Gipsy Paladini... Une auteur au parcours géographique atypique, qui nous a livré récemment son premier roman : un polar noir dans le New York des années 60 : Sang pour Sang
Ce livre, je l'ai lu. Il m'a captivée, surprise. Vous pouvez en relire ma chronique en cliquant sur le lien ci-dessus. D'ailleurs, ce polar, qui mérite d'être connu, je le fais voyager. Pour vous inscrire (conditions être blogueur connu par moi où mes amies blogueuses), même punition, cliquez sur le lien !
Pour mon plus grand plaisir et j'espère le vôtre, j'ai interrogé la jeune auteur... Et voici ses passionnantes réponses ! Je me suis moi même régalée en les découvrant. D'ailleurs, plus d'une de ces réponses éveillent en moi multitude d'autres questions... Mais bon, il faut savoir se limiter !
Bonjour Géraldine,
Eh bien me voilà honorée, tout d’abord une très bonne critique du livre et maintenant une interview, je vais commencer à croire que mon livre n’est pas si mal finalement
Comment décide t-on, un jour, de se mettre à écrire un livre et qui plus est un polar, qui relève d'un genre très spécifique ?
GP : Je pense qu’il y a deux sortes de personnes, ceux qui écrivent par choix, qui ont donc besoin de cours, de direction, de temps, etc. et ceux pour qui écrire est naturel (louable dans les deux cas). Dans ma famille, je n’ai personne qui aurait pu m’inciter à écrire, et pourtant j’ai toujours écrit, partout. Des idées surgissaient (et continuent de le faire d’ailleurs) dans mon esprit à n’importe quel moment de la journée et de la nuit, et il fallait que je les écrive. J’écrivais sur des bouts de nappe, des étiquettes de bouteille, du papier toilette, ça m’est même arrivé de m’écrire sur le corps quand je n’avais pas d’autre support. Ca rendait fou mes parents. La nuit je dispose toujours un bloc note à mes côtés et parfois j’écris pendant une heure dans la nuit noire, du coup le lendemain je me mets dans tous mes états parce que je n’arrive plus à me relire !
Donc pour ma part, je n’ai jamais « décidé » d’écrire un livre, c’est venu naturellement, pourtant bien que je fusse particulièrement douée en orthographe, je n’avais pas de très bonnes notes en français. En fait les cours de mes professeurs me donnaient des idées, et du coup à la fin de ceux-ci, j’avais rempli toutes les marges de notes et presque rien sur le sujet de la leçon journalière.
J’ai donc écrit deux livres vers la quinzaine, mais mon premier vrai roman (qui avait éveillé l’intérêt de Gallimard, ayant passé le cap des 4 lecteurs) je l’ai écrit à mes 21 ans.
Pour ce qui est du polar, à vrai dire, j’ai toujours été passionné des films noirs, les Bogard, Bacall, Tierney, les répliques à la Mae West, etc. J’aime la passion qui brille dans les yeux, les dialogues travaillés, la beauté des femmes, et bien que je ne pensais pas vraiment à m’orienter moi-même –tout du moins dans l’écriture- vers ce domaine, c’est venu naturellement. Maintenant que j’ai un pied dedans (encore chétif), je compte bien m’accrocher, et même si j’ai encore beaucoup à apprendre, je sens que je vais m’épanouir dans le genre.
Quand vous avez commencé votre travail d'écriture, saviez vous déjà où vos personnages allaient vous mener ? Qui tenaient les rennes : vos personnages ou vous ? Combien de temps avez vous mis avant de poser le point final ?
GP : Alors là…j’ai écrit le livre voici six ou sept ans donc je ne me souviens pas de toutes les circonstances. Ce dont je me souviens est qu’à l’époque, Harlan Coben venait de sortir en France ses deux premiers titres « ne le dis à personne » et « disparu à jamais », et même si mes goûts se sont corsés et que je préfère le roman plus noir (mon ami Claude Mespledes me tirerait les oreilles, car « noir » étant un genre, on ne dit pas « plus » noir, c’est comme dire « plus thriller » !! mais j’aime bien désobéir ), c’était la première fois que j’étais confrontée à cette mise en scène, ces chapitres rapides pleins de rebondissements, et c’est sur cette base que j’ai voulu écrire « Sang pour Sang », afin de donner une impression de course perpétuelle.
