L’intéressant, dans une banque, c’est ce qui est caché, secret, ce qu’on ne voit pas. La Banque de France à Béthune, devenu centre d’art sans que l’agencement des lieux ne soit vraiment modifié, comprenait non seulement guichets, bureaux, salles des coffres et des archives, mais aussi un chemin de ronde souterrain où un veilleur de nuit tournait inlassablement pour vérifier que nul ‘monte-en-l’air souterrain’ ne perçât un tunnel pour atteindre les coffres de la banque. Beau métier, non ? Imaginez cet homme, peut-être ancien militaire, claudiquant du fait d’une blessure dans le djebel, tournant sans fin chaque nuit dans ces longs boyaux sombres encombrés de tuyaux et de câbles en tout genre, et tentant, au milieu des glouglous d’eaux usés et des bruits assourdis du dehors, de percevoir les sons d’une intrusion aussi probable que l’invasion du Désert des Tartares.
Les artistes ont aussi investi le boyau souterrain de surveillance avec des installations lumineuses et sonores tout à fait impressionnantes. Dans une salle d’archives aux murs couverts de casiers de rangement, se joue une symphonie musicale et lumineuse faite d’harmonies et de dissonances (photo du haut; voir aussi la vidéo).
On s’engage ensuite dans le boyau sombre, où le pas du visiteur déclenche des rafales lumineuses, des éclairages inopinés, des sons stridents. On hésite à avancer dans le noir, et soudain une loupiote vous y invite; on se croit à l’abri dans un coin sombre et soudain on est pris dans des faisceaux de lumière crue. Cette expérience est-elle de l’art ? Ne serait-ce qu’un autre jeu forain comme le maillet de l’entrée ? Cette question est-elle pertinente ? Toujours est-il que chacun, à son rythme, à son pas, à son gabarit, crée son propre parcours, vit sa propre expérience, et que j’ai aimé la mienne.Photos 1 et 3 courtoisie de Lab: labanque (photos Marc Domage)