ils sont dans la région mais nous apprendrons le soir qu’ils se sont arrêtés à Villa Union … retrouvailles retardées donc.

Nous repartons en milieu de semaine, non sans que Ben ait pu pratiquer son espagnol dans le cabinet du dentiste … avec Jenny allongée sur le fauteuil, dans le rôle du patient ! Nous faisons une halte à la sortie de Chilecito pour voir un calendrier préhispanique. Camel nous a dit qu’il était utilisé par les populations locales pour déterminer les saisons des semailles, des moissons … Nous sommes un peu perplexes. Ce calendrier est une mosaïque circulaire de pierres sans aucune indication de saisons pour les béotiens que nous sommes. Peut-être que si nous étions vieux, la peau tannée et ridée et une tasse de maté à la main, nous saurions lire ce calendrier ! Un fort vent nous pousse toute la journée et pousse la gentillesse à tourner avec la route. Grâce à cette brise favorable, nous parcourons 110 km malgré quelques longues montées. Sylvie entame une tendinite au genou et Ben la pousse sur les derniers vingt km. Malgré ce handicap, nous montons les côtes à 40 km/h ! Jay et Jenny voient passer étonnés Sylvie propulsée par Ben qui tient une sacrée forme. La tendinite vient peut-être du fait que, trop confiants, nous ne sommes pas arrêtés assez souvent aujourd’hui pour boire et nous étirer. Arrêtés sur la route, nous voyons passer un camping-car… ‘Français !’ crions-nous ! Nous sommes ravis, il y a peu de Français en camping-car, surtout des Suisses et des Allemands et personne ne s’arrête pour nous. Germain et Marie, 70 ans, voyagent en Amérique du Sud pour plusieurs mois. Germain a aussi à son actif la route de la Soie avec un groupe de camping-cars. L’arrière de leur voiture est couvert d’un grand poster, un montage de photos de leur voyage et un planisphère avec leur route … idéal pour discuter ! Nous leur souhaitons bonne route en descendons à vive allure sur une vallée très verte. Un oasis a été établi le long d’une rivière, une succession de villages sur vingt km. Une longue ligne verte au milieu d’un paysage désertique. Nous nous posons au premier village, Schaqui. Jay et Jenny prennent une chambre dans une hospedaje un peu (beaucoup !) délabrée et nous plantons la tente dans le jardin. Vu l’état de certaines hospedajes, on préfère parfois notre tente ! Bon, on ne crache pas dans la soupe pour autant, grâce à Jay et Jenny, nous campons gratuitement. Eux paient pour une douche froide et des draps douteux !

Le lendemain, la tendinite de Sylvie ne s’est toujours pas améliorée et Ben la pousse dès le départ. Aimogasta, notre étape du jour est à une cinquantaine de km et le vent souffle de face. Une quinzaine de km plus loin, au village de San Blas, nous tombons sur les Français de la veille. Ils nous proposent de déposer Sylvie et son vélo à Aimogasta. Soulagement ! Elle est frustrée, nous n’aimons pas ‘casser’ le fil avec des bus ou des camions. A peine arrivés à Aimogasta, Germain a une idée : ‘Et si on retournait chercher Ben ? comme ça tu ne seras pas toute seule ?’. Entre-temps, un homme aborde Sylvie sur la place du village : ‘Ciclistas !’. Ce sont Michele et Dominique, les deux Sud-Africaines rencontrées lors du passage de frontière à Villa O’Higgins il y a deux mois. Nous nous étions donné rendez-vous ici. Elles ont eu une petite journée venant de La Rioja et du vent de dos. Ben arrive, un peu renfrogné : ‘Je voulais pédaler, moi !’. Mais aucun de nous deux n’apprécie de laisser l’autre seul sur la route. Enfin pas vraiment seul puisqu’il y a Jay et Jenny mais bon. Nous remercions Germain et Marie, ils ont probablement épargné à Sylvie plusieurs semaines d’arrêt et ils ont poussé le dévouement et la gentillesse à faire deux fois la route pour nous ! Jay et Jenny arrivent en fin de journée, un peu fatigués, ils n’ont eu que du vent de face toute la journée ! Peu de logements dans ce gros village poussiéreux, nous devons nous rabattre sur un hôtel, un peu cher. Nous décidons de partir pour Iguazu le temps que la tendinite disparaisse et les autres décident de nous accompagner. Chouette, une semaine de vacances à six, on va s’amuser !


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