Pour en revenir au contexte de l’histoire, pour ce livre en fait je n’avais que la fin du roman. Je la traînais depuis quelques années déjà et un jour j’ai décidé d’en faire un policier.
Pour ce qui est de mes personnages ou de l’histoire en elle-même, je ne fais pas parti des écrivains qui se laissent guider par leur inspiration sans savoir ce qu’il adviendra dans la page suivante. Personnellement je ne peux pas entamer l’écriture d’un roman si je n’ai pas le squelette et les articulations de l’histoire. Par contre il est vrai que les personnages m’ont surprise et se sont étoffés au fil de l’écriture, m’entraînant d’ailleurs du simple livre à suspense au polar.
Je pense que j’ai dû écrire le livre en sept ou huit mois. Par contre la correction a bien dû durer 5 ans (lol)…vous savez ce que c’est, on peut lire cent fois un livre, on y trouvera toujours à le corriger.
Votre roman se déroule dans le New York des années 60. Pourquoi justement cette ville et cette époque : une évidence, une envie, une passion pour la grosse pomme ?
GP : Le choix de la date était évidente par rapport au contexte de l’histoire et à la situation de celle-ci. Comme je voulais en placer l’intrigue aux Etats-Unis et que le livre s’est de lui-même tourné vers le polar, New York m’est apparu elle aussi comme une évidence. La pluie, la grisaille, les impers mouillés, les phares des voitures dans la nuit, je ne vois aucune ville à la fois aussi fascinante et impitoyablement sombre que New York.
Pour coller au genre du polar, avez vous suivi des codes ou un canevas précis ou avez vous juste laissé votre inspiration faire le travail ?
GP : Comme je l’ai mentionné en haut, mon initiative première était d’écrire un roman à suspense, avec une bonne dose de rebondissements (je pense d’ailleurs que certains polardeux avérés pourraient éventuellement me reprocher d’avoir un peu boudé certains codes du polar), néanmoins comme l’histoire se déroulait dans les années 60, les personnages se sont mis à parler et à agir d’une manière telle que le livre s’est tourné de lui-même vers le polar, à ma grande reconnaissance.
Donc je n’ai pas vraiment suivi de codes, si ce n’est de faire évoluer l’histoire dans une noirceur parfois insoutenable, mais sans aucun doute ai-je été inspiré par les films noirs dont je raffole.
Votre personnage principal, Al n'a pas des abords très sympathiques ; bourru et parfois bourré, misogyne. Pourquoi un tel choix ? On a l'impression que vous même ne l'aimez pas trop mais que vous êtes presque prête à lui donner une seconde chance ? Ne serait-ce pas plus agréable et / ou plus facile d'être amie et éprise du personnage que l'on crée ?
GP : Détrompez-vous, je suis très éprise de Al, justement parce que c’est quelqu’un qui ne cherche pas à être aimé. Il vit dans un monde à part, un monde qu’il n’ouvre à personne, et peut-être ainsi ai-je l’impression que moi-même je ne le connais pas. C’est grisant pour un auteur d’être surprise –même désagréablement- par un de ses personnages.
En même temps j’aime le fait qu’il essaie, même si ce n’est pas une évidence au début du roman, de se sortir de cette noirceur poisseuse, qu’il voit la lumière au bout du tunnel, mais à chaque fois qu’il s’en approche les ténèbres le ramènent irrémédiablement à eux.
Par contre pourquoi j’ai pris plaisir à le rendre si désagréable, c’est un mystère même pour moi. D’autant que je suis plutôt féministe et que dans la réalité, j’aurais volontiers collé un pruneau dans le front (ou autre part d’ailleurs) d’un type pareil.
Sans trop dévoiler le dénouement de l'énigme, on peut dire que la clé se trouve dans une époque traumatisante de l'humanité où l'Homme faisait déjà preuve de grande inhumanité et d'extrême ingéniosité dans la torture. Vous donnez quelques descriptions et pas mal d'exemple, donnant même, à la fin du livre, les véritables noms de ces hommes tristement célèbres. Dans cette partie, où s'arrête le romanesque et où commence l'Histoire ?
G.P C’est en effet une période qui me tient très à cœur et une source inépuisable d’inspiration. J’ai fait énormément de recherches sur cette période, et c’est vrai que c’est difficile de terminer la dernière ligne du roman, de tourner la page puis de passer à autre chose. Un peu de notre innocence et de notre foi restera toujours là-bas, au milieu des cadavres.
La plupart des descriptions des sévices subis (voir toutes les descriptions, si je me souviens bien), sont réelles, et j’imagine qu’il y a eu pire, malheureusement j’ai dû faire un choix et n’en sélectionner que quelques unes.
Les personnes dont je parle ont-elles aussi existées. Elles ont perpétré les horreurs que je leur impute.
Pour moi il était important de ne pas faire qu’une banale histoire policière (bien que certains soient très doués pour ça), j’ai besoin de matière plus consistante, et j’aime soulever des questions graves, comme ici, à savoir : quel genre de personnes serions nous si l’horreur venait frapper à notre porte ? Que ferions-nous si on nous donnait les pleins pouvoirs ? Ce sont des questions auxquelles personne ne peut répondre tant qu’on n’a pas été confronté à certaines situations.
Pourquoi avoir justement choisi de dénoncer cette triste période de l'Histoire ?
GP : Comme je l’ai dit plus haut, cette période de l’Histoire m’horrifie tout comme elle me fascine parce que c’est une période si sombre de l’humanité, si incompréhensible. Comment en peut-on arriver là ? Le pire est qu’après avoir étudié le sujet, je me dis que malgré cet exemple du passé, on pourrait recommencer. La capacité qu’a l’homme de pouvoir oublier est à la fois un don et une malédiction, car il n’apprend jamais rien.
Prévoyez-vous d'autres aventures pour votre personnage Al ? Celui ci pourrait il devenir un personnage récurant ?
GP : Figurez-vous que Al a effectivement ses fans, et en premier mon cher éditeur, Stéphane Berthomet, et donc bien que je n’aurais jamais pensé écrire une suite, je suis en ce moment même en train de lui faire des misères. Ce sera une occasion d’en apprendre davantage sur lui, et d’autres personnages qui sévissent dans le premier tome. Par contre ce ne sera pas une vraie suite, c'est-à-dire qu’on pourra lire les livres dans le désordre.
Vous semblez avoir la bougeotte... Vous avez vécu à Los Angeles, puis au Brésil. Vous voici revenue en France.... Des fourmis dans les jambes ? Envie de repartir ? Où ? Le pays de vos rêves ? Et vos prochaines vacances, où vous mèneront-elles ?
GP : Depuis que j’ai 13 ans je voulais partir aux Etats-Unis. Je n’étais pas très sociable, je vivais dans une bulle avec mes histoires, et je me sentais à l’étroit dans le quartier de l’est où je suis née. A seize ans j’ai commencé à sillonner les routes en stop, puis j’ai été en Afrique, en Asie avant de partir définitivement de la France à 19 ans. Là j’ai été en Autriche, où j’ai vécu deux ans au milieu des immigrés yougoslaves, là-bas je me suis passionnée pour la Yougoslavie, j’ai appris la langue et m’y suis même rendue seule durant un long voyage dans les Balkans. Durant cette période j’ai beaucoup voyagé : Cuba, Turquie, Roumanie, etc. puis je suis partie ensuite aux US avec 100$ en poche. J’ai atterri à San Francisco dans une auberge miteuse au milieu des junkies qui s’enfilaient des rai de coke en se gavant de « South Park », je fréquentais les bars chinois, discutais avec des membres de gangs mexicains, jouaient au billard avec des vétérans du Vietnam, puis je suis allée à Los Angeles…partout où j’allais j’aimais fréquenter les lieux et les gens « hors la loi », soit des gens qui ne correspondent pas au profil du parfait petit citoyen. Je pense que c’est dans les milieux sociaux défavorisés qu’on trouve le plus d’humanité, justement parce que généralement ce sont des gens qui n’ont pas eu la vie facile et qui savent que pour s’en sortir ici bas il faut se battre.
J’aime les villes torturés, les gens déchirés, les vies bancales, ce sont sur ces existences imparfaites que j’ai envie d’écrire. La perfection m’horripile.
Prochaine destination de vacances ? Là où mes rêves voudront bien m’emporter…
Quelle lectrice êtes-vous ? Quel auteur admirez-vous le plus ? Quels sont vos 3 derniers coups de coeur littéraires ?
G.P : Généralement je ne lis pas quand j’écris parce que j’ai tendance à être inspirée par le type de livres que je lis (noir, sentimental, humoristique, etc.), mais bon en ce moment je déroge un peu à la règle puisqu’avec la promotion de « Sang pour Sang », je suis un peu désorientée)…j’avais coutume de lire environ trois livres par semaine. J’ai eu mes périodes populaires avec Gavalda, Coben, Kennedy, etc. (sans oublier Stephen King qui a été mon premier coup de foudre durant mes très jeunes années), qui m’ont fait à chaque fois découvrir un univers propre dans lequel, livre après livre, j’aimais me plonger, puis j’ai fait la connaissance du maître Japrisot dont le ficelage des intrigues est incomparable…puis mes goûts se sont précisés…j’admire depuis toujours le grand aventurier Cizia Zykë, même si tous ses livres surtout dans ses derniers ne me plaisent pas, et puis il y a Dennis Lehanne qui sait si bien mêler le suspense aux sentiments, ses histoires étant toujours profondes, et aussi une auteure méconnue en France, Patricia Melo, une brésilienne, qui écrit à coups de mitraillette avec une critique très cynique de la société brésilienne, je l’adore…et depuis que j’ai publié mon livre et donc que je suis davantage orientée vers le polar j’ai découvert John Connolly ( pas Michael !) dont je suis folle du personnage, Charlie Parker, un homme cruellement saigné à vif, qui traîne la mort derrière lui comme une ombre emportant sur son passage les personnes qu’il aime.
En ce moment, afin de corriger mes potentielles lacunes polaresques, je me replonge aux sources en lisant : « J’étais Dora Suarez » de Robin Cook et « Le grand Sommeil » de mon Chandler adoré, quelle perfection d’écriture, et les dialogues…un tel délice qu’on a l’impression en fermant le livre qu’on a pris trois kilos !
Les trois derniers coups de cœur littéraires ? Ouah, c’est comme demander à Paris Hilton d’emporter sur une île déserte qu’une seule paire d’escarpins !
A défaut de citer les œuvres, je citerai les auteurs :
Patricia Melo (peut être pour « Enfer »)
Bukowski (pour son œuvre générale)
John Connoly (« l’ange noir »)
Dennis Lehanne (« Shutter Island » (the best surprising ending ever), « ténèbres, prenez moi la main »)
Raymond Chandler (« Le grand sommeil »)
James Ellroy (« Le Dahlia noir »…d’où j’ai tiré le prénom de ma fille)
Pour mes petits coups de cœur récents : « Chocolat » de Joanne Harris, « petit déjeuner avec Mike Jagger » de Kuperman et Elite da Tropa, de Soares, Batista et Pimentel, livre document sur la BOPE, l'unité d'élite radicale de la police de Rio de Janeiro (apparemment la seule à ne pas se laisser bouffer par la gangrène de la corruption...mais à quel prix?). N’hésitez pas à sortir des conventions pour découvrir de nouveaux auteurs, c’est souvent comme ça qu’on se chope un coup de cœur (pas de souci, c’est un mal bien agréable à soigner…)
Ah mince, ça fait déjà six…et des poussières …
Bon de toute manière Paris Hilton ne survivrait pas une nuit sur une île déserte, alors…
So long, Buddies…